Vieillir en milieu minoritaire

Photo par Moisman Library, Flickr

Photo par Moisman Library, Flickr

 

Vieillir ! Redoutable mais toutefois inévitable, ce phénomène naturel démontre la suprématie du temps sur la matière. Les Vancouvérois sont touchés en plein cœur. Vancouver et Victoria sont les villes de prédilection pour les retraités, en raison de leurs conditions climatiques et de leur hiver doux. La communauté francophone de Vancouver compte à elle seule plus de 40 000 personnes de 50 ans et plus.

Initiatives compétentes et informelles

Le Foyer Maillard, résidence pour les aînés qui a ouvert ses portes en 1969, est le seul foyer de langue française pour personnes âgées en Colombie-Britannique. C’est aussi la seule institution qui collabore étroitement avec le ministère de la santé, en français et en anglais. Au-delà des séances d’exercices physiques, du jardinage et du bingo qui sont au menu des activités régulières, le foyer a un projet d’avenir : s’octroyer un terrain pour y construire au moins 75 chambres supplémentaires afin d’y mettre au point un programme de soins à long terme, appropriés aux besoins des résidents.

Des livrets conseils pour les ainés francophones.

Des livrets conseils pour les ainés francophones.

Séverine Debacker, gestionnaire de programmes de RésoSanté pour la Colombie-Britannique, évoque l’amplitude des structures et supports disponibles pour encadrer nos aînés francophones dans la province : l’Assemblée francophone des retraités et des Aînés de la Colombie-Britannique (l’AFRACB), basée à Victoria, en partenariat avec RésoSanté, qui visent à œuvrer vers une composante santé pour les aînés, mais aussi l’Association des Femmes Francophones du Canada (AFFC), qui mène une étude de front sur le sujet des personnes aidantes, en sont quelques exemples. Au niveau des publications, Le Guide des aînés de la Colombie-Britannique, mis au point et traduit dans plusieurs langues, dont le français, présente beaucoup de détails et offre toute la logistique pour les aînés (mode de vie, conseils pour les activités physiques, bien-être, etc.). Un nouveau guide, Alimentation et Santé des aînés, est également disponible. Le répertoire des professionnels de la santé permet de les aider, recensant infirmières et auxiliaires, notamment psychiatriques, pouvant offrir leurs services en français. Des plateformes téléphoniques sont également mises en place pour les guider : la ligne 811 met à leur disposition des experts tels qu’infirmières, pharmaciens ou diététiciens tous les jours et 24h/24h. Outre les dispositifs existants, des organismes tel qu’Educacentre prêtent main forte pour former les préposés des maisons de retraite francophones. Enfin, et afin de maintenir le lien social avec les francophones, des organismes comme La Boussole ou le Club Bel Age organisent diverses activités tout au long de l’année, explique Séverine Debacker.

Bien que divers organismes soient présents pour prendre en charge les enjeux liés à la vieillesse, il n’y a pas encore de normes établies. Motivée par le net vieillissement de la population et les besoins nouveaux qu’il engendre, une étude de grande envergure est toutefois en chantier et sera bientôt entreprise auprès de 50 000 aînés au Canada. Prévue pour une vingtaine d’années et effectuée par plus de 160 chercheurs, ce sera la plus vaste étude sur le vieillissement jamais réalisée au Canada pour améliorer la qualité de vie des aînés.

Au-delà de la prise en charge de ces dynamiques par les autorités, il est intéressant de voir s’installer à Vancouver des mouvements de ‘voisins qui aident les voisins’. « C’est tellement plus important pour les gens qui se sentent isolés de compter sur leurs voisins » soutient Catherine, installée à Victoria. « De voir les siens, des amis, des voisins, qui ne sont pas loin. Moi, je compte plus sur cela que sur tous les services gouvernementaux. » Catherine continue : « Il est impérieux de ne pas laisser les gens seuls. Il est important que l’aîné se sente valorisé et qu’il sache qu’on pense à lui. C’est un réconfort inestimable. »

Entre difficultés et réconfort

Quand les situations semblent insurmontables, certaines personnes âgées décident alors de passer à l’acte du suicide : un phénomène qui prend de plus en plus d’ampleur dans la société actuelle. Ruth Goodman a récemment mis fin à ses jours à son domicile à Vancouver. La dépendance lui paraissait insupportable. Pourtant, à 91 ans, elle respirait la vivacité : elle venait même de renouveler son permis de conduire. Diane, une francophone vancouvéroise proche de Ruth, admire le courage de son amie. : « Être dépendant de quelqu’un, c’est la chose la plus difficile, quel que soit notre âge. Cela demande beaucoup de courage de dire : ça y est, je pars car je n’ai plus vraiment de rôle à jouer ici. La mort malheureusement, ne peut pas arriver quand on le désire. Quand on est vieux, on a tout le temps d’y penser ! ».

Un autre fléau qui prend de l’ampleur dans la communauté des aînés est la maladie d’Alzheimer. Les statistiques sont alarmantes : un Canadien sur onze dans la tranche d’âge de 65 ans ou plus est atteint de cette maladie. Il est prévu que ce nombre augmente de 50 pour cent dans les cinq prochaines années et selon les estimations, ce pourcentage aura doublé en l’espace d’une génération.

Chantal, dont la mère fut atteinte d’Alzheimer, avoue que cette maladie lui fait peur. Elle sait qu’elle viendra peut-être un jour frapper à sa porte. « Je redoute ce jour où je ne pourrai plus reconnaître mon époux et mes enfants », confie-t-elle. Dans cette perspective, elle s’efforce de trouver des côtés positifs et se prépare, mettant par écrit ses désirs : « ainsi, les gens seront avertis de ce qu’auraient été mes souhaits et les ressources à utiliser si la maladie arrive », livre-t-elle. Chantal essaye de rendre les choses plus faciles pour ses proches. « Si l’Alzheimer est mon futur, j’aurai préparé ce futur-là », raconte-t-elle d’une voix sereine.

Malgré les difficultés qui surgissent dès que l’on franchit le seuil du troisième âge, partir à la retraite offre également des moments de bonheur. Chantal reconnait qu’elle dispose de plus de temps pour elle et pour les autres. « On est tellement obsédé à gagner sa vie, élever ses enfants, qu’on n’a pas le temps de regarder autour de soi et d’apprendre sur le monde qui nous entoure. Maintenant, je prends le temps d’aller à la découverte des gens. » Pour reprendre les dires de Victor Hugo, « l’un des privilèges de la vieillesse, c’est d’avoir, outre son âge, tous les âges ! ».