Saint-Pierre et Miquelon, l’archipel des subventions

Saint-Pierre et Miquelon sera-t-il un jour une destination touristique? | Photo par Gord Mckenna, Flickr

Saint-Pierre et Miquelon est une bizarrerie géopolitique située à 25 km au sud de Terre-Neuve. Cet archipel de 8 îles et îlots, d’une superficie de 242 km2 (soit à peu prêt 4 fois la superficie de l’Île Bowen) est un territoire français. C’est en fait, ce qui reste de la Nouvelle-France après que les anglais ont pris le reste. Les quelques 6 000 habitants sont représentés à Paris par un député et un sénateur élus dans les îles.

Certes, les maisons en bois, peintes de couleurs vives ressemblent à celles de Terre-Neuve et les pickup trucks qui circulent sur les routes de l’archipel nous rappellent qu’il s’agit bien de l’Amérique du nord. Mais d’un autre côté, l’architecture française des bâtiments publics, l’utilisation de l’euro, les panneaux de signalisation, les Renault, Peugeot et Citroën, les baguettes et croissants fournis par les boulangeries ainsi que l’accent des habitants, sont là pour nous rappeler que Saint-Pierre est une ville française. En dépit de la géographie, les chaînes de radio et télé envoyées par câbles sous-marins depuis la métropole font que les îles sont plus branchées sur Paris que sur Montréal ou Saint-Jean de Terre-Neuve.

Saint-Pierre n’avait qu’une seule raison d’être…La pêche! Mais les morues ont disparu des grands bancs de Terre-Neuve et les négociations franco-canadiennes sur le partage des eaux territoriales n’ont laissé aux Saint-pierrais qu’une zone économique maritime exclusive de 12 000 km² au lieu des 47 000 qu’ils espéraient obtenir. Dans cette zone, les forages pétroliers et gaziers n’ont pour l’instant rien donné.

Le territoire vit essentiellement des subventions de la métropole. Aquaculture, pêche, travaux publics, transports, culture, tout est subventionné par les contribuables de la République française. Saint-Pierre et Miquelon reçoit plus de subventions par tête de pipe que n’importe quel autre territoire ou département français d’outre-mer. C’est, par exemple, deux fois plus par habitant que ce que reçoit la Guyane.

Pour inciter les fonctionnaires à quitter la métropole pour s’installer dans le froid et la brume des îles, leurs salaires sont majorés de 70 pour cent. Les étudiants Saint-pierrais qui poursuivent leurs études post-secondaires disposent de bourses généreuses pour aller étudier en France et les deux tiers ne reviennent pas vivre dans les îles où la population est en baisse et où l’avenir économique semble sombre.

Saint-Pierre et Miquelon a décidé que son avenir économique reposait en grande partie sur le tourisme. Les îles accueillent 12 000 touristes par an, Canadiens à 80 pour cent, provenant surtout de la province de Terre-Neuve. La plupart des visiteurs viennent par mer, sur le traversier qui relie quotidiennement Saint-Pierre à Fortune sur la côte sud de Terre-Neuve. Le territoire espère que le nombre des touristes va augmenter de 40 pour cent au cours des cinq prochaines années. Dans ce port qui recevait surtout des bateaux de pêche, des travaux ont été faits pour accueillir des bateaux de croisières en espérant que là où l’on débarquait des morues, on va bientôt débarquer des croisiéristes bourrés de fric. Il y a des projets de construction d’un nouvel hôtel, d’une auberge de jeunesse, d’un terrain de camping, d’une salle de spectacle etc. Le tout dépendra en partie – bien sûr – de la générosité des contribuables.

Saint-Pierre et Miquelon destination touristique? Vu les obstacles, ce n’est pas gagné ! Il y a d’abord le climat qui garantit que ce ne sera jamais le Saint-Tropez de l’Atlantique nord. Mais l’obstacle principal porte surtout sur la question des transports. Le traversier qui relie Saint-Pierre et Terre-Neuve ne prend pas de véhicules ce qui exclut, d’emblée, l’immense tribu des retraités à roulette qui sillonnent l’Amérique du nord en camping-car.

On peut se rendre dans les îles en avion, mais là aussi c’est compliqué. Il n’y a pas de vols directs entre les îles et la métropole, tout passe par le Canada. Air Saint-Pierre a quatre vols hebdomadaires vers Montréal qui assurent la connection avec le vol d’Air France en provenance de Paris. Les passagers sont surtout des fonctionnaires français et des étudiants Saint-pierrais dont les frais de voyage sont pris en charge par le gouvernement. La petite compagnie aérienne n’a donc pas de raison de faire des gros efforts sur les prix pour attirer les touristes. Résultat: un aller-retour Montréal – Saint-Pierre coûte 1200$ (taxes comprises) c’est-à-dire souvent plus cher qu’un aller-retour Montréal-Paris. Il y a bien trois vols par semaine entre Saint-Pierre et Saint-Jean de Terre-Neuve (340$ aller-retour) mais se rendre à Terre-Neuve depuis Vancouver ou Montréal n’est pas très bon marché et une fois à Saint-Pierre, le coût de la vie est plus élevé qu’en métropole.

Mais si vous aimez les voyages en dehors des sentiers battus où vous rencontrerez des gens qui vous voient comme une personne et non pas comme un portefeuille à deux pattes, Saint-Pierre et Miquelon est peut-être pour vous.