La grâce du Kayagum

Les bruissements de la ville et de la nature, les vibrations de Vancouver, il nous arrive de ne même plus les entendre tellement nous pouvons être plongés dans nos préoccupations journalières. Pourtant parfois, un son, une musique nous extirpe de notre quotidien et suspend le temps pour un instant. Si certains instruments détiennent ce pouvoir, encore faut-il que les mains dans lesquelles ils se trouvent, sachent comment les faire sonner. Il suffit d’écouter les premières notes de kayagum, cithare à douze cordes, pour comprendre que Grace Jong Eun Lee détient ce don. Le 26 octobre, le Roundhouse Community Arts & Recreation Centre mettra à l’honneur cette artiste et la musique coréenne à travers laquelle elle s’exprime.

Grace Jong Eun Lee pratique le kayagum. Photo par Grace Jong Eun Lee

De la famille des cithares, il se compose de 12 cordes de soie, (pouvant aller jusqu’à 25 en nylon). Il se joue assis par terre et posé sur soi. Le pincement et l’appui sur les cordes permet d’obtenir le son désiré. Si cela paraît simple en apparence, le kayagum requiert de l’exigence, de la dextérité et de la souplesse. Et Grace en fait l’expérience à chaque fois.

Un pont entre deux rives

Si la musique coréenne est issue du métissage de la musique chinoise, japonaise, toutes ces cultures n’en ont pas gardé le même héritage. En Corée, ce dernier demeure lisible. La compositrice et musicienne Grace Jong Eun Lee en est d’ailleurs une digne représentante, mais pas seulement. Née à Séoul, elle est plongée dans la musique depuis son enfance. Elle commence à apprendre le piano à l’âge de 4 ans, puis le violoncelle, la guitare et le kayagum. Devenue citoyenne canadienne suite à son arrivée sur le territoire en 1987, elle ajoute une griffe occidentale à sa musique, produisant par cette confrontation culturelle un son unique et un pont entre deux cultures. Elle considère la musique comme un cadeau et se sent comme bénie par la vie. Elle qui « trouve l’inspiration dans la nature », ne pouvait rêver meilleur endroit que Vancouver.

Son ambition est d’allier et de toujours chercher à marier ces cultures afin de toucher un public plus large. « Mon intérêt pour le mélange des cultures permet à mon public d’être le témoin du croisement de l’est et de l’ouest et de l’harmonie qui en résulte. Je crois que ma musique dépasse la simple catégorie de musique traditionnelle et peut être appréciée de manière universelle ». Et le pari est tenu ! Avec son kayagum, instrument traditionnel coréen, ils forment un duo qui vous embarque en voyage. L’imagination devient alors fertile par la simple écoute de sa musique. Tout ce que la musique peut provoquer en émotions, cet instrument à lui seul le produit et l’amplifie.

Le kayagum et ses caprices

Diplômée à l’Université de Colombie-Britannique en composition, elle doit sans cesse rester attentive aux différences musicales qui existent entre les instruments occidentaux et orientaux. « La musique coréenne est fondamentalement différente des modes de fonctionnement de la musique européenne, à la fois de manière philosophique et technique. Réunir et réconcilier ces différences a toujours été un élément essentiel de mes 15 ans de carrière. » Le kayagum représente l’instrument le plus connu de la culture traditionnelle coréenne depuis le VIème siècle.

« Le kayagum est doux et produit des sons subtils. Les instruments occidentaux ont une tonalité parfaite, on doit vraiment les accorder parfaitement. Mais le kayagum est toujours flexible. La couleur de la tonalité change en permanence. C’est toujours un problème auquel je dois être très attentive. Je dois l’accorder de manière très proche d’une tonalité parfaite pour qu’il s’harmonise avec les instruments occidentaux. » Le kayagum est à l’image de ce que souhaite transmettre Grace Jong Eun Lee, des émotions plus qu’une performance. « Mais je ne veux pas être parfaite, je veux que le son soit davantage d’un style asiatique, d’un courant provenant de la nature. » Plus qu’une musique, c’est « une idée philosophique que je tiens à élever : on peut être unique, mais nous pouvons aussi être un tous ensemble avec un bagage musical différent. » A l’écoute de sa musique, il est certain que nous nous retrouvons tous de manière semblable face à nos émotions et à la grâce !

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Grace Jong Eun Lee
Roundhouse Community Arts & Recreation Centre
26 octobre 2012 à 19h30
Performance Centre
Billets à l’entrée : 20–25 dollars