On sait ce que l’on perd

Photo par sun dazed, Flickr

Pour avoir travaillé avec de nombreux Canadiens la question qui vient souvent lorsque je dis que je viens de France, c’est « pourquoi tu es parti, la France est un beau pays ? » Je réponds toujours la même chose. Oui c’est un beau pays dans lequel je ne me voyais plus vivre. Cependant, tous autant que nous sommes, en tant qu’immigrants de n’importe quel pays, on a tous une raison de nous retrouver ici à Vancouver. Qu’elles soient politiques, économiques, professionnelles, familiales, culturelles et bien d’autres encore, ces raisons pèsent sur notre décision de changer de pays. En ce qui me concerne, je ne vais pas être prolixe sur le sujet. Pour faire simple, je dirais que j’ai un problème relationnel avec beaucoup trop d’éléments dans ma patrie et ce depuis longtemps. Ainsi lorsqu’une opportunité de changement radical s’est présentée pour partir dans un pays que j’affectionne depuis longtemps, j’ai saisi l’occasion.

Direction le Canada

Repartir à zéro. C’est l’état d’esprit que j’avais dans l’avion m’amenant en Colombie-Britannique. Beaucoup de mes amis n’ont d’ailleurs pas compris ma décision, surtout lorsque l’on a un travail stable et une bonne situation. Dire au revoir aux affaires, plus ou moins sentimentales, que j’ai accumulées au cours d’un quart de siècle ne fut pas chose aisée non plus. Mais à nul sacrifice, nulle victoire. C’est donc avec appréhension et joie mêlée que je suis arrivé ici. Et chaque matin, lors-que je me lève, je ne regrette sincèrement pas ma décision. Certes la recherche d’un travail s’est avérée plus compliquée que je ne l’avais planifié avant mon départ. Je savais qu’il fallait que je mette mon CV aux normes canadiennes, que je me formalise aux techniques d’entretiens employées en Colombie-Britannique. Avec l’aide du collège francophone Educacentre ce fut chose faite. Cependant, j’ai dû faire face à deux problèmes majeurs pour moi. Le premier étant mon niveau en anglais, que je qualifierais de moyen, qui ne me permet pas de m’exprimer avec l’aisance que je souhaiterais. Le deuxième élément est une particularité du marché de l’emploi d’ici : le contact. C’est-à-dire qu’une personne ayant la recommandation d’une autre aura plus de chance d’être embauchée. Ceci n’est pas nouveau, mais lorsque l’on est fraîchement débarqué à Vancouver et que l’on ne connaît personne, cela complique forcément l’équation. Cependant, avec le temps j’ai réussi, au hasard d’une rencontre, à trouver un travail temporaire qui a permis de mettre en valeur mes qualités. Une chose en entraînant une autre j’ai été recommandé pour un autre travail. En effet, le procédé fonctionne, il faut juste rencontrer les bonnes personnes et toujours donner le meilleur de soi-même.

Vancouver, Sweet Vancouver !

Récemment, on m’a demandé si ma situation est meilleure qu’en France ? Froidement, non. J’avais un appartement, un travail fixe, une voiture et plein de choses encore. Ici je n’ai que le contenu de deux valises, un ordinateur portable et je vis en colocation. Maintenant, comme je l’ai dit auparavant, j’ai mis plus de vingt-cinq ans à me construire en France et je sais également à quoi j’ai tourné le dos. Maintenant, mes attentes ne sont absolument pas les mêmes car je pars de rien ici. Donc même si cela prendra du temps, je vais de l’avant comme l’ont fait les colons bien avant moi. En fait, aussi surprenant que cela puisse paraître, j’ai l’impression d’être chez moi dans cette ville. Je me sens plus à l’aise que dans mon propre pays. Je ne vous mentirai pas en vous disant qu’il m’arrive parfois d’avoir un spleen lors-que je pense à des personnes qui comptaient beaucoup pour moi ou à certaines de mes affaires qui me manquent. Maintenant, je sais que la route que j’ai décidé de prendre risque d’être longue et difficile, et que comme dans toute aventure, tout ne peut pas être parfait du premier coup sinon on n’aurait pas d’histoire à raconter. Alors je garde le moral et prête attention à la moindre opportunité. Après, tout comme disait l’écrivain Georges Bernanos : l’avenir est quelque chose qui se surmonte. On ne subit pas l’avenir, on le fait.