Rendez-vous du cinéma québécois et francophone : Triptyque, à la recherche des identités perdues

Triptyque de Robert Lepage et Pedro Pires.

Triptyque de Robert Lepage et Pedro Pires.

Le chiffre trois, le plus parfait de tous, est l’image sensible de la divinité », révélait Eusèbe, confident de l’Empereur Constantin.

Que ce soit les trois états de la matière, les trois couleurs primaires, les trois dimensions de notre réalité, ou encore le principe sacré de la Trinité, le nombre trois apparaît comme le chiffre symbolique par excellence. Triptyque de Robert Lepage et Pedro Pires fait appel sans ambages à cet équilibre créateur.

Co-présenté avec La Source, le film sera projeté en clôture des 20èmes Rendez-vous du cinéma québécois et francophone le 16 février prochain.

Valse à trois temps

Articulé en trois chapitres, Triptyque nous conduit dans l’intimité de trois personnages en prise à des drames intérieurs, des crises identitaires qui se font écho. Leurs histoires s’entremêlent entre Québec, Montréal et Londres. Trois lieux donc mais qui témoignent de l’unicité des doutes… et des espoirs.

Le premier chapitre s’ouvre dans un asile psychiatrique où une libraire schizophrène (Lise Castonguay), poète dans l’âme, n’arrive plus à s’exprimer. Habitée par son enfance, elle vit entourée de voix chuchotées dont le sens nous échappe autant qu’à elle.

Puis, arrive Thomas (Hans Piesbergen), neurochirurgien, qui, fatigué de se pencher sur le cerveau des autres, cherche à se comprendre lui-même. Alors qu’il se coupe de plus en plus du monde, cherchant refuge dans l’art sacré, il nous mène à Marie (Frédérike Bédard), chanteuse de jazz époustouflante qui, suite à une tumeur cérébrale, risque de perdre l’usage de la parole.

Ces trois parcours de vie rendent compte d’une perte de repères, de la difficulté de s’exprimer lorsque les mots n’ont plus de sens.

Robert Lepage et Pedro Pires. | Photo d’Archives, Le Soleil

Robert Lepage et Pedro Pires. | Photo d’Archives, Le Soleil

Une esthétique poignante

Les références culturelles fusent. Le parcours prolifique de Robert Lepage donne perpétuellement un nouveau souffle au film. Musicalement, les acteurs évoluent aux sons de Mahler, Bach, Mozart ou encore Duke Ellington.

Les raccords constants avec l’art sacré donnent de la profondeur à la photographie. Fasciné par la peinture de Michel-Ange sur le plafond de la Chapelle Sixtine, l’un des personnages voit dans la représentation de Dieu et des anges qui l’accompagnent une réplique du cerveau humain.

Ceci lui vaudra une réflexion majestueuse : « Ce qu’a voulu nous dire Michel-Ange, c’est que le créateur ultime est le cerveau humain et Dieu n’est rien de plus qu’une de ses créations. »

Le directeur de la photographie, Pedro Pires, qui co-dirige le film aux côtés de Robert Lepage, est « un génie de l’image », comme le soulignait Régis Painchaud, Directeur artistique du Festival Rendez-Vous. À moins de 40 ans, cet artiste cinéaste superpose les plans, joue sur les transparences et confère à l’image un effet clair-obscur fort émouvant.

Cette mise en scène reflète les identités brouillées, voire multiples, des personnages.

Robert Lepage, fabulateur de renom

Metteur en scène, scénographe, auteur dramatique, acteur et cinéaste québécois, Robert Lepage endosse les casquettes. « C’est un créateur incomparable, il fabule tout le temps et a en permanence un projet qui tourne autour du monde. Que ce soit dans l’Opéra, le théâtre ou le cinéma », témoigne Régis Painchaud. « Ce film est le plus culturel du festival », se targue-t-il.

Reconnu par la critique internationale, Robert Lepage crée des œuvres originales qui bouleversent les codes des réalisations scéniques traditionnelles.

L’auteur de La face cachée de la lune, film qui le rendra internationalement célèbre, avait pourtant décidé de ne plus faire de cinéma. Selon lui, le travail en studio, les négociations permanentes avec les syndicats nuisaient au processus de création.

Il faudra donc sept années pour mettre en scène Triptyque, sous la production de Lynda Beaulieu (Les Productions du 8e Art) en association avec l’Office national du film canadien.

De la difficulté du langage

La recherche d’identité est centrale au film. L’entrée en matière est faite dès le début avec cette mention du Manifeste du refus global, livre fondateur du Canada français moderne paru en 1948, qui sort alors le Québec d’une grande période de noirceur.

Ce manifeste artistique s’insur-
geait contre l’immobilisme de la société québécoise de l’époque et s’érigeait contre le dogme catholique. L’identité du Québec fut ainsi mise à l’honneur, ce « petit îlot isolé dans l’océan anglophone », comme se plaît à le rappeler Régis Painchaud.

De ce collectif d’artistes de 1948 en sort un, Claude Gauvreau, poète dramaturge engagé, qui s’oppose à la dictature des mots. Au travers de son langage créé de toute pièce, l’exploréen, les personnages du film insistent sur le fait que les mots emprisonnent la pensée.

Dans ce tourbillon, le spectateur est aussi pris en otage que le sont les personnages de leurs maladies et pertes de repères.

Mais comme le rappelle ce film, « là où il y a œuvre, il n’y a pas de folie. »

 

Les 20e Rendez-vous du cinéma québécois et francophone
Du 7 au 16 février

Projection de Triptyque, de Robert Lepage et Pedro Pires
(VO française avec sous-titres anglais)
Le 16 février 2014 à 20 heures
Au Goldcorp Centre for the Arts SFU Woodward’s, 149 W Hastings St, Vancouver Gastown

 

Agenda

CBC The Toque Sessions
Du 23 janvier au 28 février
Tous les jeudi et vendredi soir à partir de 19h30
Studio One CBC, 700 rue Hamilton, Vancouver

Une série de concerts gratuits se déroule au Studio One sur le principe du « premier arrivé, premier assis ». Du blues, en passant par le rock, la country, la musique classique ou encore électronique, tous les goûts musicaux seront satisfaits. Rendez-vous sur le site www.cbc.ca/bc/community pour l’agenda précis.

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The Odd Couple
Du 30 janvier au 23 février
Stanley Industrial Alliance Stage – 2750 rue Granville, Vancouver
www.artsclub.com
De 29 à 70$

Cette pièce de théâtre moderne contemple les difficultés de la cohabitation. Dialogues acérés et situations burlesques, la pièce a déjà gagné son premier Tony Award.

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Festival des arts pour enfants, 6ème édition annuelle
10 février, de 10h à 16h
7700 Minoru Gate, Richmond
www.childrensartsfestival.ca

Jour de la célébration de la famille en Colombie-Britannique, les enfants sont mis à l’honneur. Ce festival sera une ode à l’imagination et à la créativité des 0 à 12 ans.

Classes créatives 10$
Évènements spéciaux 7$