Une invitation au voyage au coeur de la culture innue

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Illustration par Eric Gaba

Quinze poèmes d’écoliers innus exprimant leur regard sur leur communauté… Quinze portraits de leurs auteurs, immortalisés avec émotion par le pinceau de Rogé… Mingan, mon village, fruit de la rencontre et des échanges entre cet artiste québécois, deux amies poètes et les jeunes innus de l’école Teueikan sur la réserve de Mingan (Ekuanitshit en langue innue), au nord-est de Québec, est une véritable oeuvre d’art qui nous plonge au coeur de cette culture méconnue, offrant au passage une place pour s’exprimer à des jeunes qui en ont rarement l’occasion.

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« Ecoute ton coeur/ Ça parle de nos grands-pères/ et de nos grands-mères » : c’est sur ce poème signé Sabrina, que s’ouvre l’album, annonçant ainsi la couleur : loin du tableau noir habituellement dressé des peuples autochtones, où dominent les problèmes et les difficultés, les voix des enfants innus de Mingan s’élèvent pour mettre en avant, à travers ce recueil, un regard tout autre sur leur culture et communauté. Les quinze poèmes, certains en prose, d’autres se rapprochant des haikus japonais, sont une véritable célébration de la nature et de la vie, des aînés et de valeurs comme le respect ou l’amitié. En quelques phrases qui restent longtemps en tête, ils capturent une impression, une émotion ou un paysage, invitant le lecteur à se poser un instant et à se laisser porter par la beauté du moment.

« Quand j’entends les bruits de la nature/ C’est comme une chanson pour moi/ C’est ta voix que j’entends », écrit Bradley.

Ces poèmes lumineux, riches en émotions et parfois empreints de magie, sont de véritables petites leçons de vie pleines de rêves et d’espoirs qui mettent du baume au coeur et enjoignent à regarder en soi. Une sorte de voyage intérieur, en somme, apaisant et ressourçant, mais pas seulement…

Car Mingan, mon village est avant tout une invitation à entrer dans la réalité des enfants innus de Mingan et à découvrir leur culture relativement méconnue, y compris leur langue. La version originale des poèmes en langue innue est en effet incluse à la fin de l’ouvrage, offrant une expérience culturelle riche mais surtout inédite. Il faut dire qu’on a peu l’habitude d’entendre les voix de ces nouvelles générations innues.

A travers cet album, Rogé leur offre donc une tribune pour s’exprimer, mettant en valeur leurs poèmes par de sublimes illustrations en grand format, tirées de photographies des écoliers qu’il a revisitées avec son pinceau. Ces portraits en gros plan, qui déploient leurs teintes sobres toutes en nuances entre les poèmes, peignant des visages tantôt souriants, tantôt songeurs voire tristes, rendent leurs auteurs presque vivants, comme s’ils étaient à nos côtés. On pourrait presque imaginer entendre leur voix lire leurs poèmes, et voir leur main les coucher sur le papier, dans cette police de caractère rappelant une écriture manuscrite. L’album en lui-même se démarque donc par son esthétisme, qui lui a d’ailleurs valu de nombreux prix, parmi lesquels le Prix du Gouverneur général 2013 dans la catégorie illustrations jeunesse. C’est un de ces beaux livres auxquels on réserve une place de choix dans sa bibliothèque et qu’on prend plaisir à ressortir de temps en temps, pour le plaisir des yeux et la beauté émouvante des textes. « Quand les corbeaux seront blancs/ J’arrêterai de t’aimer », conclut Kimberley.

Un vrai coup de coeur pour lecteurs de tous âges !