Mars ou crève

Illustration par Tom Blackwell, Flickr

Illustration par Tom Blackwell, Flickr

J’ai raté le coche. Je n’irai pas vivre sur Mars. Je ne suis pas le seul d’ailleurs à avoir manqué cette unique occasion. Environ 7 000 Canadiens, seulement, ont décidé de payer une petite somme, pas plus de 75 $, pour avoir droit à la possibilité d’une fantastique aventure.

De par le monde, ils ont été plus de 165 000 à faire la demande. Un tirage au sort déterminera quelles seront les quatre premières personnes à faire le voyage. Beaucoup d’appelés, peu d’élus. L’offre, surnommée Mars One, une idée d’un promoteur hollandais, à priori semble alléchante. Quitter la terre définitivement pour aller vivre sur Mars, ce n’est pas donné à tout le monde. Un voyage avec aller simple seulement. Pas de billet retour. Pour ceux que ça fait rêver, sachez qu’il est trop tard maintenant pour s’inscrire. La date limite est maintenant dépassée. Les portes de cette folie douce se sont fermées le 31 août. J’ai failli m’inscrire. Il s’en est fallu de peu pour que je signe.

Mon goût de l’aventure m’avait poussé dans cette direction. Mais voilà, j’ai commencé à réfléchir. J’ai une famille et des amis. Les laisser en plan me chagrinait au plus haut degré. De plus, j’attends ma pension vieillesse du Canada et je dois recevoir mon retour d’impôt sous peu. Je ne suis pas du tout intéressé à m’en priver. J’ai, par ailleurs, un bon dentiste qui ne me ment pas comme un arracheur de dent. Mon médecin s’occupe si bien de moi que je ne suis pas prêt à m’en séparer. Pourra-t-on trouver un bon boulanger capable de faire de bons croissants et des bonnes baguettes si loin d’ici ? Rien de certain. J’ai bien peur aussi que sur Mars, on ne passe pas les films de Woody Allen ou de Pedro Almodovar. Je ne suis pas sûr, non plus, que je pourrais me priver de Meryl Streep ou des deux Jennifer : Aniston et Lawrence. Je crains surtout que l’on m’impose Tom Cruise et le National Enquirer.

Et quel sport peut-on pratiquer sur Mars ? Le tennis ? Impossible. Question de gravité. C’est grave. Je pourrais m’envoler avec la balle. Moi, qui aime bien avoir les pieds sur terre, je serais mal pris sur Mars. Et puis, comment m’habiller ? L’élégance a, pour moi, son importance. Les costumes d’astronautes ne me réussissent pas. J’aurais sans doute l’air d’un scaphandrier en vadrouille. Je n’ai pas envie que l’on me prenne les culottes à terre une fois rendu sur Mars. Vous me direz que d’ici là, (le voyage est prévu pour 2023), la mode peut changer. Je l’espère pour ceux qui auront été choisis pour ce voyage qui, somme toute, il faut bien le dire, consiste à coloniser Mars.

Le HMCS Algonquin était l'un des navires canadiens impliqués dans la collision de 1er septembre | Photo par U.S. Pacific Fleet, Flickr

Le HMCS Algonquin était l’un des navires canadiens impliqués dans la collision de 1er septembre | Photo par U.S. Pacific Fleet, Flickr

De nouveau, il est question de conquête et de colonie. L’histoire ne nous a rien enseigné. Il faut toujours qu’on trouve le moyen d’aller enquiquiner les autres (les martiens, s’ils existent, dans ce cas-là) et d’imposer notre mode de vie et nos valeurs. Toujours est-il, comme je le disais plus haut, l’idée d’aller m’installer pour de bon sur Mars m’a effleuré l’esprit. J’ai contemplé les avantages que cela représenterait. Croyez-moi, il y en a. J’en énumère quelques-uns au passage. Par exemple : du haut de mon piédestal astral, je serais en mesure d’observer, sans aucune gêne ou aucun embarras, les manœuvres de la marine canadienne qui récemment en pleine mer s’est permis un carambolage monstrueux. Deux navires de notre chère marine nationale se sont percutés. Un accident de la circulation nous a-t-on fait comprendre. Je veux bien. Faudra–t-il bientôt installer des feux de signalisation ou de circulation au beau milieu de nos océans ? Est-ce qu’ICBC va rembourser ? Vue de Mars, cette bévue me paraîtrait plutôt amusante. J’imagine que j’en rirais au lieu d’en pleurer de honte. Et je me dirais mon Dieu qu’il fait bon vivre ailleurs que sur notre petite planète.

Je serais d’autant plus convaincu du bien-fondé de mon exil lorsque la nouvelle charte de la laïcité au Québec sera entrée en vigueur. Je dois avouer ne pas savoir par quel bout prendre cette initiative du Gouvernement québécois. Je suis définitivement pour une séparation de l’Église et de l’État, mais en même temps, je respecte le droit à chacun de vivre comme il le veut et d’avoir les croyances qui lui sied. Étant athée pure laine moi-même, je dois dire à Pauline Marois : « athée souhait », car je sens que la moutarde lui monte au nez et qu’elle va finir par éternuer. Le Canada risque alors de s’enrhumer. Que vois-je encore ? Assad et sa Syrie. Une série mal partie qui va sans doute mal se terminer. Faut-il intervenir ou pas ? Quel dilemme. Je n’en peux plus. Je n’arrive pas à trancher. Je ne sais plus qui sont les bons, ou qui sont les méchants. J’aurais définitivement dû acheter mon billet pour Mars.