Yared Nigussu : « Beaucoup de visages racontent une histoire »

Yared Nigussu dans le feu de la création. Photo par Rico D Cancio

Je suis artiste, il faut bien que je me la raconte ! », plaisante Yared Nigussu dans un large sourire. Sous ses lunettes façon Kanye West et ses allures de rock star se cache l’histoire singulière d’un peintre fraîchement auréolé du titre de l’Art battle national championship, concours qui réunit des artistes à travers tout le Canada1. Né en Ethiopie où il obtient une bourse pour étudier en France, le jeune homme y débarque en 2006 pour apprendre la langue et obtenir un diplôme d’enseignant en arts plastiques. Entre grammaire et conjugaison, il fera même la connaissance de sa future épouse… professeur de français. Ensemble, ils vivent en Bretagne avant de s’envoler pour Vancouver en 2009, en quête de meilleures opportunités. Trois ans après son arrivée, Yared, aujourd’hui âgé de 31 ans, a réussi son pari. Vivre de sa passion pour la peinture dont il nous parle dans cet entretien.

La Source : Pourquoi êtes-vous devenu artiste?

Yared Nigussu : Enfant, j’étais déjà attiré par la vie des artistes, je regardais leur travail et j’essayais de les imiter. Vers seize ans, j’étais inspiré par Dali, Picasso et Modigliani. C’est à ce moment-là que je me suis décidé à devenir artiste peintre. Finalement, on peut dire que cet abou-tissement a été le fruit d’un long processus.

L.S. : L’écrivain Albert Camus disait : « créer c’est vivre deux fois. » Etes-vous d’accord avec cela ?

Y.N. : Je crois qu’on ne crée rien dans la vie, tout est déjà là. Simplement, on entreprend des choses. C’est ce qui est ma-gnifique dans l’art en ayant l’œil, la technique et la pensée.

L.S. : Pourquoi avoir rejoint le Canada alors que vous viviez en France, un pays qui semble idéal pour les artistes dans l’imaginaire collectif ?

Y.N. : L’Europe est idéale pour les artistes et les gens cultivés. Pour autant, il faut savoir sortir de sa zone de confort et regarder les autres endroits du monde. Alors même que j’étais diplômé en France, il était plus difficile de trouver des opportunités artistiques là-bas. C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité venir au Canada avec mon épouse française. J’adore la France et sa culture, mais le milieu social y est plus fermé qu’au Canada. A Vancouver, j’ai pu percer et je peux vivre de ma passion.

L.S. : Dans quel état vous sentez-vous lorsque vous peignez ?

Y.N. : Quand je me retrouve seul dans mon atelier avec ma toile et mes pinceaux, j’oublie le monde extérieur pour écouter mes sentiments intérieurs. Je ressens différentes émotions comme de la colère, de l’angoisse ou de la satisfaction avant de trouver la paix au moment de la création. C’est un peu comme une mer calme après la tempête.

L.S. : Vous peignez des portraits, des sites urbains ou encore des animaux. Comment expliquez-vous cette diversité ?

Y.N. : Lorsque je pense à une toile, quelque chose d’instantané se produit. Cela dépend avant tout de ce que je vois autour de moi : un visage marquant, des scènes urbaines ou des animaux. Il suffit que mon regard tombe amoureux et le tour est joué.

L.S. : Comment choisissez-vous les visages et que souhaitez-vous faire passer dans vos réalisations ?

Y.N. : Je choisis mes modèles un peu par hasard. On rencontre tous les jours des visages très intéressants qui peuvent faire de très bons tableaux. Je m’attache surtout à regarder la forme et la structure. Beaucoup de gens ont un visage qui raconte une histoire. De ce point de vue, l’inspiration n’a pas de limites.

L.S. : Depuis quelques années, vous proposez des performances en direct lors desquelles vous suivez le rythme de la musique jouée par un guitariste pour peindre des portraits. Pourquoi mélanger ces deux formes d’art?

Y.N. : Pour moi, ces deux éléments vont ensemble car ils permettent un partage qui passe par les émotions et l’harmonie. Je n’imagine pas travailler sans musique. Je trouve très intéressant pour les gens de découvrir comment je travaille. A l’aide de la musique, c’est à la fois divertissant et éducatif.

L.S . : Quelle est votre actualité ?

Y.N. : Mes tableaux sont exposés dans la galerie Kurbatoff de Vancouver. Je continue de peindre en vue d’une prochaine exposition qui se tiendra en avril. J’en ai aussi une autre à venir en Autriche cet été avec cinq différents artistes.

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