Loin de la Corée du Sud…mais chez moi à Vancouver?

Loin de la CoréeMême si je me sens partout chez moi, je ne suis nulle part chez moi. J’ai perdu le fil de mes origines et maintenant, je suis dans le brouillard complet. Est ce un phénomène récurrent dans cette grande mosaïque de cultures qu’est le Canada ?

C’est souvent la chose la plus facile à faire : perdre de vue son appartenance originelle et se convaincre que vous êtes partout chez vous. C’est presque une caractéristique indissociable à tout être vivant. On change pour s’adapter et ensuite évoluer.

Je me souviens très bien [en Corée du Sud Ndlr], j’étais une fois rentré à la maison en pleurant, avec un œil au beurre noir, après qu’une fille m’ait donné un coup de poing dans l’œil pendant le cours de math, au fond de la classe, en deuxième année. La maîtresse n’a jamais remarqué. Je n’ai peut-être pas pleuré assez fort.

Ou peut-être que la maîtresse avait fermé les yeux. Beaucoup de violences se transmettaient d’enseignants aux élèves et d’élèves à élèves. Heureusement, je n’ai jamais été ni sur la liste noire des fauteurs de troubles de ma maîtresse, ni la pire dans les études, donc la règle en bois de la vieille chouette ne m’est jamais tombée dessus. […] Ils [les enseignants Ndlr] sont convaincus que le fouet est la réponse à tout, que ce soit la baisse des notes, les mauvaises habitudes de travail ou l’insolence. Bien que les autres enfants ricanaient toujours à voix haute quand un camarade recevait des coups, je n’ai jamais eu le cœur de rire avec les autres.

J’étais considérée comme privilégiée du fait que mes parents n’étaient pas adeptes de la violence corporelle et que j’étais née dans une famille re-lativement aisée. Mes souvenirs les plus heureux de la Corée du Sud ne sont jamais associés à des amis parce que je n’en avais pas beaucoup. Ma famille représentait tout pour moi.

Quand j’ai quitté la Corée du Sud pour de bon, je n’étais pas vraiment triste car je n’ai jamais eu l’impression de laisser grand-chose derrière moi. Oui, mes bien-aimés grands-parents, mais ni plus ni moins. J’étais enchantée de m’envoler vers des terres lointaines et inconnues. Tout ce que je savais, c’est que ça ne pouvait pas être pire que la Corée du Sud et peut-être beaucoup mieux.

Le grand plongeon dans une nouvelle culture étrangère au Canada n’était pas difficile. J’ai adopté son ambiance, ses gens, sa diversité. Il n’y a pas eu de choc culturel. Mon anglais était déjà assez bon et les Vancouvérois sont si calmes, pour ne pas dire un petit peu froids et distants, mais malgré tout sociables. Le temps était un peu déprimant, mais ça me changeait des forêts de gratte-ciels de la Corée du Sud. Cependant, j’en suis arrivée même à aimer la pluie, l’hiver glacial et les automnes froids de Vancouver. Je trouve le doux clapotis de la pluie sur mon toît inspirant, le manteau de neige douillet et les branches d’arbres nus, poétiques. Les sombres saisons de Vancouver font ressortir le meilleur de mes muses, de mes écrits et de mes réflexions. Évidemment, impossible de ne pas penser à l’été, le meilleur moment de l’année à Vancouver.

Cependant, malgré ses magnifiques saisons, Vancouver est l’endroit où l’on peut se sentir le plus seul en périodes de fêtes quand la famille vit à des milliers de kilomètres. Les amis ne sont d’aucun réconfort pendant Noël parce qu’ils rejoignent tous leur famille, assis autour d’un décor qui sied à de telles festivités. […] Pendant cette période, il y a de grandes chances que je sois devant mon ordinateur portable, à penser à des choses mélancoliques et poétiques sur lesquelles écrire ou peindre, ou encore de m’entendre chanter des paroles navrantes sur un triste accord de notes de musique que j’écraserais sur mon piano. [..] Dans des jours comme ceux-là, mon père me manque beaucoup […].

Aussi génial que soit Vancouver, avec tous mes nouveaux amis, ses scènes de natures pittoresques et son temps magique, je ne me sens pas complètement chez moi. […] Parce toutes mes racines demeurent enfouies dans ma terre natale de Corée. Malgré tout et malheureusement encore, je ne supporte pas non plus l’idée ridicule d’être chez moi en Corée du Sud.

Donc la question est la suivante: où se trouve réellement ma place ?

Traduction Nathalie Tarkowska