Des chiffres et des êtres

Les Jeux on coûtés plus de 50 milliards de dollars. | Photo par Atos International CC BY 2.0

Les Jeux on coûtés plus de 50 milliards de dollars. | Photo par Atos International CC BY 2.0

Bye, bye Sotchi. À vous, Pyeongchang. La flamme olympique change de main. Février s’est envolé. Le petit mois qui, Olympiques à l’appui, a fait beaucoup parler de lui.

Récapitulons ou, plutôt, faisons les comptes : Russie, 33 médailles dont 13 d’or. Les Russes terminent en tête. Il n’y a toutefois pas de quoi se l’enfler. Le Canada ne s’en est pas trop mal tiré : 10 médailles d’or, 25 au total pour 200 athlètes. Le Comité olympique canadien remet 20 000 $ aux médaillés d’or, 15 000 $ aux argentés et 10 000$ aux bronzés. Les entraîneurs ne sont pas en reste. 200 000 $ leur ont été attribués en fonction des médailles gagnées. Cela représente des sommes assez rondelettes, sans compter le budget d’environ 62 millions de dollars alloué au programme « À nous le podium » pour les sports d’été, d’hiver et paralympiques combinés. Les Russes non plus n’ont pas lésiné sur la dépense. Coûts de ces Jeux ? Plus de 50 milliards de dollars. Poutine est ravi. Ses Jeux ont parachevé son emprise sur le pouvoir et gonflé son égo. Son sourire en coin, pendant la cérémonie de clôture, en disait long sur son autosatisfaction.

De l’avis général, les Jeux furent un succès. Pas d’attentat, ni de sérieux problème de sécurité. Les épreuves, dans l’ensemble, se sont déroulées sans trop d’anicroche. À part peut-être le manque de neige, comme ce fut le cas, ne l’oublions pas, pour Vancouver 2010, on peut parler de réussite au niveau sportif. Mais est-ce tout ce qui compte ? Je ne pense pas. Il y avait une ou deux ombres à ce tableau idyllique. Pendant qu’on distribuait médailles à tour de bras et ronds de jambes à Sotchi, non loin de là, à Kiev, on comptait les corps que la mort avait fauchés. Plus d’une centaine. Un Hiver ukrainien sanglant. Difficile, donc, de véritablement se réjouir.

À la lumière des répercussions du Printemps arabe, un vent d’inquiétude nous frôle. On voudrait croire que c’est un mal pour un bien, mais il est fort possible que tout cela tourne au vinaigre. Quand on sait que des mouvements fascistes et nationalistes ont fortement participé et contribué à cette révolte, elle perd, à mes yeux, un peu de ma sympathie et énormément de crédibilité.

Autre aspect troublant de ces Jeux : le silence des athlètes et des médias face à l’homophobie poutinienne. À défaut de boycotter les jeux, je me serais attendu à voir des manifestations (subtiles ou pas) de subversion ou de soutien de la part des médaillés. Les sprinters américains Tommie Smith et John Carlos avaient pourtant montré le chemin aux Jeux de Mexico en 1968. La tête baissée, ils levèrent un poing ganté noir lorsqu’ils reçurent leur médaille. Les athlètes désiraient ainsi dénoncer la ségrégation raciale qui prévalait alors aux Etats-Unis. Certes, ils ont été bannis à vie des Jeux, mais leur geste aura servi à pointer du doigt les injustices dont étaient victimes les Noirs dans leur pays. Ils avaient des convictions et du courage. C’est ce qui a manqué à Sotchi, où les athlètes et les journalistes étaient inscrits aux abonnés absents entre les épreuves.

Quelques gestes discrets de soutien pour la cause LGBT ont pu être perçus au cours de la cérémonie d’ouverture. On a remarqué le port de gants arc-en-ciel par exemple par la délégation grecque ainsi que par une snowboardeuse hollandaise. Mais autrement, rien. Personne n’a osé contrevenir au mot d’ordre du Comité olympique qui continue de prétendre que la politique n’a pas sa place aux Jeux. Nous prennent-ils pour des enfants de chœur, ces nonces du pouvoir sportif ? À qui veulent-ils faire croire que Poutine et ses acolytes ont voulu tenir ces Jeux, chez eux, pour les beaux yeux des dieux de l’Olympe ? L’homophobie, non sanctionnée, du président Russe semble à la mode, puisque d’autres suivent sa trace. Par exemple, en Ouganda et, plus près de chez nous, en Arizona, où elle est devenue la marque de commerce des chrétiens conservateurs qui en font la promotion. Écœuré, j’ai donc fermé la porte, en la claquant, au nez du mois de février.

Nous avons, depuis, atterri sur Mars sans encombre. Espérons que ça va durer.