Avec des « si »

Photo par Pen Bentley, Flickr

Photo par Pen Bentley, Flickr

Si j’avais su, j’aurais pas venu, s’exclamait en pleurnichant le petit enfant déçu qui n’était pas d’ici. Si j’avais des ailes, je partirais pour Québec, nous rappelle sans cesse Robert Charlebois. Si j’étais Premier ministre, je me débarrasserais de la royauté et, du même coup, je me présenterais comme candidat pour devenir le premier président de la nouvelle République du Canada. Si j’étais le Prince George, le futur héritier de la couronne d’Angleterre, j’abdiquerais tout de suite. Si l’on me nommait sénateur, je demanderais à ce qu’on projette sur grand écran, au début de chaque session sénatoriale, le film Les tricheurs de Marcel Carné. L’œuvre date, mais elle demeure toujours d’actualité.

Oui, ainsi, avec des « si » que ne pourrait-on faire ? Avec des « si » j’aurais pu épouser Sissi, l’impératrice. Avec des « si » j’irais, un jour, sur la lune. Mais une fois là-bas que ferai-je ? Si j’étais jardinier, je planterais des choux ou, à défaut, un olivier, histoire de prouver que j’ai de bonnes intentions. J’en tendrais une branche, coupée à la scie, aux visiteurs venus de Mars ou d’une autre galaxie. Ainsi, avec des « si », on peut changer le monde. Les « si » sont une invitation aux rêves. Une porte grande ouverte à la fantaisie. Pourquoi, alors que nous approchons de la fin des vacances, s’en priver ? Voici donc une longue litanie, une grande symphonie en si, avec des hauts et des bas. En dents de scie quoi.

Si j'étais un athlète à Sotchi... | Photo par Julius Reque, Flickr

Si j’étais un athlète à Sotchi… | Photo par Julius Reque, Flickr

Commençons par les Jeux Olympiques de Sotchi en Russie. Et bien, si j’étais un athlète, je ne boycotterais pas ces Jeux. Les boycotts, à ce que je sache, ne donnent pas grand-chose. L’ironie, l’humour, selon moi, peuvent apporter de bien meilleurs résultats lorsqu’il s’agit de lutter contre l’homophobie. Ridiculiser un État et ses leaders autocratiques devient un objectif honorable et méritoire. Si le ridicule ne tue pas, il peut au moins faire mal. Il peut blesser et dégonfler l’enflure de certains égos.

Donc, si je devais faire partie des sportifs invités à ces jeux d’hiver, je porterais le drapeau arc-en-ciel au cours du défilé d’ouverture des athlètes. Et, si j’étais gay, je m’arrêterais devant la loge de Vladimir Poutine le tribun et j’irais lui rouler un bon patin (sans glace) en m’assurant de lui laisser une grosse tâche de rouge à lèvres. Si j’avais un tant soit peu de courage, j’en profiterais aussi pour l’inviter au prochain défilé de la Gay Pride à Vancouver. Il découvrirait alors les bienfaits d’une société libre et ouverte d’esprit. Et pour couronner le tout, après avoir reçu ma médaille d’or, je mettrais un tutu pour me rendre au ballet Bolchoi. Rentré chez moi, où la liberté d’expression, pour le moment, n’est pas complètement compromise par le régime Harper, j’enverrais à l’ancien officier du KGB une carte de remerciements, dans laquelle je joindrais mes bons baisers de Russie. Ah ! Si je savais patiner, que ne ferais-je pas ?

Si j'avais une maison sur Point Grey Road... | Photo par Iwona Kellie, Flickr

Si j’avais une maison sur Point Grey Road… | Photo par Iwona Kellie, Flickr

Si j’avais des millions, par contre, vivant à Vancouver, je saurais quoi faire. Je m’achèterais une maison sur Point Grey Road. Je soudoierais le conseil municipal, en offrant à la ville une multitude de sculptures rigolotes qu’on installerait dans un parc et, en retour, j’exigerais des échevins qu’ils ferment ma rue aux automobilistes pour ma propre tranquillité et la valorisation de ma demeure. Si j’avais quelques millions de plus, j’irais même plus loin. J’achèterais toutes les propriétés du coin. Je ferais alors bâtir une enceinte tout autour du quartier avec des remparts, afin d’en interdire l’accès à quiconque, cyclistes et piétons inclus. Je ferais construire des miradors avec des gardiens armés jusqu’aux dents pour défendre ma vie privée et mes privilèges. Après cela, je me paierais de nombreuses séances chez un psy dans l’espoir de pouvoir dormir sur mes deux oreilles et d’avoir la conscience tranquille.

Ah ! Si j’avais des sous, je ferais de belles affaires. Mais puisque je n’en ai pas, je reste avec mes « si ». Mes « si » qui ne m’amènent nulle part. Nous voilà maintenant à la fin de ce récit aux « si », si conditionnel. Mais avant cela, souvenez-vous qu’avec des « si », on pourrait mettre Vancouver en bouteille. Voici donc une bouteille à la mer. Si vous la récupérez avec son message à l’intérieur et, si le cœur vous en dit, rapportez la ici à Vancouver… on the sea. D’avance merci.