Peu importe où je suis, le ciel sera toujours le même

Portée par une tempête, une jeune exilée se retrouve sur un banc, avec pour seul bagage, une petite valise pleine de souvenirs de sa vie passée. Autour d’elle, les personnages déambulent sans lui prêter la moindre attention. Des notes de piano résonnent. Devant elle, le ciel, son seul repère.

Le décor est posé

Programmé par Kim Selody, directeur artistique du Presentation House Theatre, Devant moi, le ciel sera joué du 16 au 18 avril au Centennial Theatre qui offre l’espace nécessaire à ce spectacle acrobatique.

La pièce embarque le spectateur dans un voyage avec, comme escale, des réflexions sur l’indifférence, l’isolement et l’intégration.

« Le réflexe face à l’étranger est la fermeture », explique Yves Simard, auteur de la pièce et codirecteur artistique de la compagnie DynamO qui la produit.
« nous sommes toujours un peu réfractaires au changement, à la différence. Dans une société où tout doit aller vite, où l’image change toute les deux secondes, proposer un spectacle sur l’ouverture à l’autre, prendre le temps de découvrir la différence chez l’autre et le temps de regarder le ciel et ses variations, devient en quelque sorte un acte politique. »

Dynamiser les mots par le langage non-verbal

Une des forces de ce spectacle se résume en deux mots : aucune parole. Tout simplement.

Début des années 80, cette compagnie profite d’un nouveau dynamisme au sein de la scène artistique montréalaise : mettre en scène un jeu d’acteur basé sur le langage du corps dans l’espace en combinant les techniques du cirque, du mime et de l’acrobatie. Les bases d’une nouvelle démarche artistique sont posées : le théâtre de mouvement acrobatique et de jeu clownesque.

Kim Selody explique que « ce langage est universel et a le droit d’être interprété, ce n’est donc généralement pas offensant. Les barrières de la langue et de la culture sont levées. Le geste précède toujours les mots, d’où sa force ». Une communion entre étrangers, sur un même pied d’égalité.

Preuve que ce théâtre ne possède aucune frontière, la pièce Mur-mur créée en 1987 autour du thème de l’amitié tiraillée entre l’enfance et l’âge adulte remporte un immense succès.
Mille cinq cents représentations à travers le monde, prix de la meilleure production au festival Tetralia en Espagne et une nomination aux prix Dora Mavor Moore au Canada.

DynamO Théâtre aborde également des sujets plus difficiles comme l’exclusion, Moi moi moi (2003), le courage, Il était trois fois (2006), les secrets difficiles à porter, L’envol de l’ange”(2008).

Avec Devant moi, le ciel, elle s’attaque au thème de l’exil, des fantômes qui nous hantent, de la résilience mais aussi de la vie qui continue. Une réflexion profonde et poétique animée par un jeu spectaculaire de lumière, d’acrobatie et de musique.

En prenant le parti d’un vocabulaire physique plutôt que parlé, le seul son du spectacle reste la musique qui occupe une place essentielle dans le langage de la pièce.

 

Le spectateur est plongé  au plus près des émotions.⎜Photo par Robert Etcheverry

Le spectateur est plongé
au plus près des émotions.⎜Photo par Robert Etcheverry

Le choix du piano comme instrument n’est pas un hasard. Doux, percutant ou puissant, « il aide à comprendre et à plonger dans l’émotion. ll fait appel au sens, il remplace les mots ». La musique, tantôt calme, tantôt menaçante, inspirée des Variations Goldberg de Bach, s’accorde aux variations, cette fois, climatiques, du ciel projeté sur l’écran. Musique et ciel, éléments essentiels de la pièce soutenus par la précision du jeu des acteurs et qui plongent le spectateur au plus près des émotions vécues par la jeune fille.

Pour Yves Simard, si la trame de l’histoire est simple, « une femme qui quitte son pays à cause de la guerre, sa structure est plus complexe avec des passages du présent au passé, avec un niveau d’abstraction, un seul lieu qui permet d’en créer d’autres. Nous sommes au théâtre, le spectateur se retrouve comme face à un tableau. Il en tirera une interprétation, des sensations.»

Plongée dans un environnement hostile, la jeune exilée se réfugie dans ses souvenirs :
flashback, images puissantes, rencontres plus violentes, certaines scènes bousculent. Si cette pièce est d’abord destinée à un jeune public, l’auteur va plus loin : « les adultes qui assistent à nos spectacles sont souvent plus touchés que les jeunes parce qu’ils retrouvent une sensation qu’ils croyaient perdue : la li-berté d’interprétation que permet l’imaginaire. Nous laissons le soin aux spectateurs de comprendre l’histoire et ses enjeux. Le langage du corps permet cette ouverture vers l’imaginaire. »

Dépassant l’enjeu de la place de l’immigrant, le spectacle renvoie le public à sa propre expérience avec l’étranger, quel qu’il soit. Le nouvel élève dans une école, le nouvel arrivant, l’expatrié, l’exilé. Et il permet de s’interroger sur sa façon d’accueillir l’autre, de s’intégrer, avec son expérience et les responsabilités que cela implique.

A Vancouver dont la diversité culturelle n’est plus à démontrer, ce message résonnera sans aucun doute.

De retour sur les planches de l’Ouest canadien après 5 ans d’absence, la compagnie DynamO vous donne l’occasion d’admirer les prouesses de sa troupe et de vivre avec eux le rythme et l’émotion de cette histoire universelle. Ne la ratez pas.

Après une heure sans entendre une seule parole, vous saisirez l’occasion de libérer vos
« maux » avec les artistes et l’auteur, de partager vos émotions et de faire un pas vers… l’autre.

On The Sky (Devant moi le ciel)
Du 16 au 18 avril
www.centennialtheatre.com
www.phtheatre.org