Pied de nez au pipeline

Photo by systemF92, Flickr

Photo by systemF92, Flickr

Puisque tout le monde en parle, j’en parle aussi. Je me permets d’ajouter mon grain de sel à l’huile, lorsque la moutarde me monte au nez. Mais quel est donc l’objet de mon courroux ? Le projet d’oléoduc d’Enbridge, évidemment. Un projet qui, selon mes calculs, multiplie les divisions. Faut le faire tout de même, ai-je dit. Mêle-toi de tes affaires, m’a-t-on répondu.

C’est bien ce que je fais. La question est pourtant simple : êtes-vous pour ou contre la construction du pipeline Northern Gateway, destiné à transporter le pétrole albertain vers Kitimat en C.-B., afin d’alimenter le marché asiatique ? Répondez par oui ou par non. Pas de “je ne sais pas”, ni de “peut-être ben que oui, peut-être ben que non” et encore moins de “ça m’est égal”.

C’est un sujet important, un sujet délicat, un sujet que l’on doit prendre au sérieux, un sujet sur lequel on ne tergiverse pas. On est pour ou on est contre, un point c’est tout. Mais, puisque nous sommes dans le sérieux, le très sérieux, sachons reconnaître que pour se faire une idée sur le sujet, il est indispensable d’en comprendre les enjeux. D’où mon rôle : celui d’éclaireur ou d’éclaircisseur comme le disait mon oncle Antoine qui a failli obtenir un siège à l’Académie française de la Colombie-Titanique.

L’heure est grave. L’avenir de notre nation semble tenir, non pas à un fil, comme on aimerait nous le faire croire, mais à un pipeline. Grâce aux cieux, je suis là pour tenter en toute objectivité, et je vous défends de rire, de vous aider à y voir clair. La lumière doit apparaître au bout de l’oléo-grand-duc d’Alberta. Inutile donc de perdre du temps puisque le temps, ne l’oubliez pas, c’est de l’argent. Et l’argent c’est le mot clé de toute cette affaire, le sésame qui nous ramène à notre sujet. Suivez l’argent et vous comprendrez à qui profite véritablement le projet Northern Gateway. Reniflons ensemble cette affaire. Vous ne sentez rien ?

Rien d’étonnant. Rappelez-vous : l’argent n’a pas d’odeur. Navré de vous avoir induit en erreur et enduit de pétrole. Changeons donc de piste, non pas qu’elle soit fausse, mais elle peut être longue et semée d’embûches. Cap sur les protagonistes antagonistes.

D’un côté, l’industrie pétrolière, représentée par ses PDG en costume trois pièces montées. Pour les accompagner et leur prêter mains fortes : le gouvernement fédéral non-conservateur-d’énergie, déterminé à couper l’herbe sous les pieds de ces rats-dit-co-co. Leur faisant face : les environnementalistes, écolo à tout crin, prêts à tout, en prêt-à-porter tenant dans leur main le dernier épisode de la série télé du vénéré David Suzuki. Dans le même camp, et en première loge, les représentants des peuples des Premières nations qui n’aiment vraiment pas que l’on fasse joujou avec Mère Nature.

Enfin, dans le but de faciliter votre choix, pour ou contre la construction du pipeline, voici une série de questions, dont la neutralité, l’objectivité et l’impartialité ne peuvent être remises en question. Répondez simplement par oui ou par non.

  1. Êtes-vous en faveur du réchauffement de la planète qui, entre autres, faciliterait votre bronzage? Dans pareil cas, êtes-vous prêts à accueillir girafes, zèbres, chameaux et lions de la C.-B. dernier vainqueur de la Coupe Grey?
  2. Êtes-vous prêt à suivre des cures de nappe de pétrole à la future station thermale du terminal de Kitimat?
  3. Êtes-vous intéressé à colmater les nombreuses fuites de pétrole le long du pipeline envisagé, en tenant compte du palmarès d’Enbridge (plus de 100 accidents déclarés par an)?
  4. Êtes-vous en faveur de l’enrichissement des sociétés pétrolières, dont les profits se font sur le dos de Mère Nature qui, elle, ne demande pas mieux qu’on lui foute la paix?
  5. Maintenant pensez-vous avoir saisi l’essence des problèmes qui entourent le transport du pétrole ?

Faites votre compte. J’ai fait le mien et j’en arrive à souhaiter que le pipeline se casse la pipe. Et dire que je n’ai même pas abordé la question des sables bitumineux de l’Alberta. Je m’enlise.