Conférence sur l’hypersexualisation de la société : Sois jeune, belle et plais moi !

Sext up kids : hypersexualisation des ados. Photo par Sext up kids

Il était une fois le clip California Girls de Katy Perry, issu de l’album Teenage Dream. Dans un monde imaginaire rempli de friandises, la chanteuse, idéalement vêtue pour attirer le chaud lapin, éteint les velléités des méchants oursons en projetant de la crème depuis un soutien-gorge qu’elle n’oublie pas, pour une fois, de porter. Avec environ cent millions de vues sur Youtube, la star américaine, très populaire auprès des enfants et des adolescents, semble avoir rhabillé pour l’hiver Alice aux pays des merveilles et ses longs tissus. Cet exemple parmi tant d’autres ne fait qu’illustrer les propos du documentaire Sext up kids. Réalisé par Maureen Palmer et diffusé le 8 novembre à UBC dans le cadre d’une conférence sur l’hypersexualisation, il montre à quel point les enfants des années 2000 sont chaque jour appelés à prendre des raccourcis vers l’âge adulte. Port du string ou de la mini-jupe, danses suggestives sur Internet, visionnage de films pornographiques, nouvelles pratiques sexuelles chez les adolescents… Observé au quotidien dans le style vestimentaire et les comportements, ce phénomène se manifeste dans les sociétés occidentales pour des raisons essentiellement marketing.

Le KAGOY au banc des accusés

Kids Are Getting Older Younger (les enfants deviennent plus vieux de plus en plus jeunes). Des jouets aux vêtements, en passant par une culture pop qui flirte toujours davantage avec les frontières de l’érotisme, cette récente invention marke-ting influence considérablement l’image de la femme que peuvent avoir les jeunes personnes. Une situation d’autant plus désemparante que les publicitaires arrivent désormais à échapper au contrôle parental en passant par Internet. Idéal pour toucher un public pas forcément en âge de comprendre. Ainsi, pour le Réseau Québécois d’Action pour la Santé des Femmes (RQASF), cette hypersexualisation ne se situe pas chez la jeune fille elle-même, mais plutôt dans son incapacité à comprendre la réelle portée du message qui lui est adressé. « Le message que comprennent les filles depuis leur plus jeune âge est que leur sexualité est la clé de leur succès », explique d’ailleurs Chantelle Krish, en charge des relations publiques au YWCA Metro Vancouver, partenaire de la conférence à venir. Hors, tout ceci provoque certaines dérives.

Des troubles mentaux

« Il ne suffit plus d’être mince, il faut apparaître sexuellement disponible », peut-on entendre dans le documentaire. Une image à projeter qui poussent certaines jeunes filles à aller plus loin à l’heure où les réseaux sociaux permettent de produire et d’échanger des contenus très suggestifs. « Je suis allée dans une école où deux jeunes filles de 7e année passaient des nuits à se photographier seins nus avant d’envoyer les photos à un garçon de leur classe. Quand je leur ai demandé pourquoi, elles m’ont répondu que c’était pour qu’il les regarde enfin », témoigne stupéfaite Salima Noon, collaboratrice à Igirl workshop in BC, une organisation qui sensibilise les préadolescentes. Selon une étude menée en Amérique du Nord et mentionnée dans le documentaire, 14% des adolescentes admettent d’ailleurs envoyer des photos nues à des garçons qu’elles connaissent à peine mais que la pratique du sexting (échanges de textos à caractère sexuel) contribue à rapprocher de façon illusoire… quitte à le regretter par la suite. « Les recherches conduites par l’American Psychological Association indiquent que l’hypersexualisation est en lien avec des problèmes de santé mentale majeurs chez les jeunes filles incluant la dépression, des troubles alimentaires et une faible estime de soi. Le phénomène a aussi été relié au développement d’attitudes sexistes qui augmentent la tolérance sociale vis-à-vis des violences faites envers les femmes », souligne Chantelle Krish. Des troubles qui apparaissent aussi chez les adolescents masculins, dont 70 à 80% visionneraient des contenus pornographiques selon les chiffres fournis par le documentaire. « Si les filles sont en permanence perçues d’une façon sexuelle, les garçons ont du mal à les envisager sous un autre angle, ce qui limite dramatiquement leurs capacités à interagir avec elles », ajoute Chantelle Krish.

Un exemple d’incitation au sexting. Photo par Sext up kids

Face à ce constat, certains sexologues recommandent aux parents de développer un dialogue avec leurs enfants dans le but de leur expliquer que le contenu des médias ne correspond pas à la réalité. « Au fond, les filles souhaitent encore de la romance », conclut l’un des experts présents dans le documentaire. Puisse Katy Perry être de cet avis…

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Diffusion du documentaire Sext up kids suivi de discussions avec des experts ce jeudi 8 novembre à 7h, Buchanan A103, campus de UBC, entrée gratuite.