L’immigration russe en C.-B.: une histoire de vagues

Danses folkloriques et optimisme au Russia Day 2012 | Photo par Palme's Theatre Society

Danses folkloriques et optimisme au Russia Day 2012 | Photo par Palme’s Theatre Society

Amener la Russie et toute sa culture à Vancouver pour la célébrer le temps d’une journée, c’est le but des organisateurs du Russia Day 2013 qui se tiendra mi-juin au Creekside Community Centre.

Unir une communauté si variée


Pour la cinquième année consécutive, la communauté russe met tout en œuvre pour inviter Russes et non-Russes à (re)découvrir les richesses et délices de sa culture. Pour Andrey Ahachinsky, organisateur du Festival, la célébration du Russia Day cherche aussi à réunir la communauté russe, tous âges et confessions religieuses confondus.

« Notre communauté est si variée, » explique-t-il. « Cet évènement est là afin de nous rassembler autour de notre point commun à tous : la culture russe. Prenez des Russes orthodoxes ou juifs par exemple, bien que différents dans leurs pratiques religieuses, ils se retrouvent néanmoins dans la littérature ou les mets de leur pays d’origine. » Une ambition d’unité dans la diversité qui s’est montrée être un franc succès. « Nous attendons près de 2000 visiteurs, près du double de l’an passé, » annonce-t-il.

Une immigration en trois vagues


La communauté russe est aussi différente dans ses origines religieuses que dans ses motivations à s’installer en Colombie-Britannique. « L’immigration russe en Colombie-Britannique a connu trois grandes vagues, » déclare Ilya Vinkovetsky, professeur d’histoire spécialisé dans l’histoire de l’Europe de l’Est à l’Université Simon Fraser. « La première se constituait majoritairement de minorités religieuses persécutées comme les Doukhobors, fuyant la discrimination qui leur était destinée sous la Russie tsariste, » continue-t-il. Subissant de plein fouet la Première Guerre mondiale, la révolution russe et la guerre civile qu’elle enclencha, beaucoup de Russes ressentaient le danger de rester en Russie. « Autour d’eux, ils pouvaient voir des phénomènes de dépossession ou d’assassinats. En plus de ce sentiment régnait la famine générale. Le futur ne semblait pas prometteur. » explique le professeur.

Le mouvement était lancé : de nombreux aristocrates, artistes, intellectuels, mais aussi soldats anti-Bolcheviks quittaient la Russie pour la Chine ou l’Europe. Tous partaient dans l’idée qu’ils retourneraient en Russie quelques mois plus tard, une fois le calme politique retrouvé. Mais, avec la montée de pouvoir de Staline en Russie et d’Hitler en Allemagne, le retour n’était pas envisageable.

Cela entraîne une seconde vague d’immigration, sur laquelle Ilya Vinkovetsky revient : « les Russes d’Europe s’en sont allés vers l’Amérique du Nord, et, entre autres, la Colombie-Britannique. Le Canada leur laissait rêver d’opportunités économiques et de prospérité, dans les conditions socio-économiques qu’ils connaissaient. » Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, une troisième vague d’immigration russe se tourne vers l’Ouest canadien. Durant la guerre, nombre de Rus-

ses avaient été déplacés en Europe, notamment à titre de travailleurs dans des industries allemandes. « À la fin de la guerre, l’idée pour ces peuples déplacés de retourner en Russie avec Staline au pouvoir semblait terrifiante. Ils décidèrent alors de migrer vers l’Amérique du Nord, où une communauté russe résidait déjà.»

« La liberté est un luxe »


Pour Ilya Vinkovetsky, il est important de souligner que l’immigration n’est souvent pas un choix. « On émigre souvent parce que quelqu’un d’autre a déjà pris la décision pour soi ou parce que sa famille ou sa communauté s’en va.», défend-il. De fil en aiguille, c’est donc une communauté entière qui s’installe dans le nouveau pays.

Marc est un immigrant russe. Depuis vingt ans, il tient sa propre boulangerie Perestroîka Products à Burnaby, proposant des plats et pâtisseries de son pays. Bien qu’installé à Vancouver depuis plus d’une trentaine d’années, il ne manque pas de saluer sa culture d’origine. Ainsi, il témoigne : « Les Russes sont l’un des peuples les plus aptes à s’adapter aux conditions environnantes. Nous avons en effet fort souffert durant les première et deuxième guerres mondiales. Mais, aujourd’hui, c’est spécifiquement notre souffrance et le sentiment de manque que nous avons ressenti qui nous permettent de voir le luxe et le privilège dans des choses considérées comme si banales au Canada. Ainsi, la liberté dont nous jouissons ici est notre plus grand luxe », soutient-t-il. Pour lui, le choix de la Colombie-Britannique plus précisément s’explique par le fait que les communautés s’attirent. Les nouveaux arrivants suivent les modèles de leurs pairs et viennent alors avec l’espoir de trouver eux-aussi, des opportunités professionnelles intéressantes.

Cette même liberté permet aujourd’hui de célébrer, le temps d’une courte journée, la victoire de l’optimisme et de la résilience en souvenir de temps plus austères.

Russia Day 2013
Le 16 juin de 12h à 20h
Au Creekside Community Centre

Une opinion sur “L’immigration russe en C.-B.: une histoire de vagues

  1. Superbe. Tous ces angles si bien orchestrés pour finir sur une note qui nous fait réfléchir. La liberté est un luxe…si bien dit.

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