Un « Super Visa » pour des familles « super riches »

Entré en vigueur le 1er décembre dernier, l’objectif du nouveau « Super Visa », émis par Citoyenneté et Immigration Canada (CIC), est-il de faciliter le regroupement familial ? Ce n’est a priori pas le but de la loi, avoue Jason Kenney, Ministre de la Citoyenneté, de l’Immigration et du Multiculturalisme, dans son discours du 19 décembre dernier. « Nous avons adopté une approche fondée sur le bon sens, qui permet aux parents et aux grands-parents de passer du temps avec leurs proches au Canada, pendant une période prolongée, tout en agissant de façon responsable en protégeant les contribuables canadiens », a-t-il expliqué à l’occasion de la délivrance du premier sésame.

Un visa victime de son succès

Dans les faits, le « Super Visa » réduit considérablement le temps d’attente d’une autorisation d’entrée sur le territoire des ascendants, avec un délai moyen de traitement prévu de huit semaines. Le dispositif a même été étonnamment rapide pour une poignée de personnes extrêmement chanceuses. Mais surtout, ce visa permet aux arrivants de rester deux ans sur le territoire canadien sans avoir à faire une demande de prolongation tous les 6 mois comme la loi l’exigeait précédemment. Un changement bien accueilli par certaines familles, car ces renouvellements exigeaient à chaque fois de nouveaux frais et de nouveaux délais.

Jusqu’ici, il apparaissait donc comme un moyen rapide et efficace de réunir à nouveau les générations, avant que son accès soit restreint.

Car face au succès du nouveau permis de séjour qui s’est traduit par un afflux de candidatures imprévu, le CIC a prononcé le gel des parrainages des nouveaux arrivants. Cette disposition entraîne de facto la suspension temporaire de toutes nouvelles demandes. Aujourd’hui, ce ne sont pas moins de 165 000 dossiers qui sont en attente d’être traités.

De plus, les enfants des candidats aux visas doivent présenter toujours plus de garanties financières et professionnelles solides. Car si les enfants accueillant leurs parents doivent avoir la résidence permanente ou la citoyenneté canadienne, il faut aussi que leurs revenus leur permettent d’assurer le coût de la vie de la famille réunie, et ce pour une période de 10 ans !

Les pays en développement en porte-à-faux

Par ailleurs, les arrivants ont désormais l’obligation d’être dotés de coûteuses, mais indispensables, assurances maladies. Sachant que les prix de celles-ci varient entre 2 000 et 4 000 dollars, il devient bien plus compliqué pour les personnes aux revenus modestes de rassembler toute la maisonnée.

Un « Super Visa » pas accessible à toutes les familles

Un « Super Visa » pas accessible à toutes les familles
Photo par Antoine Heaulme-Laverne

Il s’agit du premier son de cloche entendu du côté de l’Agence francophone pour l’accueil des immigrants (AFAI). Si le dispositif apparaît comme simplifié au début, ce nouveau coût d’entrée sur le territoire constitue une barrière à l’entrée de nombreuses familles issues de la francophonie africaine. En effet, alors que les demandes de regroupement familial en provenance d’Europe sont quasi-nulles lorsqu’il s’agit des parents, la plus grande part des demandes, en provenance d’Afrique voient leurs chances d’entrer au Canada grandement hypothéquées. Les ressortissants français, belges et suisses restent relativement épargnés par ces exigences.

Autre critère discriminant : les candidats au regroupement générationnel devront également satisfaire des tests de langues plus relevés qu’auparavant, en anglais ou en français.

Sans compter que l’obligation de réunir la totalité des documents destinés à remplir la procédure doit désormais être satisfaite dès le début de celle-ci. In fine, toutes ces conditions forment un frein puissant à un certain type d’immigration : celle en provenance des pays les moins riches. Comme le souligne l’AFAI, le « Super Visa » sera plus facile à obtenir pour les immigrants qui en ont les moyens, et restera un rêve amer pour les autres.

A travers ces contraintes, l’objectif avoué par le gouvernement est de diminuer de moitié les 165 000 demandes.

Mathématiquement, cela devrait aussi contribuer à ne pas alourdir le coût pour le pays. Car ces immigrants sont a priori peu susceptibles de trouver un emploi à leur arrivée (barrière de la langue, manque de qualification, âge avancé…).