Franchir les barrières de la tradition pour devenir artiste

Pas toujours facile lorsque l’on est une femme, qui plus est issue de la minorité, de faire sa place sur la scène musicale de Vancouver. Daniyah et Margaret, toutes les deux DJ ont décidé de s’associer pour répondre au problème en lançant la FAME Night le 21 février prochain. Ouverte toute la nuit, elle permettra plus particulièrement aux femmes dans l’industrie de la musique et des arts de se rencontrer et de mettre en valeur leurs compétences et leurs talents. Margaret 25 ans, explique « Sur la scène électronique vancouvéroise, les femmes sont très peu représentées. Elles reçoivent beaucoup moins d’offres de spectacles que leur collègues masculins. » La proportion est d’environ 3 hommes pour une artiste féminine dans les concerts, et cette dernière sera toujours en introduction de spectacle.
« Nous voulons donner l’occasion à ces femmes de se produire, de montrer leurs talents et de choisir cette voie sans avoir à faire face à toutes les barrières qui existent aujourd’hui. » Ce choix de carrière est rendu encore plus difficile lorsque les musiciennes sont issues de l’immigration, leur choix de vie n’étant pas toujours compris par leur entourage.

Le poids de la tradition

Margaret fait partie de la deuxième générations d’immigrants, ses parents venant de Chine. Elle remarque le statut particulier accordé aux arts dans son quotidien : « Je ne me souviens pas d’avoir connu un membre de ma famille proche qui ait choisi la musique ou l’art comme carrière. Cétait plus un passe-temps auquel ils s’adonnaient quand ils étaient jeunes. » Comme la plupart des familles immigrantes au Canada, leur objectif était de créer des conditions de vie durables dans leur nouvel environnement. « L’art a donc toujours été très bien perçu, mais en tant que loisir et non comme un choix de carrière. »

  Au-delà du conservatisme DJ Angel (droite) et Margaret Yu (gauche). | Photo par Stephanie Lamy

Au-delà du conservatisme DJ Angel (droite) et Margaret Yu (gauche). | Photo par Stephanie Lamy

Le constat est le même pour Daniyah, arrivée d’Arabie Saoudite à l’hiver 1994 « Je ne me souviens pas de quand ma vie n’a pas été rythmée par la musique. Toute petite déjà, je jouais de la batterie sur des pots et des casseroles ou sur mon ventre. » Mais ses parents ont désapprouvé sa fascination pour les arts. « Je pense que c’est l’expérience vécue par nombre d’enfants d’immigrants. » Elle le reconnaît d’ailleurs, c’est un choix difficile que celui de s’exiler dans un pays lointain. Prendre la décision de subir un tel processus se fait souvent avec l’espoir d’une meilleure sécurité sociale et économique. « Jumelé aux valeurs conservatrices de certaines familles comme la mienne, c’est presque naturellement qu’une attente se dessine envers ses enfants pour qu’ils suivent les études les plus prestigieuses. Et qu’il étudient tout sauf ce « maudit diplôme en beaux-arts » sourit-elle. Ses frères et sœurs travaillent aujourd’hui dans les sciences, la médecine et la politique. Dans sa culture également, l’art n’est pas formellement interdit, « cela reste culturellement acceptable en tant que musulman, mais pas considéré comme quelque chose de viable à long terme. »

Sortir des moules pour être un exemple

 

Les enfants issus de la première génération d’immigrants ont tendance à se retrouver dans cette zone grise où les valeurs traditionnelles de la famille se mêlent à celles nouvellement acquises de l’Occident. Une situation dans laquelle les femmes immigrantes et de couleur doivent faire face à une plus grande adversité que les autres, comme le rappelle Daniyah « En tant que femme immigrante, de couleur et queer, je réunis à moi seule trois minorités, je vous assure que cela oblige à se battre tous les jours pour l’égalité sociale. »

Issue d’une culture ultra-conservatrice, elle n’est pas certaine d’être comprise par les gens plus âgés mais elle reste positive : « si ma communauté ne m’apporte pas son soutien spécifique, mon expérience montre qu’il est possible de se libérer de ses moules culturels. » Mais selon les deux jeunes femmes, en fin de compte, la passion est toujours plus forte que tout. Tout le monde a un pouvoir égal dans la création de sa propre réussite, peu importe qu’elle soit dans l’industrie de la musique ou ailleurs.
« Etre issue de parents immigrants a décuplé ma motivation à travailler plus dur pour réaliser mon rêve. C’est pour moi un honneur d’être une femme issue de l’héritage chinois car traditionnellement, les femmes de cette lignée devaient servir les hommes et leur famille. Mais ce que je fais aujourd’hui responsabilise les autres et les inspire à sortir de leur zone de confort, » espère l’artiste.

 

FAME Night
21 février au Anza Club à 21h30
www.femalemusicexhibition.com