Uruguay ou l’Amérique du Sud apaisée

L’Uruguay a reçu un peu plus de 3 millions de touristes étrangers en 2013. Belle réussite pour un pays de 3,3 millions d’habitants ! Plus des deux tiers des visiteurs viennent des deux grands pays voisins, l’Argentine et le Brésil. Il faut dire qu’en Amérique du Nord ou en Europe, peu de gens pensent à l’Uruguay, à moins qu’ils soient amateurs de soccer.

À partir de Vancouver, il n’y a pas de vols permettant de se rendre facilement à Montevideo. Il m’a fallu passer par Toronto, Santiago du Chile et Buenos Aires. En fait, pourquoi vouloir aller en Uruguay ? La culture et l’architecture européenne de Montevideo sont agréables mais on trouve la même chose pour moins cher à Buenos Aires. La vieille ville coloniale de La Colonia est tout à fait charmante mais on trouve mieux ailleurs en Amérique latine, notamment au Mexique. La campagne verdoyante de ce pays agricole relativement peu peuplé est formée de plaines et de petites collines mais vous n’y trouverez pas de paysages spectaculaires. Les plages sont nombreuses et souvent désertes mais l’eau de l’Atlantique est froide à cause des courants venant de l’Antarctique qui font la joie des manchots et des phoques mais pas celle des baigneurs. C’est un petit pays calme, propre, moderne, stable et surtout, sécuritaire et c’est cela qui attire les visiteurs des pays voisins.

Une rue de La Colonia en Uruguay. |Photo par Pascal Guillon

Une rue de La Colonia en Uruguay. |Photo par Pascal Guillon

L’Uruguay, peuplé presque exclusivement de descendants d’immigrants européens, a longtemps été appelé la Suisse de l’Amérique du Sud. C’était un havre de stabilité et de prospérité dans un continent souvent secoué par les révolutions, les coups d’état et les crises économiques. Entre 1903 et 1920, le pays était doté d’un gouvernement progressiste qui a formé un état social, accordé le droit de vote aux femmes bien avant la plupart des autres pays occidentaux, légalisé le divorce et séparé l’Église de l’État, ce qui n’était pas chose commune en Amérique latine. Dans la deuxième moitié du vingtième siècle, l’Uruguay a connu une période de dictature militaire (appuyée par les États-Unis) mais avec le retour de la démocratie, le pays a renoué avec sa tradition progressiste en légalisant le mariage gai et le cannabis. Côté prospérité… Ça a été un peu plus compliqué. Suite à la crise économique de 2002, bon nombre de citoyens ont émigré à tel point que la population a baissé de quelque 200 mille personnes. Les réformes néo-libérales qui ont suivi ont creusé les inégalités sociales et depuis, la criminalité a augmenté.

Il s’agit surtout de vols mais rarement accompagnés de violence. Les Uruguayens s’en plaignent mais tout est relatif et, comparé aux autres pays d’Amérique latine, l’Uruguay est dans une situation plutôt enviable.

Le magazine britannique The Economist a déclaré que l’Uruguay était le « pays de l’année 2013. » D’autres indices internationaux sur le développement humain, la qualité de vie et la sécurité placent souvent l’Uruguay dans le peloton de tête. C’est cela qui explique le succès de l’industrie touristique d’un pays qui n’a ni musées extraordinaires ni grands canyons, ni plages tropicales ou autres grands piliers du tourisme international. Les Argentins s’y rendent pour y planquer leurs pognons au cas où une autre crise monétaire leur tomberait sur le nez et les Brésiliens s’y rendent pour goûter les joies des promenades en famille sans risquer d’être attaqués, dépouillés ou enlevés comme cela arrive trop souvent dans leur pays. C’est pour cela que Punta Del Este (seul grand lieu de villégiature de l’Uruguay) est devenu le terrain de jeux favori de la bourgeoisie brésilienne et argentine. L’Uruguay pourrait adopter, comme slogan touristique : « Venez chez nous, il ne vous arrivera rien. »

Pour un Canadien, un voyage en Uruguay est peut-être moins attirant car après tout, c’est très loin et moins bon marché que l’Argentine. Mais si vous êtes à Buenos Aires, ça vaut le coup de prendre le traversier rapide qui rejoint la vieille ville coloniale de La Colonia en Uruguay. Après l’effervescence de Buenos Aires cette petite ville ancienne qui rappelle l’Espagne ou le Portugal est reposante et agréable, un peu à l’image de ce pays un peu oublié dans l’ombre de ses deux grands voisins. Du point de vue culturel, vous ne verrez pas de différence avec l’Argentine. Quand j’ai dit ça à un Uruguayen, j’ai craint qu’il ne s’en offusque, un peu comme un Canadien à qui l’on dirait qu’il ne semble pas y avoir grande différence entre l’État de Washington et la Colombie-Britannique. Mais pas du tout. Il a répliqué qu’il est convenu de dire que l’Argentine était un pays frère. Mais il a ajouté, avec un sourire, que l’Uruguay était en fait une petite Argentine qui fonctionne mieux que la grande.