Se faire prendre à son propre piège

J’avais presque vu juste dans ma dernière chronique en prédisant un changement de gouvernement au Québec. C’est l’ampleur de la majorité que je n’avais pas vue venir. Il est vrai que la politique a comme certitude qu’il n’y a rien de certain. Parlez-en à Pauline Marois. Alors qu’elle pensait que tous les ingrédients pour mener ses troupes à une majorité étaient enfin réunis, sa soirée électorale s’est terminée par une cuisante défaite et la fin de sa carrière politique.

Pauline Marois, ancienne Première ministre du Québec. | Photo par Benoît Levac

Pauline Marois, ancienne Première ministre du Québec. | Photo par Benoît Levac

Pour elle et son parti, c’est le pire des pires scénarios qui s’est produit. En fait, je serais étonné qu’un tel scénario ait même été envisagé, et ce, jusque dans les heures qui ont précédé la fin du scrutin. Le résultat de cette élection est un exemple probant d’un extraordinaire manque de jugement politique. En fait, le Parti québécois s’est fait prendre à son propre piège. Les deux grands dossiers qui ont dominé cette campagne se sont avérés désastreux pour lui. Ironie du sort, c’est avec ceux-ci que le parti pensait bien attiser la ferveur de l’électorat et faire pencher la balance vers un gouvernement majoritaire.

Les stratèges péquistes ainsi que leur chef n’ont pas vu, ou ont refusé de voir, la menace qui planait sur eux à l’aube du match électoral. De toute évidence, les libéraux ont magistralement réussi à exploiter ces deux dossiers en leur faveur, soit ceux du référendum sur la souveraineté et de la Charte des valeurs. Un succès qui, d’entrée de jeu, n’était pas du tout évident.

On sait que le Parti québécois a déployé de grands efforts pour que l’attention ne porte pas sur l’éventuelle tenue d’un référendum. Toutefois, sa défense a été bien faible. Ne pouvant carrément dire non à un référendum de peur de s’attirer les foudres de ses plus fervents partisans, la première ministre Marois n’a pu faire mieux que de répéter sans cesse qu’il n’y aurait un référendum que lorsque la population serait prête, sans vraiment dire comment on le saurait. Cette approche n’a eu pour effet que de faire croître le scepticisme de la population.

Toutefois, on connaît la suite des choses en commençant par l’énorme erreur stratégique qui a été commise lors de la présentation de son candidat vedette, Pierre-Karl Péladeau. Nonobstant le fait que son arrivée en scène devait permettre de mettre l’accent sur l’économie, avec faut-il l’admettre un candidat qui avait des lettres de noblesse en la matière, sa courte déclaration sur l’avenir du Québec est tombée comme un cadeau du ciel pour le Parti libéral.

Mais les péquistes pensaient bien avoir une carte maîtresse dans leur poche arrière pour justement détourner l’attention de cette idée d’un référendum. C’est pourquoi dès les premiers signes que le navire péquiste commençait à prendre de l’eau, ils ont mis tous leurs efforts sur la Charte des valeurs.

Le plan de match péquiste ne s’est toutefois pas déroulé comme prévu. Même sur cette question, le calcul politique a une fois de plus fait défaut, et, plutôt que de l’aider, il semble qu’au fil d’arrivée elle lui ait non seulement coûté la victoire, mais a probablement grandement contribué à la solide majorité libérale. C’est que les jeunes électeurs, habituellement plutôt acquis aux péquistes, n’étaient pas, selon les sondeurs, très friands de la Charte. Voilà ce qui a causé la perte du PQ si l’on en croit plusieurs analyses. Ces jeunes électeurs ont déserté le PQ lors du récent scrutin.

Au bout du compte, la leçon pour les péquistes, c’est qu’à l’exemple de plusieurs autres élections au Canada, l’économie continue d’être la question qui domine chez les électeurs comme facteur d’influence primaire. Comment expliquer autrement qu’une formation politique qui a perdu le pouvoir dix-neuf mois auparavant en raison d’une insatisfaction profonde au sein de la population se retrouve avec une majorité très confortable ?