Vancouver, mixte jusque dans l’intimité

Illustration par Esther Yuen

Illustration par Esther Yuen

Toute culture naît du mélange, de la rencontre, des chocs. À l’inverse, c’est de l’isolement que meurent les civilisations.

Si l’on en croit cette citation de l’écrivain mexicain Octavio Paz, la Rain City pourrait devenir la capitale mondiale de la culture ! La raison ? Le nombre de couples mixtes vivant à l’embouchure du Fraser. Le dernier recensement de 2006 le montrait déjà, la proportion de couples issus d’origine différentes (8,5% des unions) était bien au-dessus de la moyenne nationale (3,9%). Aujourd’hui, d’après les projections et la courbe de croissance, ces alliances interculturelles représenteraient un peu plus d’une union sur dix (soit environ 10,2%). Une mixité qui passe d’abord par les femmes.

Couple mixte vancouverois

Couple mixte vancouverois - Photo par TangoFoxtrot, Flickr

Quelle que soit la minorité, le beau sexe est plus enclin à aller chercher l’amour chez les personnes d’origines différentes. Cela est particulièrement vrai lorsque ces dames viennent de cultures dans lesquelles la place des femmes est bien définie. Mais le nombre d’unions mixtes augmente aussi au fur et à mesure que les générations passent, et que les valeurs de la société imprègnent les esprits (environ 12% des immigrants de première génération étaient en union mixte, 51% de ceux de seconde génération et plus de 69% pour ceux de la troisième)

Outre les traditionnelles péripéties qui accompagnent toutes les relations, ces couples doivent en plus faire face à de multiples obstacles venant aussi bien des familles que des religions et parfois, de l’Etat lui-même. C’est le cas de Jihane, jeune fille d’origine franco-marocaine en couple avec Stephen, qui vient de l’Ontario.

« Mes parents ignorent totalement que je suis avec un non-musulman, mon père est très croyant et j’ai assez peur de sa réaction le jour où il l’apprendra ».

Pour elle, le fait de vivre à Vancouver est une bénédiction.

« Tout d’abord, c’est très loin de la France, mes parents ne peuvent pas venir me voir quand ils le veulent, et ensuite ici, personne ne porte la moindre attention aux couples mixtes. La moitié de mes copines est aussi avec des gars d’autres origines, ça nous rapproche et nous nous serrons les coudes lorsqu’il y a un problème avec les parents de l’une ou de l’autre »

« De toutes façons, l’amour ça ne se commande pas. J’ai rencontré Stephen à Whistler lorsque je lui ai foncé dessus en ski, je l’ai emporté avec moi et nous ne nous sommes plus quittés depuis », poursuit-elle. La différence de culture n’est pas un problème pour elle. Jihane veut continuer de vivre sa religion, qui lui est précieuse, et Stephen n’y trouve rien à redire. « Je fais le ramadan, et il m’a aidé et soutenu tout le long, même s’il trouvait ça bizarre. C’était agréable de voir que pour lui, c’était tout naturel de respecter mes convictions ». Et vice-versa : « Je ne mange pas de porc, donc lorsqu’il se fait du bacon, je prends des œufs, même si l’odeur me chatouille les narines », explique-t-elle. Leur histoire a failli prendre fin lorsque le Permis Vacances Travail de Jihane est arrivé à expiration, mais elle a depuis obtenu un permis de travail pour rester au Canada.

Un enfant métis avec sa grand-mère.

Un enfant métis avec sa grand-mère - Photo par Phillippe Put, Flickr

Elle partage cette situation avec des milliers d’autres couples. Ali se vante d’être une des rares personnes dont la famille vit à Vancouver depuis plus de trois générations. Sa grand-mère maternelle est d’origine indienne et lui-même vit en couple avec Min, une jeune fille d’origine coréenne. « Nos enfants seront des Vancouver’special » nous raconte-t-il en souriant, le regard posé sur le ventre arrondi de sa blonde. Lui se définit comme agnostique, mais la famille de Min est profondément confucianiste. Cela pose quelques soucis avec la belle-famille car le métier d’Ali, barman, n’est pas très rémunérateur. « Ses parents ont surtout peur qu’on ne s’occupe pas d’eux quand ils ne seront plus en âge de travailler, et que mes revenus ne permettent pas de les entretenir » parce que Min ne travaille pas, explique Ali. Il espère que l’enfant à venir va le rapprocher de sa belle-famille d’autant plus que son amie, elle, a déjà été adoptée par ses parents à lui.

Couple homosexuel mixte

Couple homosexuel mixte - Photo par Tafari Anthony, Flickr

 

Pour Sohil, Vancouver est d’abord la ville de la tolérance. Il a quitté Bombay il y a 7 ans pour pouvoir vivre son homosexualité loin des siens. « En Inde, être gay est très dur à gérer au quotidien. Alors je suis venu ici, et j’ai trouvé un homme que j’aime et qui m’aime en retour. On n’a pas besoin de se cacher, on vit naturellement et franchement, les différences culturelles, on les a jetées à la poubelle ». Et alors que dans sa caste, la consommation de tout type de viandes était proscrite, ici Sohil cuisine tout ce qu’il aime à volonté, en particulier le poulet et le bœuf, pour le plus grand bonheur de son compagnon, William. Apparemment libéré, Sohil prévoit une visite à sa famille en mars… mais sans William. « Ce que l’on fait à Vancouver, est impossible à faire à Bombay, mes frères et mes parents ne comprendraient pas, cela pourrait mal se passer. J’ai des amis comme moi en Inde, et tous veulent venir ici parce qu’au Canada, il y a de la tolérance. »

 Couples mixtes

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