Western eyes
Chirurgie esthétique ou l’estime de soi

Ann Shin, réalisatrice et productrice de documentaire Western Eyes.

Ann Shin, réalisatrice et productrice de documentaire Western Eyes - Photo par Ann Shin

En feuilletant votre magazine, ou votre journal préféré de la semaine ou du week-end, il n’est pas rare de tomber sur une publicité qui traite de la « correction esthétique ». Comment avoir l’œil plus rond, ou plus caucasien ? Phénomène de mode ou malaise profond? Enquête sur un phénomène à la fois caricaturé et méconnu.

La Chine implose avec le phénomène de masse de débridement des yeux. On n’y recense pas moins de 120 opérations par jour, et ce sous les yeux du Parti communiste chinois. En Occident, on s’interroge. Le Canada notamment se pose des questions sur ces techniques qui ont pour but de modifier non seulement l’image, mais aussi l’identité.

Lors d’une conférence intitulée Le marché de la beauté…un enjeu de santé publique, à L’Université du Québec à Montréal, Louise Vandelac, professeure titulaire au département de sociologie, à l’Institut des sciences de l’environnement donne une analyse pointue de ce phénomène de chirurgie esthétique.

« C’est ainsi qu’à corps défendant ou parfois à corps perdu, certaines femmes tentent – désespérément parfois – de se mouler aux prétendus canons de beauté pour conjurer les signes du temps… Comme si les prothèses, liposuccions, liftings, traitements au Botox, débridage des yeux, blanchiment de la peau (…) permettaient, (…) d’échapper aux aléas de la vie ou d’étancher sa quête de plénitude », explique-t-elle. Pour cette professeure, ces interventions représentent dans certains cas de « véritables plus-values identitaires ».

Vers « un idéal de beauté universel »

En réponse à ce texte, Ann Shin, réalisatrice et productrice de documentaire à Toronto a décidé de réaliser un film sur le débridement des yeux. Ce documentaire tourné en 2000, s’intitule Western eyes (Regard occidental). L’auteur s’explique sur la motivation première d’un tel film : « J’avais moi même des idées pré-établies sur les yeux arrondis, et sur la motivation que certaines femmes asiatiques pouvaient avoir à ressembler à des Européennes ». Après avoir interrogé près de 30 personnes et suivi deux d’entre elles, Ann Shin a finalement changé d’avis : « la chirurgie esthétique des yeux est du même ordre que celle du nez ou du blanchiment des dents. En Asie, ce n’est pas un problème, mais en Amérique du Nord c’est considéré comme du déni».

Pour elle, la clé réside en trois mots : « global beauty ideal » (un idéal de beauté universel), soit la forme d’une beauté mondialisée et normalisée. « C’est devenu une prescription non pas médicale mais culturelle », souligne la réalisatrice. C’est le signe de notre époque : coller à l’image qui nous est donnée!

Sentiment d’insécurité et dévalorisation

L’une des principales motivations évoquées, quant au recours à la chirurgie esthétique est le sentiment d’insécurité et de mauvaise estime de soi. Ce n’est pas seulement basé sur des critères de race, mais en partie sur des aspects uniquement esthétiques, tels que la grosseur du nez par exemple. Pour la réalisatrice, les actrices par exemple ne ressentent aucune émotion quand il s’agit de critiquer leur physique.
Les hommes y viennent eux aussi peu à peu, même si cela reste un phénomène nouveau pour eux.

Quelle responsabilité pour les médias ?

L’impact des médias, et notamment des magazines, n’est pas anodin dans ce phénomène. Vecteur international, les médias véhiculent ces images de « beauté universelle » et en font la promotion. Sont-ils pour autant responsables ? Il serait manichéen d’avancer de manière catégorique une telle idée. Mais selon Ann Shin, « le facteur de la mondialisation économique engendré par le voyage » est une explication plus que plausible à la création d’une culture globalisée. Finalement, il est dans la nature humaine de vouloir posséder ce que l’on n’a pas.

Pour plus d’information et pour visionner gratuitement le documentaire Western Eyes:
www.nfb.ca/film/western-eyes