La Flûte Enchantée par les Premières Nations

Joshua Hopkins est Papageno | Photos par Tim Matheson, Vancouver Opera

Joshua Hopkins est Papageno | Photos par Tim Matheson, Vancouver Opera

A partir du 9 mars, le Queen Elisabeth Theatre accueille La Flûte Enchantée de Mozart inspirée de la culture des Premières Nations. Les cèdres, les geais bleus et les fougères de la région entourent Tamino, le héros à la recherche de son amour, Pamina, pris dans l’éternelle lutte entre les ténèbres et la lumière.

Forte du succès remporté lors de sa création en 2007, cette production du Vancouver Opera, mise en scène par Robert McQueen, revient agrémentée de technologies numériques Haute Définition et de quelques changements de décors et de costumes, de quoi donner une bonne raison d’y retourner.

Défi politique et artistique

John Powell

John Powell

À l’origine du projet, l’ambition du Vancouver Opera est de produire une Flûte Enchantée adaptée à l’histoire de la Colombie-Britannique et imprégnée de l’identité des Premières Nations. Sans trahir l’œuvre originale, le parcours initiatique de Tamino peut aussi bien se dérouler en Égypte que sur le territoire des Salish, sur la côte de Vancouver. Avec la préoccupation d’honorer la culture traditionnelle et contemporaine des Premières Nations, le Vancouver Opera s’est engagé dans une collaboration de trois ans avec le First Peoples’ Heritage, Language and Culture Council.

Un travail d’équipe alliant l’inventivité et les compétences d’artistes non-autochtones et d’artistes et consultants autochtones a permis d’assurer l’authenticité de la création. John Powell, costumier, explique: « Il y a beaucoup de malentendus à propos de la mythologie et de l’imaginaire des Salish et des Premières Nations en général, c’était donc l’occasion de faire connaître tous les aspects de la culture et de l’imaginaire des Premières Nations. (…) Il était important d’inclure les dix principales Premières Nations du territoire de la Colombie Britannique et pas seulement les plus connues ». Chacune de ces dix nations est donc représentée par les hommes de Sarastro, qui incarne le sage du royaume de la lumière.

John Powell donne un aperçu des multiples questions soulevées par ce projet : « Il y a beaucoup d’éléments de ces cultures qui restent du domaine privé. Que pouvions-nous montrer de leur pratique ? Il y a eu énormément de discussions et de recherches tout au long du projet. »

 

Du « sur mesure » pour la Colombie-Britannique

Décors, costumes et chorégraphie sont directement empruntés à la culture des Premières Nations. Si la musique de Mozart reste inchangée, le livret original de Schikaneder a été adapté par

Robert McQueen

Robert McQueen

Robert McQueen. L’opéra est en anglais avec des mots du dialecte Hul’q’umi’num de la langue Musqueam, le Queen Elisabeth Theatre étant bâti sur un territoire salish. John Powell explique qu’intégrer des mots de leur dialecte dans le texte permettait de faire honneur à cette terre et aux Salish.

Robert McQueen insiste : il voulait « traduire des mots ou des phrases qui identifieraient les personnages ou qui avaient une importance singulière dans la pièce, par exemple: Reine de la nuit – Amour – Prince. Mais aussi des mots répétés dans le dialogue, afin que les spectateurs puissent les entendre plus d’une fois ».

Des passages ont également été adaptés. Robert McQueen rapporte: « Avec le First Peoples’ Council nous avons pensé qu’il serait curieux pour le public des Premières Nations d’entendre des personnages masculins faire des commentaires désobligeants au sujet des femmes dans un contexte général. » Les Premières Nations de la Colombie-Britannique sont pour la plupart des sociétés matriarcales. Le ton, considéré aujourd’hui comme sexiste, du personnage de Sarastro et de ses hommes était inapproprié.

Christine Reimer

Christine Reimer

Christine Reimer, costumière avec John Powell, évoque ses sources d’inspiration : « Pour la reine de la nuit je me suis inspirée de la nature, des paysages de la côte, des fougères, de la mousse, mais aussi des tenues de danse spécifiques aux cultures des Premières Nations. Pour Monastatos j’ai emprunté à l’iconographie du Capitaine Cook, qui aurait introduit les rats sur la côte ouest du Canada quelques années avant la création de l’opéra de Mozart ». Christine Reimer explique avoir combiné les étoffes traditionnelles et les éléments naturels de la région, tel que du tissu de cèdre, avec le style des vêtements portés au temps de Mozart.

Entre tradition européenne et mythologie des Premières Nations, cette Flûte Enchantée participe au projet du First Peoples’ Culture Council de revalorisation des nations. Comme l’a exprimé Robert McQueen, on peut espérer que le succès de cette collaboration conduise à la création d’un opéra entièrement basé sur la musique et les préoccupations politiques et sociales des Premières Nations.

 

The Magic Flute
Du 9 au 17 Mars
Queen Elizabeth Theatre,
Vancouver Opera Ticket
Centre 604-683-0222
http://www.vancouveropera.ca