Vers une société plus inclusive

L’histoire du Canada ne s’est pas construite en un jour ! Elle se compose d’épisodes, parfois lourds, qui sont gravés dans la mémoire collective et qui influencent le présent… Faut-il adopter la politique de l’autruche et faire abstraction du passé douloureux ou faut-il travailler aux récits de la réconciliation, afin de dégager une voie plus claire et inclusive pour le futur ? Qui sont celles et ceux qui, au cours de l’histoire, ont contribué à faire du Canada une société meilleure ? Autant de questions qui seront débattues le 14 mai lors de la conférence Living (and Dying) for Canada’s Ideals au Musée militaire chinois de Vancouver, dans le cadre des activités du mois de mai, dédié à l’héritage et au patrimoine asiatiques.

L’ambition de la conférence est de lever le voile sur une série d’événements qui marquent une époque sombre de l’histoire canadienne. On y reviendra notamment sur la lutte des anciens combattants chinois, dont la majorité sont aujourd’hui au crépuscule de leur vie, ainsi que sur la détonation provoquée par le scandale du Komagata Maru.

 Naginder Singh s’exprime dans une réunion en 1946 sur le droit de vote des Néo-Canadiens. | Photo de Naveen Girn


Naginder Singh s’exprime dans une réunion en 1946 sur le droit de vote
des Néo-Canadiens. | Photo de Naveen Girn

L’apport des aînés chinois à la définition du Canada est indéniable. Ils ont essuyé les revers de la discrimination raciale et ont forgé, à force de détermination, le destin des générations futures. Le Dr Henry Yu, l’un des intervenants de la conférence, qui représentera l’Université de la Colombie-Britannique, se livre à ce propos : « Il ne faut pas se laisser leurrer par le constat du présent. Le passé a laissé des empreintes indélébiles. L’image glorieuse d’une colonie britannique qui prônait une société égalitaire est utopique. Le but de la conférence est non seulement d’admettre les erreurs du passé mais également de se focaliser sur les bâtisseurs de ce pays, qui ont eu le courage de changer le cours du destin. » La réconciliation ne saurait être possible que par une rédemption.

Du passé…

La discrimination subie par les Chinois en Colombie-Britannique durant la Seconde Guerre mondiale fait partie de ces épisodes qui ternissent l’image d’un Canada prônant un régime égalitaire. De courageux Chinois, privés du droit de s’enrôler dans les forces armées, se sont alors servi de ruses, en se déplaçant en Ontario ou en Alberta, pour être en mesure de servir leur pays d’adoption. Ils étaient prêts à mourir pour le Canada. C’est ainsi, en forçant leur intégration dans la société canadienne, qu’ils ont ensuite légitimement revendiqué le droit de vote. La conférence Living (and Dying) for Canada’s Ideals braquera le projecteur sur ces injustices de l’histoire, qui ont servi de bases aux chartes des droits. Elle reviendra sur les tragédies du passé pour mieux ouvrir le dialogue.

…au passé composé

La conférence sera ponctuée par le film documentaire Exploration Oblivion, qui rappelle les moments forts de la Seconde Guerre mondiale et le combat contre les Japonais. Le film sert à la fois comme un hommage et une réécriture de l’histoire. Les témoignages sont poignants, notamment ceux de Douglas John, qui connut la célébrité après la guerre et qui fut le premier parlementaire chinois élu, en 1957. Deux des personnes montrées dans le film ont laissé leur vie dans le conflit, tuées dans la Royal Air Force. Ces images leur rendent hommage. Le Dr Henry Yu poursuit : « L’hommage qu’on peut leur rendre, c’est de s’assurer que leurs histoires ne s’ensevelissent pas dans les oubliettes. Les films sont des points d’ancrage percutants. Il est important de réécrire l’histoire. C’est le moment crucial pour le gouvernement de faire des excuses formelles, soutenues par des gestes de rédemption pour la longue discrimination envers la communauté chinoise. Il s’agit de compléter cette page d’histoire afin qu’elle soit révélatrice de la vraie identité du Canada. »

Le consensus général voudrait que des changements valables et concrets, tels des projets d’éducation et des rétablissements légaux, soient apportés afin que la perception de l’histoire soit changée. Le Dr Henry Hu poursuit : « Les Chinois ont contribué largement à l’économie du Canada. Souvent, ces contributions ont eu lieu en silence, tout spécialement en Colombie-Britannique, où ils sont arrivés en même temps que les Anglais. C’est un sujet qui demande à être ventilé et intégré dans l’éducation publique. » Le changement est important afin d’assurer un futur plus inclusif pour nos enfants…

L’historien Naveen Girn, qui interviendra pour évoquer le cas du Komagata Maru et de ses répercussions, avance que de telles initiatives reflètent l’élan et la mouvance pour réécrire l’histoire du pays. Elles représentent les efforts des diverses communautés pour construire un futur à l’image des Canadiens pris dans leur ensemble et leur diversité. Il conclut : « La route se fait en posant un pavé après l’autre. »