Le français dans l’urgence

Illustration par Afshin Sabouki

Illustration par Afshin Sabouki

Que se passerait-il demain si un tremblement de terre ou un tsunami devait toucher la Colombie-Britannique ? Les informations seraient-elles véhiculées en français comme en anglais ? C’est ce que La Source a tenté de vérifier à différents niveaux.

Si le bilinguisme est une obligation au palier fédéral, chaque province et chaque ville peut proposer ce service ou non à ses concitoyens. Historiquement, au XIXe siècle, le Grand Ouest canadien était majoritairement francophone, sous l’impulsion des coureurs des bois et des négociants de fourrure. En 1938, près de 60% des habitants parlaient encore français. Mais la ruée vers l’or va tout changer. Les nouvelles vagues d’immigrants sont anglophones et c’est la langue de Shakespeare qui, naturellement, s’impose sur celle de Molière au fil des années. Aujourd’hui, la communauté francophone et francophile ne dépasse pas la barre des 300 000 individus en Colombie-Britannique, ce qui ne représente pas même 10% de la population.

Alors comment circulera l’information dans l’urgence au sein de la province ? Prenons tout d’abord un exemple concret, celui du dernier tremblement de terre qui a touché la commune de Port Hardy, sur l’Ile de Vancouver, le 23 avril dernier. Les 4 500 habitants de cette ville côtière ont ressenti un séisme de magnitude 6,7 qui n’a fait que très peu de dégâts matériels. Contactés, la mairie et les pompiers avouent ne pas avoir transmis d’informations en français ce jour-là. Pour eux, l’urgence était ailleurs, car, comme l’atteste l’adjoint du chef des soldats du feu, Brent Borg, « on ne s’y attendait pas ! ». Plus au sud, dans la capitale de la province, on a aussi senti la terre trembler. Le directeur général de la Société francophone de Victoria s’en souvient. Pour Christian Francey, qui porte bien son nom, « l’information n’a été transmise qu’en anglais. C’est pourtant important, car même si on vit majoritairement dans cette langue, il y a des personnes unilingues qui ne la parlent pas du tout et qui se plaignent d’avoir des problèmes au quotidien pour communiquer ». Pour lui, cette situation est regrettable et « sans apporter tous les détails, il faudrait au moins offrir à cette population des points de repère comme dans les autobus où les messages d’urgence sont inscrits dans les deux langues. Ça devrait donc être pareil pour les tsunamis et les séismes, ce qui n’est pas le cas ! », conclut-il. Pourtant, sur l’île comme ailleurs dans la province, nombreux sont ceux qui craignent de tels événements, se tiennent en alerte et se préparent. Régulièrement, des écoles effectuent des exercices pour se préparer à l’éventualité d’un très fort tremblement de terre. Alors justement, qu’en est-il des enfants ?

Pour le président du Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique, Roger Hébert, toute information du gouvernement provincial arrive en anglais et il faut donc s’adapter. « Si ce n’est pas un problème, c’est un défi ! Il faut traduire l’essentiel et au final ce n’est pas ce qui compte, ce qui compte c’est la réponse ! » Selon lui, les pouvoirs publics engagent toutes les écoles à avoir le matériel nécessaire en cas de désastre. Mais tout n’est pas si simple selon la directrice générale de la Fédération des parents francophones, pour qui cela est avant tout « le fruit d’un travail d’équipe au niveau local entre la direction, le personnel et les parents qui sont souvent les instigateurs de ce genre d’initiatives ». Marie-Andrée Asselin nous révèle que certains membres de sa fédération ont réfléchi à cette question et travaillé de leur côté sur l’élaboration d’une réponse d’urgence pour permettre aux enfants de survivre dans leurs écoles en cas de désastre. Le financement de telles opérations ne serait pas prévu dans tous les budgets. La plupart du temps, ce sont donc les parents qui font des collectes de fonds pour acheter des couvertures, des abris, du matériel de premiers soins et des réserves de nourriture et d’eau pour tenir de 48 à 72 heures, le tout étant parfois rassemblé dans des conteneurs installés à l’extérieur des bâtiments scolaires.

Du côté de la province, on cherche aussi à se préparer au pire. Le ministère de la Justice, qui est en charge du dossier de la prévention et des catastrophes naturelles, vient d’organiser au début du mois de mai la première semaine de la protection civile. Le but, alerter la population sur les bonnes attitudes à adopter avant et pendant de tels événements. Dans sa communication officielle, la ministre et procureur général Suzanne Anton précise qu’il s’agit là d’ « un partenariat entre les citoyens et le gouvernement. On doit tous être prêts pour s’entraider en cas de catastrophe ». Pour se préparer, il faut avant tout connaître les risques, définir un plan d’action pour le jour J et préparer une trousse d’urgence… et beaucoup d’eau.

Contactée, la mairie de Vancouver rassure de son côté ses citoyens francophones en rappe-
lant que « les informations cruciales seront traduites en plusieurs langues en fonction des besoins ».
Elle précise aussi que ses ser-
vices de renseignements sont accessibles en français par téléphone au 3-1-1 tout comme sur le célèbre 9-1-1. Prévoyez toutefois un certain temps d’attente…

Kit d’urgence présenté lors de la semaine de la protection civile. | Photo par BC Gov. Photos

Kit d’urgence présenté lors de la semaine de la protection civile. | Photo par BC Gov. Photos

Mais la communauté francophone peut aussi compter sur les informations de Radio-Canada, qui peut servir de relais aux pouvoirs publics si la situation l’exige. Le chef des services en français pour la Colombie-Britannique et le Yukon, Mario Deschamps, prend pour exemple les dernières grandes inondations de Calgary en Alberta. « C’est la situation la plus récente qui démontre que nous avons un réseau efficace en cas d’urgence. Comme tous les autres médias, nous recevons des informations du gouvernement de la province et nous avons le devoir de les faire circuler dans ce genre de circonstances. Là, on ne pouvait pas s’y attendre, mais certaines choses existaient déjà en prévision, comme c’est le cas ici. Il faut que nous puissions nous adapter, quoi qu’il arrive, pour réagir et être là pour informer la population que ce soit en temps de crise comme au quotidien ».

Alors si en temps de crise il n’y a plus d’électricité pour regarder la télé ou plus de réseau internet pour vous connecter, pensez à garder toujours à portée de la main quelques piles pour écouter votre bonne vieille radio qui prend la poussière dans le grenier. Ou, encore mieux, procurez-vous à peu de frais un appareil radio à manivelle et énergie solaire qui fonctionne toujours sans faute.

Pour en savoir plus:
www.getprepared.gc.ca/
embc.gov.bc.ca/em/index.htm
www.redcross.ca/what-we-do/migrant-and-refugee-services/smartstart-disaster-preparedness-vancouver