Sylvie Peltier :
« Les femmes doivent être plus stratégiques »

Sylvie Peltier.

Sylvie Peltier - Photo par Nalla Faye

 

Son nom ne vous évoque peut-être rien, pourtant Sylvie Peltier est une femme incontournable dans le monde de l’audiovisuel et du cinéma francophone canadien. À la tête, depuis 2001, de la société de production spécialisée dans le documentaire en langue française et anglaise, Red Letter Films (South Surrey), son parcours l’a amenée à devenir, il y a deux ans, présidente de l’Alliance des producteurs francophones du Canada (APFC). Installée en Colombie-Britannique depuis 25 ans, elle a su mener de front sa passion pour le cinéma, son rôle de mère et de femme. Rencontre.

Née à Ottawa, Sylvie Peltier, 50 ans, a grandi au Québec, sous l’influence d’un père qu’elle qualifie de « féministe ». « Il voulait que je sois financièrement indépendante, avec une carrière », développe-t-elle.

Autopsie d’un film érotique

Autopsie d’un film érotique - Photo par Office national du film du Canada

Pour elle, la difficulté lorsque l’on est une femme réside dans la capacité d’avoir une famille et une carrière. Notamment lors des divorces, « certaines femmes se font un point d’honneur à avoir la charge des enfants », explique-t-elle.

Elle qui a fait le choix de demander la garde partagée après son divorce, souligne que le divorce ne doit pas conduire à la pauvreté. « Les femmes doivent être plus stratégiques », et anticiper ce genre de situation, souligne-t-elle. Car si la santé, la situation émotionnelle et financière d’une mère est entachée, sa capacité à jouer son rôle auprès de ses enfants ne sera pas optimale.

La cinéaste recommande notamment l’entraide féminine. « Il existe beaucoup d’organismes pour les femmes entrepreneurs », à l’instar de Women Executive Network, un réseau de femmes « qui se donnent des conseils en affaires, mais aussi face aux difficultés de la vie, de l’adolescent difficile au cancer », explique-t-elle.

« Fonctionnaire le jour, cinéaste le soir »

Evoluer parmi les hommes ne la gêne pas plus que cela. Economiste à ses jeunes heures, elle tentera d’entreprendre un doctorat d’Economie à UBC, après avoir travaillé au sein d’une firme-conseil, mais avoue avoir « détesté au point de tout remettre en question ».

Deux choses demeuraient alors certaines : sa détermination à devenir son propre patron et son rêve de travailler dans un milieu artistique. C’est alors qu’elle s’engage dans des études en cinéma, film et télévision.

Enceinte de son fils unique, elle met alors son « rêve documentaire de côté » et accepte un poste au sein du gouvernement fédéral. « J’étais fonctionnaire le jour, cinéaste le soir », résume-t-elle en souriant.

La légende de Cataline

La légende de Cataline - Photo par Red Letter Films

Elle s’associera avec des amies au sein d’une compagnie de production, avant de devenir pigiste-réalisatrice et de travailler avec le concours de l’Office National du Film (ONF).

Elle réalise Autopsie d’un film érotique, dans lequel elle analyse au cœur d’Hollywood, la place des femmes dans l’industrie du cinéma de série B, ces films de genre qui sortent directement en DVD.

Les films d’action comme les films d’horreur faisant la part belle aux hommes, le cinéma érotique est « le seul genre où il y a des femmes » explique-t-elle. Problème : ces actrices étiquetées « films érotiques » rencontrent des difficultés à aller vers d’autres genres.

« La société est très dure quant aux choix que l’on donne aux femmes », assène-t-elle. Puis elle produira un film historique en 2002, La légende de Cataline, ou encore en 2005, le film Je clowne pour toâ, relatant la vie des clowns thérapeutiques dans les hôpitaux. La liste de ses projets portés à l’écran est longue.

La productrice s’épanouit désormais également à travers ses responsabilités au sein de l’APFC. Celle-ci fait appel à ses lumières en économie, tant les enjeux de l’organisation « touchent aux politiques culturelles ».

Il s’agit notamment pour elle de défendre l’intérêt des producteurs francophones, dans l’ensemble du pays, jusque dans les provinces où ils sont minoritaires. Car face à ce qu’elle qualifie de « Montréalisation des ondes », elle montre son attachement à cette francophonie hors du Québec, souvent ignorée, mais qui « a un avenir », affirme-t-elle.

Je clowne pour toâ.

Je clowne pour toâ - Photo par Red Letter Films