“La liste” : entre oubli et tragédie

Suzanne O neilAvez-vous déjà fait des listes, pour ne rien oublier, tout en sachant qu’elles seront sûrement reléguées au second plan, emportées par le tourbillon du quotidien ? Si oui, La Liste est faite pour vous ! En tournée depuis le 3 février, la troupe pose ses bagages au Théâtre La Seizième du 28 au 31 mars pour quatre représentations. Cette pièce de 1h15 nous dévoile, au fil d’un monologue, comment une femme, mère de plusieurs enfants, se sent responsable de la mort de Caroline, sa voisine, pour avoir omis d’effectuer une simple tâche de sa liste… Un petit oubli qui prend la forme d’une tragédie.

Un monologue poignant

Dans son texte, l’auteure Jennifer Tremblay dépeint le portrait d’une femme qui a un besoin presque obsessionnel de dresser des listes, afin de baliser son quotidien et de ne pas perdre le contrôle. Elle aborde aussi le désarroi de cette mère qui se retrouve seule avec ses jeunes enfants.

Tout au long de son récit, l’auteure joue sur les émotions et pousse à la réflexion et au questionnement : sommes-nous responsables les uns des autres ? Dans ce monde moderne, sommes-nous tellement poussés par la recherche de performance que nous exécutons les tâches les unes après les autres, sans même tenir compte de nos propres voisins ? A quoi obéit-on ? Cependant, aucune réponse n’est donnée. De plus, des sujets comme la maternité, la culpabilité, la féminitude, l’aliénation, le désistement masculin, sont traités.

Paru en 2008 aux Editions de la Bagnole, le livre a remporté, la même année, le Prix littéraire du Gouverneur général dans la catégorie théâtre francophone. Le jury dira : « Jennifer Tremblay atteint l’universel par son économie et sa lucidité ».

Une mise en scène et une interprétation brillantes

Marie-Thérèse Fortin (metteure en scène) et Sylvie Drapeau (interprète) ont dû relever le défi de jouer avec la particularité du texte – monologue théâtral écrit en liste – tout en mettant en avant la solitude de cette femme qui s’est laissée emporter par son quotidien, et qui est rongée par la culpabilité.

Marie-Thérèse Fortin confie à Annie Landreville, pour Radio-Canada : « Dans ce texte il y a ce que j’appelle un double fond. C’est-à-dire qu’il y a ce qui nous est raconté, mais il y a ce que cette femme traverse et qui n’est pas de l’ordre du dit mais du ressenti. Et le défi c’était de faire sentir au public ce que cette femme portait en elle sans qu’elle ait à le démontrer, à l’expliquer ou à l’illustrer ».

Suzane O neil

Fin de tournée au Théâtre La Seizième

Créée en 1974, La Seizième est la seule compagnie professionnelle en Colombie-Britannique à proposer des pièces francophones. En donnant accès à un théâtre de qualité, celle-ci répond à une réelle demande. Elle offre quatre volets : une saison grand public, une saison enfants, une saison adolescents, ainsi qu’une section formation et développement professionnel. La Seizième propose des ateliers dans les écoles, mais aussi des opportunités d’apprentissage professionnel pour les acteurs, avec par exemple, des groupes de travail autour de la création de textes. Les troupes se produisent localement ou partent en tournée dans toute la province et parfois même en Alberta.

Ainsi, pour la partie « Grand public », le théâtre reçoit La Liste pour la dernière étape de leur tournée. Une proposition qui ne se refuse pas ! Craig Holzschuh, directeur artistique, nous avoue : « Pouvoir avoir Sylvie Drapeau dans cette petite salle de 80 personnes est une grande opportunité pour le public […]. Nous sommes très chanceux ».

A noter que la pièce est originaire du Québec et est produite par le Théâtre d’Aujourd’hui, spécialisé dans la création, la production et la diffusion de la dramaturgie québécoise et canadienne d’expression française.

Alors, oui ou non, cette femme est-elle responsable ? Pour le savoir, rendez-vous à partir du 28 mars au Théâtre La Seizième, Maison de la Francophonie, 1555 West 7th avenue à Vancouver.