Les secrets cachés de White Rock

Photo par Jean-Baptiste Lasaygues

A moins d’une heure de Vancouver se trouve une petite ville de 19 300 habitants dont la particularité serait… de ne compter qu’un seul clochard. White Rock, c’est son nom, fut baptisée ainsi à cause d’un grand rocher blanc sur son bord de mer, transporté par les glaciers lors de la dernière glaciation. Située sur la côte Pacifique et à cinq minutes des États-Unis, la station balnéaire est un vrai havre de paix pour ses habitants dont le tiers est à la retraite.

En effet, la population jouit d’une vie calme et sécuritaire sans être dérangée par l’unique clochard de la ville, Ryan Ashe. En réalité, il y a deux clochards, mais la journée seulement, car la nuit tombée, Ashe est le seul sans domicile fixe toléré. Celui-ci est l’ancien, le doyen. Le second, plus récent, est arrivé l’année dernière et vit la journée à White Rock et la nuit à South Surrey.

Branton, le plus récent sans domicile fixe, se promène dans White Rock le jour pour ramasser des cannettes vides et retourne à South Surrey la nuit tombée car la police de White Rock ne lui permet pas de dormir sur place. Nouvellement arrivé et plus excentrique, cet homme est amusant comme lorsqu’il affirme détenir 80% des parts de Google, qu’il aurait fondé, et quatre ou cinq compagnies dans le pétrole, l’uranium et les diamants. Moins connu des gens, beaucoup de personnes ignorent jusqu’à son existence.

Une situation particulière, mais délicate
Ryan Ashe, quant à lui, vit dans les rues de White Rock depuis une quinzaine d’années. Il souffre de schizophrénie depuis qu’il a été victime d’un accident lui ayant causé de sévères blessures à la tête. Il vit dans la rue depuis qu’il a arrêté de prendre ses médicaments et se sent plus en sécurité en vivant à l’extérieur plutôt que dans son petit appartement avec une chambre. Si Ryan reste à White Rock, c’est qu’il en est originaire et qu’il a de la famille qui y vit, dont sa sœur et sa nièce. Pour ces raisons, il est le seul clochard toléré par le conseil municipal de la ville.

La descente de White Rock. Photo par Jean-Baptiste Lasaygues

De plus, White Rock est beaucoup plus sécuritaire pour une personne sans domicile fixe comparé à une grande ville comme Vancouver. Ashe est un visage familier, voire rassurant de White Rock et l’homme est généralement respecté. Il ne dérange pas grand monde et la municipalité ne projette pas de l’expulser, en raison de son histoire et de son âge. Cependant, les choses ont semblé s’envenimer récemment. Des douzaines de plaintes concernant sa présence ont été relevées, presque toutes venant de nouveaux arrivants de la ville. Ashe a été obligé de « déménager » de l’endroit où il « ha-bitait » depuis quinze ans, pour aller quelques blocs plus loin. En dépit de ce déménagement forcé, une habitante, Susan Pichette, se plaint encore de sa présence. Dans une lettre au journal local Peach Arch News elle exprime son mécontentement. La femme y affirme que le voir de sa fenêtre lui ruine la vue et qu’elle ne peut plus se promener tranquillement dans son quartier.

Heureusement pour Ryan Ashe, tous les habitants ne considèrent pas sa présence comme gênante. Dans un bel élan d’humanisme, de nombreuses personnes, comme Bernice Renaud, ont réagi à la lettre de Susan Pichette en publiant leurs commentaires qui démontrent de la compassion et un certain attachement pour Ryan et affirment qu’il n’a jamais dérangé personne, mais au contraire que c’est un citoyen plutôt amical. Une autre habitante, Sara Tammaro, affirme aussi qu’il s’agit d’un homme gentil, éduqué, et qui mérite que les gens s’intéressent à lui.

Un charme indéniable
Tout comme le rocher blanc de White Rock, Ryan Ashe fait partie de la ville et, à quelques exceptions près, est apprécié par la population. Tout comme Ryan Ashe, la ville de White Rock mérite une attention particulière. Avec sa promenade sur le bord de l’eau, son rocher blanc, ses côtes escarpées, White Rock, la discrète, sait charmer les visiteurs qui la parcourent.