L’immigration passe en coupe réglée

L'immigration passe en coupe réglée

Photo par Jonah Grant, Flickr

C’est une révolution silencieuse qui agite en ce moment Citoyenneté et Immigration Canada (CIC). Depuis quelques mois, sous prétexte d’économie, le gouvernement de Stephen Harper modifie en profondeur sa politique d’immigration et ses moyens de la mener. En toute discrétion, la structure de CIC est profondément remaniée. Raison officielle, la crise économique mondiale et l’épuration des finances publiques.

Résidence permanente et tirage au sort

Tout a commencé avec la refonte des vérifications effectuées sur les immigrants ayant fait des demandes de résidence permanente. Chaque année, environ 250 000 personnes obtiennent cette dernière (280 636 en 2010) et chacune devait justifier de sa présence sur le sol canadien pendant deux ans cumulés sur les cinq dernières années.

Désormais, ces contrôles ne seront plus systématiques, les personnes ayant fait leur demande recevront leur carte de résident permanent par la poste et seul 10% d’entre elles seront contrôlées selon un tirage au sort. Pour James* ancien employé de CIC, c’est une invitation ouverte à la fraude : « Je voyais au moins deux ou trois demandes frauduleusea par jour, sur une soixantaine de cas. Comment va-t-on confondre les tricheurs si les contrôles se font au hasard par tirage au sort ? ». D’ajouter que « la loi est avant tout injuste pour les Canadiens car des milliers de fraudeurs vont bénéficier des avantages de la résidence permanente sans en remplir les conditions ».

Parmi ces avantages, la couverture médicale ou la possibilité de faire une demande pour devenir citoyen canadien (81% des résidents permanents obtiennent la citoyenneté). On se demande quelles sont les motivations du gouvernement Harper à travers ce laxisme qui va à l’encontre de ses principes.

Source: Citoyenneté et Immigration Canada

Source: Citoyenneté et Immigration Canada

5 fermetures de bureaux en C.-B.

D’un autre coté, dans le cadre de cette réforme, cinq bureaux de CIC vont fermer en Colombie-Britannique. Les personnes se faisant contrôler seront obligées de se rendre à Vancouver avec la disparition des centres de Kelowna, Victoria, Nanaïmo et Prince-George. Pratique pour les personnes vivant dans les Rocheuses ou le nord de la province… Avec ces fermetures, ce sont trois vagues de licenciements qui touchent les employés de l’immigration.

La première vague a déjà été faite, les deux vagues suivantes ne sont pas encore désignées. Cette absence de visibilité et de transparence rend les travailleurs de CIC très peu bavards, car nul ne sait s’il sera désigné pour faire partie des vagues suivantes. Ainsi, très peu de voix se sont élevées au sein de CIC lorsque le gouvernement Harper a décidé de modifier les conditions d’obtention du statut de réfugié politique.

Pourtant, et pour la première fois, le projet de loi C-31 permettrait au Canada d’expulser des réfugiés politiques ayant obtenu la résidence permanente dans le pays, disposition qui va totalement à l’encontre de la charte des réfugiés des Nations Unies. Parmi les autres mesures, les réfugiés qui disposaient auparavant d’un délai allant jusqu’à 22 mois pour présenter leurs dossiers à l’immigration ne disposeront plus désormais que de 45 jours pour réunir tous les documents. Un délai extrêmement court pour les avocats des réfugiés qui estiment qu’il sera très compliqué de réunir l’ensemble des pièces nécessaires en si peu de temps.

Réfugiés : une liste des pays « à risque »

Source: Angus Reid

Source: Angus Reid

Avec ce projet de loi, le gouvernement se réserve aussi le droit d’établir la liste des pays « à risque » dont les ressortissants peuvent demander le statut de réfugié. Cette liste était jusqu’à présent établie par un comité d’experts indépendants. Quels seront les critères retenus par le gouvernement Harper pour inclure un pays dans cette liste ? Autrefois réputé pour la qualité de sa politique d’immigration, les récentes déclarations du ministre de l’immigration Jason Kenney, et l’orientation prise par Ottawa marquent un tournant radical dans la gestion des flux d’immigrants du pays.

Davantage de contrôle sur ceux-ci, mais réalisés par des organismes privés (comme par exemple des périodes de détention prolongées), couplé à un plus grand laxisme dans les vérifications par l’administration ne permettent pas de donner une image claire des objectifs du gouvernement.

* Le nom a été changé