Halloween : à chacun sa peur

Photos par Nathan Rupert et Gabriel Flores Romero

Des landes irlandaises jusqu’aux banlieues résidentielles d’Amérique du Nord, la tradition d’Halloween a fait du chemin. Aujourd’hui ce vestige d’un rituel païen aux origines celtiques est devenu l’occasion numéro un de faire la fête et de se déguiser. Longtemps rattachée à la culture anglo-saxonne, la tradition s’est depuis répandue dans le monde avec plus ou moins de bonheur selon les sociétés. Au point de devenir un exemple parmi tant d’autres des effets de la mondialisation qui, après l’économie et la finance, touche désormais la culture.

En somme, Halloween serait à ranger sur la même étagère que le concept de restauration rapide, les médias sociaux ou plus récemment le Gangnam style. Berceau du multiculturalisme, le Canada n’en est pas moins un pays où la culture anglo-saxonne reste prédominante. La fête d’Halloween occupe donc une place particulière dans le calendrier. Pour autant, tous les Canadiens se reconnaissent-ils dans la célébration d’Halloween ? La réalité n’est pas aussi simple.

Et pourtant, difficile de trouver un magasin, une épicerie et même une station essence à Vancouver comme au Canada où les fausses toiles d’araignées, les citrouilles en plastique et les chapeaux de sorcière ne sont pas de sortie. Et ce, même si les employés sont originaires du Punjab, de la Corée ou de l’Ukraine. C’est encore plus vrai à Vancouver, ville cosmopolite par excellence.

Mais alors, quelle est la signification d’Halloween dans une ville dont l’agglomération compte une moitié de ses habitants originaire du continent asiatique par exemple ?

« Les jeunes de la communauté suivent Halloween comme les autres jeunes. Beaucoup de familles coréennes attendant ce jour et se préparent à recevoir les enfants déguisés et qui leur demanderont des bonbons », explique D.I. Lee, éditeur du Korean News, l’un des journaux communautaires coréens de Vancouver. « Dans ma famille par exemple, on déguise au moins un enfant pour l’occasion. Ce n’est pas tant l’aspect culturel qui les attire que la nouveauté et la curiosité. »

Quant au folklore qui entoure Halloween, difficile de le rattacher à quelque chose d’existant en Corée. « Une grande partie de la communauté coréenne est chrétienne et de fait ses membres savent d’où vient Halloween, » souligne D. I. Lee. « En Corée en revanche, cela n’existe pas. Ce n’est pas quelque chose qui serait concevable. En revanche ici les jeunes vivent avec les zombies et les vampires tous les jours à travers les films et les jeux vidéos ». Une soirée Halloween sera d’ailleurs organisée prochainement pour les jeunes des communautés coréennes et chinoises.

Étiquette canadienne

C’est à peu près le même son de cloche au sein de la communauté africaine grandissante à Vancouver. « Dans les familles, les enfants commencent à se déguiser, surtout parmi les nouveaux arrivants, c’est une manière de s’intégrer, de porter l’étiquette canadienne » remarque-t-on dans la communauté africaine.

Reste que si Halloween découle d’une tradition issue de l’Occident chrétien, la croyance en l’existence de créatures surnaturelles et autres esprits est en revanche universelle.

« En Corée, nous avons ce qu’on appelle le Dokebi », avance D.I. Lee. « C’est une créature à deux facettes car elle peut parfois être féroce et craintive mais aussi être adorable et aider les gens. Le Dokebi n’est ni un zombie, ni un démon mais plutôt une figure que l’on retrouve dans beaucoup de livres pour enfants et qui est censée porter chance ».

Personnage récurrent du panthéon d’Halloween, le zombie tient quant à lui son origine dans la tradition vaudou d’Afrique de l’Ouest, où des sorciers ressuscitent les morts pour mieux les contrôler ensuite. « On ne peut pas dire qu’Halloween ait grand chose à voir avec ce qu’on peut retrouver en Afrique » selon les traditions africaines. « Nous n’avons pas peur des morts, d’abord parce qu’ils ne sont pas morts car ils vivent avec nous, ensuite parce que nous les célébrons au quotidien et nous communiquons avec eux ».

On est donc loin de l’image du zombie « made in Hollywood », dont la seule raison d’être est de finir sous les coups de hache d’une bimbo à peine effrayée.

Nous aimons tous nous faire peur

« Nous aimons tous nous faire peur, c’est quelque chose que l’humanité entière partage », rappel Isaac Terpstra, l’un des organisateurs de la marche des Zombies de Vancouver. « Dans toutes les cultures on retrouve ces histoires effrayantes que l’on aime se raconter ». Selon lui, « dans une ville multiculturelle comme Vancouver, Halloween est encore plus important car tout le monde peut se l’approprier et on assiste à un mélange des cultures. Par exemple, l’esthétique issue de la tradition mexicaine du Jour des Morts est de plus en plus présente parce que c’est très visuel et que ça plaît beaucoup ».

Quant à comprendre le succès du phénomène des marches de zombies, Isaac Terpstra livre une explication simple : « C’est le concept le plus ouvert et le plus fédérateur. En terme de déguisement, c’est ultra-simple, n’importe qui peut se déguiser en zombie et ensuite rejoindre des milliers de personnes dans la rue pour marcher. Si c’était une marche des vampires, je pense qu’il y aurait beaucoup moins de monde. Et puis les enfants adorent ça, ils y viennent avec leurs parents. C’est avant tout un bon moment ». À chacun sa peur en somme.