Exposition « Entanglement » : obliger le regard

 

Entanglement|Michael J.P. Hall

Entanglement | Michael J.P. Hall

Entanglement de l’artiste Michael J.P. Hall qui se tient à la Galerie Reach à Abbotsford jusqu’à la fin mars est une forte curiosité en soi. L’exposition de photographies pose des questions essentielles et urgentes: pourquoi ce sens collectif de déconnection avec tous ces déchets industriels autour de nous ? Quelle est notre part de responsabilité collective et nos rapports avec ce fait?

Photographe décrit comme « commercial » à cause de son travail dans le domaine de la publicité et son implication à de multiples associations avec les grandes maisons de pub, d’organisations civiques ou politiques tels que Vision Vancouver et le NDP et même de portraits commandités, sa vision artistique a de quoi surprendre.

Diplômé de SFU, il est aussi écrivain, ayant été sélectionné comme finaliste à CBC pour un prix littéraire et diverses collaborations avec le journal Eatart.com. Ajoutons à ce dossier celui de producteur et de chef-opérateur dans le cinéma digital et du design.

Voir et savoir

Toutes ces qualités se retrouvent dans son exposition « Entanglement, une vision de notre monde dans le plastique ». Sous ce titre Michael Hall force un second regard sur notre monde de consommation effrénée…et particulièrement notre relation avec les déchets plastiques.

L’artiste a un but : à travers une série de « portraits environnementaux », nous faire repenser notre relation avec le plastique dans tous ses dérivés, du téléphone cellulaire…jusqu’au tapis de yoga. Selon les statistiques, 6000 bouteilles de plastique son jetées en Amérique du Nord à toutes les 4 secondes ! Cette préoccupation envers les rejets industriels est à la base de l’expression de plusieurs artistes contemporains. Du côte de la mode l’artiste japonais Takeshi Hamanaka avec ses Spider Walks, qui sont en fait des sculptures portables en forme d’araignées géantes crées à partir de bouteilles en plastique.

Entanglement se définit comme un état de confusion désordonné et incohérent. Scientifiquement ce mot décrit des particules d’énergie et de matière qui deviennent inextricablement liées, un embourbement d’où il est impossible de s’échapper. Serait-ce une métaphore du monde contemporain.?

Un exorcisme des conflits et des contradictions

Cette situation difficile est au coeur de l’oeuvre de cet artiste. L’exposition nous présente une culture et un monde inventé dans lequel les personnages habitent et survivent dans un environnement de déchets plastiques. A travers ses portraits grandeur nature, l’artiste vise à la fois une critique et un discours sur cet état de choses, tout en proposant la possibilité d’une « réponse » culturelle sur ce phénomène global de dépendance. Prenant pour symbole la bouteille de plastique cette étude révèle aussi une relation à double tranchant, une sorte de « love-hate » ambigüe avec une matière incluant ses mérites et ses failles.

C’est là un projet qui tient Michael Hall à coeur, ayant lui-même financé et commandité la production de cette exposition qui a réuni les talents d’une petite équipe, dont Nita Bowerman, une artiste multi-disciplinaire qui a conçu et crée les « costumes » des figurants, que certains diront de « couture trash ». Ces vêtements fascinent et inquiétent, tout comme pour l’artiste qui avoue son attirance pour ces déchets glanés un peu partout et retravaillés en lanières légères qui capturent la lumière et flottent dans le vent… Une fascination mélangée à un léger dégoût de ces rejets de la vie quotidienne, un peu comme le travail du photographe Edward Burtynsky dont la rétrospectve s’ouvre bientôt au Musée des Beaux-Arts de Vancouver, que l’artiste évoque comme une lointaine source d’inspiration. Tout comme lui son discours se veut « soft » ce qui pour lui est le meilleur moyen de dialoguer avec le public…et de déclencher une réponse « émotionnelle ».

Une galerie post-apocalyptique

Le style : son approche ethnographique à travers des portraits rappellent les oeuvres d’Edward Curtis et de Weston sur les sujets autochtones, mais situés dans un monde post-apocalyptique. Ces néo-pri-
mitifs de demain photographiés dans des décors naturels ou reconstruits, affichent un regard nostalgique sur notre millénaire, car ce « futur » en lambeaux est bel et bien celui que nous créons collectivement aujourd’hui. Ces hommes, femmes, enfants et couples enlacés balancent entre le mythe et le fantastique pour exprimer et atteindre une dimension sociale, écologique et politique.La simplicité de leur attitude et des postures génèrent un sentiment d’empathie. Photograhiés dans leur portion d’espace comme dans un moment de hasard, ils s’ouvrent au regard, ils posent, ils attendent et contemplent, comme des déplacés de lieux et de temps.

La technique de Michael Hall semble être une recherche de la luminosité extérieure « avec une lentille grand angle » qui accentue la clarté de l’image, donc sa force. Un éclairage qui au bout du compte « dé-réalise » le réel. Ces images sont des vues sur des paysages où la présence humaine est hasardeuse, comme si ces personnages étaient captifs d’un univers en chaos. L’exposition Entanglement: c’est un peu comme rêver au chaos du monde.