L’accordéon remis au goût du jour

Barbara Adler, organisatrice de l'Accordion Noir Festival. Photo par Tony Hoare

Barbara Adler, organisatrice de l’Accordion Noir Festival. Photo par Tony Hoare

L’Accordion Noir Festival ouvre le bal en ce début de saison culturelle. Une farandole de musiciens et un public très remonté se retrouveront autour d’un instrument central : l’accordéon.

Celui qu’on appelait jadis « piano à bretelle » ou « boîte à frissons » va faire trembler les murs du Russian Hall du 12 au 15 septembre.

Plusieurs concerts, soirées et ateliers animeront ces trois jours, invitant à la découverte de la scène locale et internationale de l’accordéon et des aspects culturels reliés à l’instrument. Les musiciens se livreront enfin à une bataille d’improvisation musicale qui viendra clore le ballet d’évènements.

Une approche inédite
« Nombreux sont ceux qui font rimer accordéon et polkas de leur grand-père. Ils le trouvent démodé, voire ennuyeux », reconnait Barbara Adler, organisatrice de l’Accordion Noir Festival. Jouant sur un esprit décalé, le festival souhaite surprendre le publicen mettant l’accent sur les usages non-traditionnels de l’instrument, l’introduisant au sein de musiques auxquelles on ne l’associe généralement pas.

Unique et fier d’être vancouvérois, le festival se positionne ainsi à rebours des rendez-vous traditionnels autour de l’accordéon, qui se tiennent ailleurs en Colombie-Britannique ou à l’échelle internationale.

L’Accordion Noir Festival a été fondé il y a 6 ans par Ronan Lipkowitz et Bruce Triggs, animateurs de l’émission de radio du même nom diffusée à travers la radio Co-op. « L’idée était alors d’attirer l’attention de la communauté croissante d’accordéon à Vancouver, notamment des artistes qui utilisent une approche inventive autour de l’instrument et de sa culture » raconte Barbara Adler.

Le festival veut devenir la rencontre incontournable des joueurs d’accordéons qui aiment repousser les limites du possible autour de leur instrument. Les artistes choisis doivent être compétents, mais aussi faire preuve d’un grand sens de l’humour et de l’amusement. « Nous nous voyons comme une pièce de théâtre sans répétition. La comédie et ses « moments », les imprévus, sont aussi importants dans la musique » insiste Barbara Adler.

Steve Normandin, artiste québécois mordu d’accordéon, fait partie de la liste d’heureux élus. Pour lui, ce festival est unique : « Il y a beaucoup plus de jeunes qui jouent et écoutent l’accordéon ici que dans les autres festivals auxquels j’ai pu participer, tant au Canada qu’en Europe ». Ce spécialiste des chansons de la grande époque du 78 tours est pourtant fin connaisseur, sillonnant constamment les routes du monde à la recherche de nouveaux défis musicaux. Il a ainsi récemment participé à la 25e édition du carrefour mondial de l’accordéon au Québec.

Barbara Adler se félicite de la connexion grandissante que le festival a établi avec la communauté francophone de Vancouver au fil des années.

Tous les jeux sont permis
Si l’accordéon a été intégré à de nombreuses traditions musicales, les curieux qui oseront pousser les portes du festival pourront être surpris de voir des artistes contemporains utiliser la « boîte à chagrin » pour produire des chansons satiriques, réveiller le rock and roll ou provoquer des danses irrésistibles.

La compétition finale, le Underdog Instrument Grudge Match, « est un combat musical et ludique au sein duquel les instruments mal-aimés ont une chance de concourir pour obtenir l’affection du public », explique Barbara Adler.

Pourtant, derrière ces mots délicats, c’est une véritable lutte musicale qui s’annonce. Mélange des notes et des genres, le match met en scène des performances seules ou en groupe, et engage des conversations animées entre les différents instruments.

Steve Normandin ne peut s’empêcher de comparer l’évènement à la ligue d’improvisation musicale de Québec dont il a fait partie il y a plusieurs années. « Le fonctionnement n’est pas le même, mais l’aspect créatif se ressemble », confie-t-il. « J’adore improviser et découvrir la façon de jouer des autres musiciens. Travailler sur la corde raide me plaît au plus haut point ».

L’année dernière, les accordéons affrontaient les banjos et les ukulélés. Pour cette édition, ils devront défier un assortiment peu commun d’instruments électroniques.

La compétitrice Prophecy Sun jouera du thérémine fait-main, l’un des plus anciens instruments de musique électronique, dont elle se sert « comme une musicienne de jazz ». Lors du Grudge match, elle espère séduire le public « avec mes sourires, l’intensité de mon regard et les coups de mon bébé » rit-elle. Prophecy attend un enfant pour le lendemain de la compétition.

Barbara l’admet, l’accordéon reste la vedette du festival. Les règles du jeu sont parfois faussées et les tricheries tolérées, ajoutant un esprit pimenté au festival : « Les saxophonistes partent avec 1000 points de retard simplement parce qu’ils ne jouent pas d’accordéon ! » illustre-t-elle.

« La diversité de nos auditoires correspond à celle de la musique », explique Barbara, qui place l’interaction avec le public au cœur de l’évènement. Elle incite les spectateurs à y aller de leurs cris et encouragements pour leurs instruments favoris. Petite nouveauté cette année : chaque équipe aura deux minutes pour enseigner les bases de son instrument à un volontaire du public. L’équipe du festival espère ainsi éveiller l’intérêt musical des vancouvérois.

Accordion Noir Festival
Du 12 au 15 septembre
Russian Hall
600 Campbell Avenue, Vancouver
604-254-9932
http://www.accordionnoirfest.com