Naissance d’une communauté : la jeunesse arabe du Golfe se fait sa place à Vancouver

Photo par Shazron, Flickr

Photo par Shazron, Flickr

Il est dans l’air du temps qu’une ville se doit d’être tumultueuse. Et pourtant, malgré une animation flamboyante, la grande ville de Vancouver abrite une petite communauté de la péninsule d’Arabie qui jouit du quotidien en toute discrétion, tout en apportant la richesse de sa culture et de son savoir-faire.

Un après-midi comme les autres : le petit bistrot Beirut juché en plein cœur de la ville regorge de merveilles gustatives toutes droit sorties des contes des Mille et Une Nuits…La voix chaleureuse de Fairouz, illustre diva libanaise, résonne sur les ondes. C’est ici que la petite communauté d’arabes vient se retrouver, le temps de déguster le succulent café d’Arabie et le non moins célèbre baklava ! L’intégration sociale d’un peuple ne se fait-elle pas d’abord autour des plaisirs de la table ?

La diaspora de la péninsule d’Arabie qui regroupe sept des pays pétroliers les plus riches au monde compte environ 26 000 compatriotes, répartis à travers les provinces et territoires du Canada, dont un peu plus de 10 000 installés en Colombie-Britannique. La majorité de cette communauté vient de l’Arabie Saoudite, suivie de Dubaï et des Emirats arabes unis. Elle se regroupe autour des grandes villes telles que Vancouver, Burnaby et Coquitlam, à proximité des mosquées.

Massood Joomratty, avocat et expert en immigration avance : « Le Canada représente une terre fertile pour les ressortissants arabes qui retrouvent ici un climat social propice à leurs développements personnels et professionnels. L’éventail multiracial et pluriculturel, le niveau universitaire très élevé et le sentiment de sécurité qu’offre le pays incarnent autant de facteurs auxquels aspire cette petite communauté arabe, avide de participer activement au développement et au plan social de son pays d’accueil. »

Nuba est l’un des rares restaurants arabes de Vancouver. | Photo par Roland, Flickr

Marcher sur des œufs …..
Toutefois, si l’avenir semble plein d’espoir pour cette communauté, il arrive qu’elle se sente parfois atteinte de préjugés. Massood Joomratty continue : « Elle se doit d’être prudente dans ses propos. Chaque mot doit être pesé et chaque comportement étudié par crainte de possibles conséquences. » Et pourtant, la majorité de ses ressortissants, instruits dans les meilleures universités de la Colombie-Britannique, représentent d’éloquents professionnels – chercheurs, neurochirurgiens, professeurs ou d’éminents hommes d’affaires.

A l’abri de barrières linguistiques, des petits journaux et forums sur les médias sociaux commencent à germer. Les rassemblements interculturels sont favorisés ; la liberté d’expression et le système démocratique du Canada sont salutaires et aspirés comme une bouffée d’air frais. Ici, l’horizon n’a pas de frontières ! Ainsi, cette petite communauté, profitant de son origine très aisée, va saisir les opportunités pour contribuer activement au développement du pays en investissant financièrement dans des projets d’envergure et en apportant son expertise dans des domaines tels que la médecine ou les recherches scientifiques.

La voix de la liberté
Le jeune Mubarak Bahaithn, étudiant et ressortissant de l’Arabie Saoudite, vit ici depuis un peu plus de deux ans. Il ne cache pas sa joie de découvrir la beauté et la culture vancouvéroise et confie : « Le système démocratique est merveilleux. Nous apprécions pleinement cette liberté et nous nous réjouissons d’évoluer dans ce pays où des restrictions ne sont pas imposées. Ici, la liberté d’expression est prononcée. »

Cependant, si les infrastructures et commerces arabes existent, ils restent encore insuffisants pour subvenir aux besoins de ses ressortissants. Bien que des cafés et pittas bars fleurissent de jour en jour, le manque de magasins arabes se fait ressentir. Idem pour les spectacles et autres formes d’art. « Ceux-ci sont quasiment inexistants », lance Mubarak. « Ce serait tellement bien si nous avions plus de ressources pour partager la culture de nos pays d’origine. Les spectacles, l’art et la musique arabes me manquent beaucoup. »

Donner du temps au temps
Si les autres communautés épousent le plan social canadien à bras ouverts et projettent des images bariolées de leurs cultures, la jeune communauté arabe, de par une éclosion subtile se montre timide et avance à pas feutrés dans le paysage culturel. Alors que les jeunes s’affichent plus entreprenants à participer à des activités sociales et sportives, les aînés dévoilent une certaine réserve. Appréhension et timidité les poussent à choisir un encadrement confiné à leur propre entourage pour s’adonner discrètement à l’expression de la culture de leurs pays d’origine. Massood Joomratty se veut optimiste : « Cela changera avec les prochaines générations. Graduellement, une plus grande ouverture se fera et des échanges sociaux s’enclencheront. »

« Si vous êtes réceptifs, l’avenir vous appartient… »
Mubarak Bhaithn soutient ses propos : « L’esprit de partage qui règne ici est absolument époustouflant. On gagne beaucoup à apprendre de la mixité des cultures et c’est si agréable de pouvoir s’intégrer au sein de cette société. Les gens sont accueillants et l’amitié facile à établir entre les diverses communautés. C’est fascinant d’être entourés de personnes ouvertes d’esprit, qui prônent la communication. Si vous êtes réceptifs, l’avenir vous appartient et vous pouvez atteindre vos objectifs. »

L’adaptation au changement climatique se fait également sans heurts. La chaleur torride des déserts et les randonnées dans les dunes ne sont que de lointains souvenirs. Les jeunes arabes raffolent des sports locaux et du camping. Mubarak avoue avoir découvert le yoga à son arrivée à Vancouver et en est devenu un fervent adepte. S’intégrant pleinement dans les coutumes de la ville, nombreux d’entre eux s’adonnent au bénévolat, notamment dans les maisons de retraite et dans les organismes charitables.

Loin des oasis et des richesses de leurs pays d’origine, ils bâtissent petit à petit un avenir serein dans leur nouvelle patrie, confiants que le calme et la sérénité qui y règnent ne permettront à aucune nuit de venir rôder autour de leur jour.