Mes cauchemars

La nuit porte conseil paraît-il. Oui, mais à condition de ne pas souffrir d’insomnie. Ce qui n’est pas mon cas. Je ne dors pas ou plutôt, devrais-je dire, je ne dors plus. Je passe des nuits blanches à broyer du noir.

Pour essayer de m’endormir, remède de grand-mère, je compte les moutons en souvenir du temps, bien lointain déjà, où j’étais berger. Malheureusement, à la place de ces tétrapodes à laine, se substituent les chars d’assaut de l’armée syrienne de Bashar el-Assad.

L'enfer vécu par la population syrienne

L'enfer vécu par la population syrienne - Photo par Nasser Nouri, Flickr

 

De quoi vous tenir éveillé toute la nuit. Un char, deux chars, trois chars… J’assiste impuissant au massacre. Pourquoi n’intervient-on pas ? Je pense au Rwanda. Quatre chars, cinq chars, six chars.

Quelle horreur. J’arrête de compter. Les hommes sont odieux. En parlant des dieux, que font-ils ? Ils ne voient rien ? Ils ne disent rien ? Ils n’entendent rien ? De toute évidence, exaspérés, désespérés ou désabusés, ils ont décidé de jouer à Ponce-Pilate ou à l’autruche, tout en faisant la sourde oreille. Ou encore, vraisemblablement, ils préfèrent s’en remettre aux grands de ce monde qui, pour l’occasion, se font tout petits. Et qui trinquent ? Les Syriens.

Primaires républicaines

Je me tourne et me retourne dans mon lit en quête d’un nouveau décor. Tout à coup, je suis de l’autre côté de la frontière, chez nos voisins du sud. Il y a de quoi s’inquiéter. C’est l’enfer et je ne suis pas prêt à m’endormir.

Je vis le cauchemar des primaires du parti féodal républicain qui viennent perturber mon sommeil.

Rick Santorum

Rick Santorum - Photo par Gage Skidmore, Flickr

Leurs débats passent du coq (le favori Mitt Romney, un mormon, qui chaque jour perd des plumes) à l’âne (Newt Gingrich, l’adepte des ménages à trois, dont l’éthique et les propos sont à revoir), sans oublier, au passage, la menthe religieuse (Rick Santorum, l’homme qui s’attend à lutter contre Satan à chaque tournant).

Laisse faire Lucifer, Santorum sert de décorum. Comment en est-on arrivé là ? C’est le retour au Moyen-Âge ou plutôt à 1692 avec les procès des sorcières de Salem. Quelle honte. Quelle débâcle. Et surtout quel avenir nous serait réservé si l’un d’entre eux se présentait contre Obama et gagnait ?

Si Dieu existe, c’est le moment qu’il ou elle se manifeste. Les temps sont durs et imprévisibles. Toute intervention divine, même pour un athée, s’avère nécessaire et sera accueillie les bras ouverts. Elle peut venir en « déesse » ou, lui, en « deux chevaux ». Les amateurs d’anciennes voitures françaises apprécieront leur passage.

J’essaie de penser à autre chose. Toujours à la poursuite du sommeil, la tête enfouie sous l’oreiller, je décide enfin de revenir au pays. Là je trouve deux pandas et le gouvernement conservateur. Mon inquiétude s’amplifie.

Les histoires de coups de fil frauduleux durant les dernières élections fédérales ne m’enchantent guère. Et l’on voudrait donner des leçons aux pays économiquement défavorisés en leur envoyant nos observateurs. Qu’ils envoient plutôt les leurs lors de notre prochaine élection. Ils comprendront qu’en matière de supercherie, nous, Canadiens, en connaissons un rayon.

Maintenant élu, (peut-être illégalement, ça reste à voir), avec une forte majorité, le gouvernement conservateur a les mains libres. Gare à la casse : régime des pensions, lois sur l’immigration, enregistrement des armes à feu, mariages gays, système judiciaire et j’en passe, des vertes et des pas mûres, tout est à revoir.

On ne parle plus ici de parti progressiste conservateur, loin s’en faut, mais de parti régressif conservateur. Leur satisfaction sera complète le jour où le pétrole des sables bitumineux coulera à flot dans les soutes des supertankers qui déferleront et inévitablement pollueront nos côtes. Car on n’y échappe pas, nous rappelle David Suzuki : mère Nature a toujours une longueur d’avance sur nous.

Le virage à droite est bien amorcé. Attention. Attachez vos ceintures. À droite. Toute. Direction Death Valley. Moi qui voulait me rendre à Hope ou Peace River, me voilà mal parti. Méfie-toi Méfisto. Harper, tout comme Faust, au nom de Mademoiselle ou de Madame l’économie, est prêt à vendre notre âme aux plus offrants. Et il y a des acheteurs.

Avec toutes ces pensées morbides, je ne peux plus dormir du tout. Ni sur une, ni sur mes deux oreilles. Je suis tout aussi réveillé qu’au début de la nuit… Mais alors, si je ne dors pas, comment expliquer tous ces cauchemars ?