Le rendez-vous des Aînés francophones à Surrey … un carrefour de cultures

Thé à la menthe, de la tradition marocaine| Photo par Ivan Sanchez, Sxc.hu

Thé à la menthe, de la tradition marocaine | Photo par Ivan Sanchez, Sxc.hu

Le centre communautaire francophone La Boussole ouvre son carnet d’activités 2014 sur une rencontre interculturelle le vendredi 31 janvier à 14h dans son quartier général de Surrey. Lors de cet après- midi social, autour d’une dégustation de thé à la menthe dans la pure tradition marocaine, et la non moins traditionnelle galette des Rois, l’histoire autochtone sera aux premières loges.

Cette rencontre mensuelle du Rendez-vous des Aînés est organisée conjointement avec l’Association francophone de Surrey. Au menu habituel des évènements antérieurs, des sujets importants tels que la préparation à la retraite, la rédaction d’un testament et les ressources disponibles pour la protection des droits des aînés, en plus de sorties récréatives telles que des représentations théâtrales, des balades, des pique-niques et des projections de films.

Gallete des Rois | par Steph Gray, Flickr

Gallete des Rois | Photo par Steph Gray, Flickr

Si cette activité interculturelle, voire transculturelle, semble être bien rodée, l’incursion, cette fois-ci, dans l’histoire des autochtones s’avère être une première du genre pour de telles rencontres. Mélodie Zali, coordonnatrice des activités à La Boussole, avoue que le groupe n’est pas réservé qu’aux adultes. «On se retrouve souvent dans les activités des aînés avec des jeunes dans la trentaine qui ont juste envie de découvrir et de partager».

L’initiative de cette première rencontre interculturelle a germé lors d’une rencontre avec Gertrude Pierre, une autochtone sexagénaire, qui a une myriade de souvenirs. Mélodie Zali lance: «L’inter-culturalité est prononcée au sein du groupe. Malgré qu’on soit tous francophones, les personnes viennent de régions différentes. Nous sommes en plein dans la mixité culturelle mais ne voulons pas faire de communautarisme, et nous replier sur nous-mêmes. Nous aspirons à une vision élargie de la francophonie qui encouragerait le partage ».

Gertrude Pierre ouvrira un volet sur l’histoire des autochtones et fera l’anatomie de son épreuve de résilience. Elle, qui est descendue dans les gouffres de l’enfer, confirmerait la théorie de Boris Cyrulnik qu’on peut renaître de la souffrance.

Il faudra se munir d’une boîte de mouchoirs pour l’écouter car son récit est chargé de tristesse et de déchirures. Elle décortique son enfance heureuse, entourée de sa famille et proche de la nature dans la région du Jervis inlet, à 95 km au nord-ouest de Vancouver. La déchirure viendra comme un souffle de vent glacial quand à six ans elle se retrouve au pensionnat autochtone, une sorte d’univers carcéral. L’atmosphère y est aride comme un désert à midi. Elle poursuit: «Il fallait exécuter des corvées avec une rigueur, discipline, et précision militaire sous peine de punitions sévères… Aucun pli ne devait être visible sur les draps. Pas un cheveu sur le carrelage des toilettes ».

Punie pour des délits aussi innocents que de demander des explications sur les devoirs de classe, elle s’intériorise à la longue, et enfouit ses émotions au plus profond de son être. Ses sanglots s’étaient taris, comme un puits asséché. Le pensionnat autochtone allait lui voler son estime de soi, le respect et les sentiments d’amour. Vidée des valeurs inculquées par ses grands-parents, il ne lui restait plus que des sentiments de colère intérieure, de rejet et de désolation ».

Gertrude Pierre relate avec une multitude de détails la ségrégation dans les dortoirs et les abus sexuels que subissaient les petites filles. Sombrant dans l’univers de l’alcool en quittant le pensionnat, ses crises d’anxiété sont légion et nécessitent des hospitalisations fréquentes. Au seuil du suicide mais avec l’aide d’un travailleur social, elle est sevrée de l’accoutumance à l’alcool en 1986. Elle fera acte de résilience sur son lourd passé et s’inscrit à l’école où elle décroche un baccalauréat en sciences sociales à l’âge de 65 ans à l’Université de la Colombie- Britannique.

Chaque bribe de l’histoire de Gertrude Pierre est une tranche de vie. Une réflexion profonde offerte par les aînés pour partager l’intimité de leur passé. Et le thé à la menthe en guise de digestif …!

Vendredi 31 janvier 2014 à 14h
La Boussole Surrey
205-10252 135ième rue, Surrey
au 2ième étage avec ascenseur
Devant l’arrêt du Skytrain Surrey Central