Peine de mort, Les États-Unis face à l’incompréhension

Manifestation d'Amnesty International

Manifestation d'Amnesty International à Toronto moins d'une semaine avant l'exécution de Troy Davis - Photo par Aubrey Harris

Alors qu’en Occident la majorité des démocraties ont aboli la peine de mort, les Etats-Unis illustrent l’exception à la règle. Pourtant, la tendance générale est bien à l’abolition de cette peine ultime (140 pays ont aboli la peine de mort, contre 16 en 1977).

La récente exécution à mort, dans l’Etat de Géorgie, de l’afro-américain de 44 ans Troy Davis, dont la culpabilité pour le meurtre d’un policier blanc était empreinte de « sérieux doutes » selon de nombreux observateurs, a mis une nouvelle fois en lumière ce paradoxe. L’Union européenne – dont les 27 membres ont tous aboli ce châtiment – a notamment « déploré» cette condamnation.

46 exécutions aux Etats-Unis en 2010

34 des 50 Etats américains perpétuent cette ultime condamnation. Selon le rapport annuel d’Amnesty International, avec 46 exécutions en 2010, (contre 52 en 2009), les Etats-Unis s’inscrivent en troisième place, derrière l’Iran (246 exécutions) et la Chine (plus de mille exécutions). Autrement dit, la première puissance mondiale côtoie dans ce tableau deux pays régulièrement pointés du doigt pour manquement au respect des droits de l’Homme et des principes démocratiques.

L’argument sécuritaire

Pour les partisans de la peine de mort, ce châtiment permet de contenir la violence d’une société. « Cela n’arrête pas le crime ! C’est une idée obsolète », tonne Don Wright d’Amnesty International à Vancouver (bureau régional Pacifique), pour qui le non-fondement de cette relation de cause à effet est réglé depuis longtemps. Et l’organisation non-gouvernementale de rappeler qu’au Canada, après l’abolition de la peine de mort en 1976, le taux d’homicides n’a pas augmenté, au contraire, ce taux a « légèrement décliné l’année qui a suivi de 2.8 [meurtres] pour 100 000 [habitants] à 2.7». Sur le plan du droit international, l’Organisation des Nations unies, qui encourage les pays à l’abolition, a établi dans un rapport datant de 1988 et actualisé en 2002, que la peine de mort avait un effet « légèrement plus dissuasif (…) que la menace et l’application de la peine (…) de réclusion à perpétuité ».

Le coordinateur de la campagne d’abolition de la peine de mort d’Amnesty International au Canada, Aubrey Harris, va plus loin. « Après des décennies d’exécutions dites “modernes”, aucune étude crédible n’a jamais montré que la peine de mort avait un effet de dissuasion aux Etats-Unis », souligne-t-il. « Au contraire, les Etats qui maintiennent la peine de mort ont typiquement des taux d’homicide per capita beaucoup plus élevés » affirme-t-il.

Néanmoins, les victimes ou les familles de victimes favorables à la condamnation à mort invoquent un sentiment de sécurité, en empêchant leur bourreau de récidiver.
Mais également, «certaines personnes pensent que la vengeance est nécessaire », explique Don Wright. Ce qui n’est pas sans rappeler la Loi du Talion Œil pour œil, dent pour dent, établie afin d’éviter que les hommes ne se rendent justice eux-mêmes. Pour le militant, ces arguments ne sont pas acceptables : « il y a un long processus d’éducation des gens à faire », assène-t-il.

Le motif financier 

Les exécutions, un remède économique ? En tout cas une méthode radicale pour éradiquer la surpopulation des prisons pour ses partisans. Pour Aubrey Harris au contraire, « les procès de peine de mort coûtent beaucoup plus cher ». Les prisonniers ont souvent des avocats commis d’office payés par l’Etat et l’entretien d’un couloir de la mort et d’une salle d’exécution coûtent en réalité beaucoup d’argent.

Une marche vers l’abolition

Paradoxalement, les Etats-Unis « sont l’un des pays avec le mouvement abolitionniste le plus fort », souligne Aubrey Harris. Notamment parce que l’Etat du Michigan a aboli la peine capitale en 1846, ce qui lui confère le statut de « juridiction anglophone abolitionniste la plus longtemps établie dans le monde », souligne ce dernier.

Don Wright, est optimiste. Pour lui les différentes campagnes menées aux Etats-Unis portent leurs fruits : « De plus en plus de gouverneurs reçoivent le message » explique-t-il, à l’instar de l’Illinois qui a aboli la peine de mort cette année. Les gouverneurs comprennent que les procès ne sont pas toujours équitables, qu’ils peuvent faire l’objet de discrimination ou de racisme, avec des témoins parfois « forcés à témoigner ». En outre, les prisonniers atteints de déficiences mentales ne sont pas épargnés, poursuit-il. Ainsi, dans les couloirs de la mort, se côtoient coupables, malades mentaux et innocents (138 condamnés à mort innocentés depuis 1973).

L’Etat de Californie sera soumis à un vote sur la question, en 2012. Pour l’heure, le dernier sondage révèle que 68% des Californiens sont favorables à la peine de mort, tout comme les Canadiens (69%) au moment de l’abolition de la peine de mort en 1976…

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Sur 46 exécutions aux États-Unis en 2010: Texas: 17, Ohio: 8, Alabama: 5, Missisipi: 3, Oklahoma: 3, Virginie: 3, Géorgie: 2, Arizona: 1, Floride: 1, Louisianne: 1, Utah: 1, Washington: 1.