Reflexions

Photo avec la courtoise de l'Institute Laurier

Qu’est-ce-qui ne fonctionne pas avec le multiculturalisme ? ».

C’est à cette question que l’écrivain anglais Kenan Malik répondra, le 3 juin à UBC, à l’occasion d’une conférence organisée par l’Institut Laurier. Avant son intervention, l’auteur de From Fatwa to Jihad (2009) et Strange Fruit (2008) nous livre son point de vue en comparant les systèmes européen et canadien.

La Source : Quelle différence faites-vous entre multicultura-lisme et diversité culturelle ?

Kenan Malik : Il y a une confusion constante entre ce que j’appelle l’expérience de la diversité et le multiculturalisme en tant que système politique. Vivre dans une société cosmopolite transformée par l’immigration de masse apparaît positif. Cependant, le multiculturalisme signifie quelque chose de très différent. Il décrit un jeu politique dont le but est de gérer la diversité en mettant les gens dans des boîtes ethniques. On définit alors les besoins individuels et les droits en vertu des boîtes dans lesquelles les gens sont placés et en utilisant ces boîtes pour former la politique publique.

L.S. : Comme vous l’écriviez il y a dix ans dans un article (New Humanist, 2002), « Il est bon d’être différent » pourrait être le slogan de l’époque. Par conséquent, qu’avez-vous contre le multiculturalisme ?

Kenan Malik

Kenan Malik

K.M : Je suis critique envers le multiculturalisme parce que je défends la diversité. La diversité permet d’ouvrir nos horizons aux différentes cultures, croyances et façons de vivre. Cela permet d’engager un dialogue politique qui, paradoxalement, peut apporter un langage universel du citoyen. C’est exactement ce qu’empêche le multiculturalisme en préservant des frontières entre ces boîtes ethniques au nom de la « tolérance » et du « respect ».

L.S. : Au Royaume Uni et en Allemagne, le multiculturalisme rencontre des problèmes. Que se passe-t-il là-bas ?

K.M : Les décideurs ont eu tendance à traiter les communautés minoritaires comme des groupes homogènes en ignorant les différences et en laissant pour compte beaucoup de gens. Les personnes qui y ont le plus gagné sont les prétendus leaders communautaires, lesquels sont souvent peu représentatifs et fortement conservateurs. Dans les deux pays, ces politiques multiculturelles ont mené à la création de sociétés fragmentées et à l’aliénation de beaucoup de groupes minoritaires.

L.S. : Contrairement au multiculturalisme anglo-saxon, la France a un modèle d’assimilation qui pose lui aussi problème. Pensez-vous que l’assimilation soit une mauvaise chose ?

K.M : Il y a deux notions d’assimilation régulièrement confondues. D’un côté, l’assimilation est apparue comme un moyen de traiter chacun comme un citoyen, et non comme un individu porteur d’une origine ethnique ou culturelle différente. D’un autre côté, l’assimilation est devenue un argument d’homogénéité culturelle dans l’idée que les groupes minoritaires abandonnent leurs différences pour préserver la cohésion sociale et l’unité de la nation. En principe, le modèle français concerne la première définition. Dans les faits, il reprend la dernière. Par conséquent, l’assimilation est désormais un moyen de légitimer les discriminations et l’hostilité à certains groupes, notamment les musulmans.

L.S. : Le Canada paraît fier de sa politique d’immigration et de son multiculturalisme. Pensez-vous que les pays européens devraient s’en inspirer ?

K.M : Le Canada a une politique d’immigration fermée. Il s’attache à faire venir des professionnels issus des classes moyennes et garde éloigné le genre d’immigrants qui ne correspond pas. Dans le même temps, cela augmente l’utilisation des travailleurs temporaires qui ont peu de droits et peu de chances d’obtenir la citoyenneté. Ils sont l’équivalent des guestworkers européens. Concernant le multiculturalisme, je reste sceptique sur le modèle canadien. Les relations entre communautés y sont plus pacifiques qu’en Europe, mais les conflits comme ceux sur les libertés d’expression et le port de la burqa sont également présents.

L.S. : A votre avis, quel devrait être le système parfait ?

K.M : Il faudrait marier le multiculturalisme et l’assimilation en encensant la diversité et en traitant chacun comme un citoyen à part entière et non comme un membre d’un groupe ethnique spécifique. Dans les faits, les pays européens ont fait tout le contraire.

What’s Wrong with Multiculturalism?

A European Perspective Dimanche 3 juin 2012 à 19 :00 Chan Centre Concert Hall

 

Entrées gratuites.

Billets disponibles uniquement le jour de l’événement au Chan Centre Ticket Office, UBC.

Pour plus d’informations: 604.822.1444

www.thelaurier.ca