Encadrer au quotidien les travailleurs du sexe

Photo de Wish Drop-In Centre Society

Elles accompagnaient la jeune Édith Piaf, sont représentées dans les demoiselles d’Avignon de Picasso ou encore dans la Nana de Zola. À Vancouver, un regard pragmatique est porté sur l’activité des travailleurs du sexe.

Wish et SWAN et HUSTLE, organisations d’aide sur le terrain

Situé dans un ancien garage de la police municipale, le Wish Drop-In Centre Society (Wish) accueille jour et nuit les femmes qui se prostituent pour survivre. Elles peuvent y prendre un repas chaud et une douche, ou consulter un professionnel de santé.

Comment le Centre identifie-t-il les travailleuses du sexe ? Kate Gibson, directrice, répond : « Pour les inconnues de nos services, deux femmes de confiance doivent l’approuver ».

Dans la rue et à Wish, les femmes autochtones constituent la communauté ethnique la plus visible. Elle explique : « L’une des raisons principales pour laquelle elles travaillent dans cette industrie est la perte de leur culture. L’idée de l’Aboriginal Culture and Creativity Program, est de rétablir cette connexion ». La coordinatrice tient des ateliers le jeudi, parfois accompagnée d’un ancien, où elles discutent leurs traditions respectives. Un programme d’alphabétisation en collaboration avec le Capilano College est également proposé à toutes les femmes du Centre. Sur le terrain, le MAP Van, la camionnette de Wish, part tous les soirs de 22h30 à 6h dans les quartiers sensibles de la ville pour veiller sur ces femmes de la nuit, répondre à leurs appels, leur proposer des boissons, des préservatifs ou des seringues stérilisées.

Cependant, selon Kate Gibson, « un certain nombre de femmes, souvent asiatiques, exercent dans des salons de massage, hors de la rue, elles sont hors de notre champ d’action. L’organisation SWAN s’occupe d’elles ».

Supporting Women’s Alternatives Network les recherche, les conseille en matière de santé et d’immigration, leur propose des cours d’anglais et leur remet des cartes de visites contenant des informations juridiques en cas de visite de la police. À ce jour, SWAN précise en avoir distribué 50 en farsi, 100 en anglais et 500 en chinois.

Et pour les hommes, il y a HUSTLE (How U Survive This Life Everyday), une composante de Health Initiative for Men. Le fondateur, Matthew Taylor, explique que les services d’aide aux travailleurs du sexe gay se limitent souvent au dépistage des maladies sexuellement transmissibles : « cela ne suffit pas. Nous souhaitons être présents pour eux à tous les niveaux. A ma connaissance, il n’y a que deux autres associations pour ces hommes au Canada : Boys R Us, à Vancouver, avec laquelle nous collaborons, et le Rezo project de Montréal. Il n’est donc pas surprenant que beaucoup migrent vers Vancouver où le climat y est d’ailleurs plus clément l’hiver ». Son équipe les contacte sur internet, dans la rue et dans leurs chambres d’hôtels. « Ils savent qu’ils peuvent compter sur nous car nous venons cette semaine, reviendrons la suivante, celle d’après, et l’année prochaine nous serons toujours là », assure Matthew.

Un régime juridique flou

Tous les mois, Wish, HUSTLE, la police de Vancouver (VPD), la ville de Vancouver, des résidants du Downtown Eastside etd’autres intervenants discutent de leur cohabitation lors de réunions organisées par l’initiative Living in Community. La VPD est d’ailleurs la première police canadienne à avoir formulé des recommandations « visant à établir des relations plus positives » avec les travailleurs du sexe . En effet, la prostitution n’est pas illégale au Canada. Cependant, les articles 210 à 213 du Code criminel prohibent les activités qui l’encadrent, telles que la sollicitation en public, la tenue de « maisons de débauche » et le fait de vivre « entièrement ou en partie des produits de la prostitution d’une autre personne ».

Photo de Wish Drop-In Centre Society

 

Une membre du Wish Drop-In Centre Society. Photo de Wish Drop-In Centre Society

Une membre du Wish Drop-In Centre Society. Photo de Wish Drop-In Centre Society

Les femmes du milieu ont demandé l’invalidation de ces dispositions dans l’affaire Bedford v. Canada. La loi les contraindrait à travailler dans la rue et à s’éclipser avec des clients à l’aveuglette. Cela porterait atteinte à la sécurité de leur personne, protégée par la Charte canadienne des droits et libertés.

La Cour d’Appel de l’Ontario leur a donné partiellement satisfaction. Toutefois, une réforme du Code criminel est incertaine. La Cour suprême tranchera la question courant 2014.