Le foot c’est le pied

L'Espagne sera-t-elle en finale ?

L'Espagne sera-t-elle en finale ?

 

Autant l’avouer d’emblée : je suis un fan de foot ou, si vous préférez, histoire de prouver que je suis parfaitement bilingue au cas où vous en doutiez, I am a sucker for soccer. En ce mois de juin 2012, je suis donc gâté pour ne pas dire comblé. Chaque jour, depuis le début du championnat d’Europe de football, je suis cloué devant mon écran de télévision.

J’essaie de ne pas rater les matchs qui me sont offerts chaque matin. J’ai, bien entendu, mes équipes favorites. Ma préférée ? Celle d’Espagne. Les Français ne m’en voudront pas, j’espère. L’équipe d’Espagne possède un style que j’affectionne. Tout en finesse. De courtes passes précises. Un contrôle du ballon impressionnant. Une vision du jeu unique. Cette formation hispanique nous propose à chaque occasion un chef-d’œuvre, une œuvre d’art : un ballet. Moi, auteur de nombreux balais (les initiés comprendront) remarquables, je ne peux qu’admirer. Des pas de deux. Des enjambées et des chassés croisés.

Des pirouettes et des cabrioles. Des soubresauts, des écarts qui sont parfois grands. Des échappées, des glissades, des manèges. Tout un arsenal digne des Grands Ballets Canadiens. Une véritable danse pour les puristes de ce merveilleux sport qu’est le foot. Un jeu de patience qui fait tourner leurs adversaires en bourrique. Et moi, comme un âne, je demeure ébahi devant mon écran de télé. Je suis subjugué. Le monde autour de moi ne compte plus, n’existe plus. On me parle. Je n’entends rien. Oui, c’est inouï, j’ai temporairement perdu l’ouïe, m’a dit mon oncle Louis. Je me suis retiré du monde pour me plonger corps et âme dans un autre univers : celui du foot. Je me fous de tout. Je n’ai plus les pieds sur terre. J’ai atterri sur une autre planète.

Je vis dans une autre dimension. J’appartiens à une autre galaxie. Je suis tellement emballé par ce jeu de balle que j’en rêve la nuit. Je me prends pour Iniesta ou Xavi. Je fais des passes au millimètre. Je suis d’une précision qui fait l’envie de mes adversaires et l’admiration de mes coéquipiers. Je suscite l’enthousiasme d’un public qui n’a d’yeux que pour moi. Je suis irrésistible. Je marque des buts et j’en fais marquer. Bien que je joue de la tête comme un pied, je suis le héros des stades de Pologne et d’Ukraine où se tiennent le championnat d’Europe 2012.

Et puis soudain, je me réveille. Je refais surface pour être confronté à une triste réalité. Je regarde épaté ces athlètes. Pas une trace de graisse. Pas de gros bedon. Pas de laids bourrelets. Rien que des muscles et un souffle à vous couper le souffle.

De parfaites machines. Toutes bien huilées. Je me compare et je déprime. Je suis un Apollon en déroute. Un Hercule en difficulté. Vite je zappe sur la chaîne parlementaire. Là je retrouve des députés bien gras dont l’embonpoint marque des points. Ce sont eux qui nous invitent au programme de ParticipACTION. En somme « Faites ce que je vous dis mais pas ce que je fais ». Ils méritent un bon coup de pied quelque part. Ceux qui en méritent un aussi, plus fort, plus puissant, ce sont les supporteurs qui, d’où qu’ils soient, utilisent cette coupe d’Europe pour afficher haut et fort leur racisme.

Les invectives xénophobes de certains d’entre eux dans les tribunes me choquent. Leur hargne, leur haine s’affichent au grand jour. Les chauvins sont à la fête. Les racistes s’en donnent à cœur joie. L’émotion est forte mais pas très saine. Avant le match Pologne-Russie, des abrutis, des voyous, souvent masqués, à coups de poings et de chaises s’en sont pris dans les rues de Varsovie aux supporteurs du camp adverse. C’est à vous dégoûter à tout jamais de ce sport. Qu’est-ce qui ne tourne pas rond au royaume du foot ? Au rugby, rien d’étonnant, la balle est ovale. Je m’en veux presque d’apprécier ce sport. Moi qui suis allergique à toute forme d’autorité, principalement celle qui se promène en uniforme, me voilà soulagé de voir la police intervenir.

C’est un comble. J’ai un peu honte. Je tente d’oublier ces images qui ne sont pas sans me rappeler les émeutes de l’an dernier à Vancouver… avec une grosse différence : à Vancouver on casse des vitrines, alors qu’en Pologne on cogne. Le foot, en cet Euro 2012, a reçu un œil au beurre noir. Bientôt, si rien n’est fait, il sera aveugle. Nous serons alors privés de la beauté du spectacle que nous offrent des équipes comme l’Espagne.