Quand l’étiquette devient plurielle

Photo par Victor1558, Flickr

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« La ponctualité est la politesse des rois » annonçait Louis XVIII en 1820. On pourrait aujourd’hui y ajouter « ne pas mettre les mains sur la table », « tenir la porte aux dames », ou bien « ne pas cracher par terre… »

Attention cependant pour cette dernière affirmation par exemple, tout dépend du pays où l’on se trouve car chaque contrée a ses règles de bienséance. Kimberly Law, présidente de l’association des consultants en image internationale confirme « Les règles de conduite qui ont été transmises de génération en génération, varient selon les pays et aussi selon les cultures. Cela peut créer beaucoup de confusion. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il n’existe pas un expert mondial de l’étiquette ni même une règle universelle en matière de bonnes manières. » Nombre d’entreprises de Colombie-Britannique font ainsi appel à ses services, car aujourd’hui plus encore, elles estiment que la professionnalisation de leurs salariés procurera un avantage concurrentiel qui finira par profiter à la compagnie.

Une société où la politesse serait la norme

Ces initiatives sont très bien accueillies par les employés qui y voient un moyen de se sentir plus à l’aise dans leur environnement social. « J’ai remarqué que dans le monde de l’entreprise, la désinvolture des années 1990 et 2000 se dissipe. Les employeurs recherchent des manières de se démarquer d’une façon positive et d’être plus compétitifs. Ils attendent plus de formalité  sur le lieu de travail. Ils veulent que leurs employés fassent bonne impression et renforcent la crédibilité de leur organisation. » Et la bienséance n’est pas seulement l’apanage de l’open-space, elle s’affiche aussi dans la rue, parfois devant des étrangers médusés face à tant de discipline.

C’est le cas de Mickael : « la semaine dernière, je sortais tout juste du métro quand mon bus se présente. J’accélère le pas pour l’attraper, une foule de personnes attendait au niveau du stop. A l’ouverture des portes, cette foule s’est soudain transformée en une ligne parfaite et patiente, attendant son tour pour monter. Une chose incroyable pour le Français que je suis ». Rien de bien étonnant pour l’experte : « il n’existe pas d’étiquette qui soit spécifique à la Colombie-Britannique mais les Canadiens sont généralement connus pour être prévenants. » Les Canadiens de l’ouest sont parfois gentiment raillés par leurs semblables, car perçus comme très « lisses » dans leurs manières quand leurs voisins Québécois semblent avoir des habitudes plus directes. Dayna se souvient de sa première rencontre avec Lucie, Québécoise : « elle s’est approchée pour me faire la bise. Ma première réaction a été un mouvement de recul qui a provoqué un léger malaise. Mais enfin, je ne la connaissais pas, c’était étrange pour moi ce geste si « intime » ! Maintenant cela m’amuse et plus question de la saluer autrement que comme cela, d’ailleurs elle a converti nombre de nos amis. »

La mondialisation de l’étiquette

S’il fut un temps où les Canadiens étaient profondément choqués par ces différences culturelles, celui-ci est bien révolu. A Vancouver, les habitants deviennent de plus en plus transculturels en matière de bienséance, les jeunes générations s’uniformisent culturellement. Certaines des grandes variations qui subsistent concernent le langage corporel et les gestes des mains qui n’ont pas les mêmes significations. Ainsi les bruits corporels sont perçus comme des compliments dans certaines cultures et vulgaires dans d’autres car l’espace personnel n’est pas appréhendé de la même manière selon les communautés. Catherine, naturalisée canadienne depuis plus de 15 ans pourrait établir une liste infinie de ces petits et grands chocs éprouvés au quotidien depuis son arrivée en Colombie-Britannique. Originaire de Suède, elle a notamment vécu en Belgique, en Australie et en Amérique du Sud avant de poser ses valises à Vancouver.

« La première chose qui nous a marqués avec mon mari, et à laquelle je ne me suis pas encore faite, c’est cette tendance qu’ont les Vancouvérois à s’inviter dans une conversation alors qu’ils y sont totalement étrangers. Par exemple lorsque je discute avec ma fille ou une amie dans une file d’attente, il n’est pas rare que la personne devant ou derrière moi écoute et donne son avis sans y être invitée. Je n’avais jamais vu cela avant et même s’il n’y a rien de méchant, c’est parfois très embarrassant. »

Du fait de son histoire, le Canada a adopté la plupart des étiquettes suivies en Europe. Toutefois rappelle Kymberly Law, « en étant si proche des États-Unis beaucoup d’entre nous avons adaptés nos habitudes de repas à la mode américaine. » Pour rappel, le pourboire n’est alors pas facultatif et gare à qui l’oublierait. « La Colombie-Britannique est également devenue très multiculturelle au cours des 30 dernières années, nous sommes en train d’élargir nos horizons avec les nombreux restaurants ethniques qui ont ouverts et contribuent à créer des nuances sociales. Ils bousculent doucement les habitudes, dans les magasins luxueux par exemple.

Les vendeurs ont appris à accueillir les clients asiatiques. Ainsi lors d’un échange de coordonnées, les vendeurs tendent et reçoivent les cartes de visite avec une marque profonde de respect et surtout des deux mains car tendre un objet d’une seule est très malpoli. Mais si dans la vie quotidienne l’influence asiatique est présente, la plupart des jeunes professionnels et étudiants asiatiques travaillent dur pour s’adapter aux bonnes manières de la Côte ouest.

Enfin, l’experte met un point d’honneur à souligner « la principale chose qu’il faut retenir au sujet de Vancouver, c’est que nous avons l’occasion unique d’apprendre les uns des autres. En tant que canadiens venant de multiples cultures, nous apprenons chaque jour à accepter nos différences et sommes devenus plus patients les uns avec les autres que d’autres nationalités. »