Une visite originale de Pékin, entre passé et présent, poésie et découverte

« Une image vaut mieux que mille mots » dit le proverbe. Une journée à Pékin de Sun Hsin-Yu en est l’illustration parfaite. Cet album sans texte, dessiné à l’encre, plonge le lecteur dans le dédale des rues de Pékin, à la suite d’une petite fille elle-même à la poursuite de son chat. Un jeu de cache-cache plein de surprises entre histoire et modernité, qui fait voir la ville sous un jour nouveau.

F_p10_livreUne petite fille à la robe rouge joue dans la cour avec son chat. Celui-ci se faufile dehors. La fillette décide de le suivre et pousse une porte donnant sur les hutongs – les rues anciennes de Pékin. Ainsi commence un fabuleux voyage à travers la capitale chinoise d’hier et d’aujourd’hui, entre lieux historiques et bâtiments modernes et avant-gardistes, en passant par les rues commerçantes bondées. La poursuite continue, comme si le chat voulait nous emmener quelque part, jusqu’au marché aux puces, où il s’arrête devant une ancienne photo d’où surgit…un petit empereur avec son cerf-volant bleu, qui nous emmène au coeur de la Cité Interdite. Mais soudain, le cerf-volant s’envole, et alors c’est reparti pour un jeu de chasse qui nous fait cette fois remonter le temps jusqu’à la Chine impériale du 19e siècle avec ses pagodes, ses pousse-pousse et ses tenues traditionnelles.

L’album se distingue par la richesse de ses images : bien que léger, le trait est très fouillé et nous donne à voir mille et un détails du quotidien avec une précision de maître, des inscriptions tout en chinois sur les bâtiments, à l’architecture, qui inclut une superbe reconstitution de la chambre de l’Empereur dans la Cité Interdite, en passant par une discrète effigie de Mao au marché aux puces. On a vraiment l’impression d’y être et on se laisse promener dans le labyrinthe de ces rues inconnues sans pourtant jamais se perdre grâce aux cadrages ingénieux choisis par l’auteur et les repères subtilement disséminés au fil des pages, qui guident notre oeil et nous aident à nous situer dans l’image. Le lecteur est placé dans la position du photographe derrière l’objectif et les taches de couleurs formées par nos trois petits personnages et le cerf-volant, les seules dans un décor tout à l’encre, servent de « mise au point » à partir desquelles l’oeil peut voyager dans l’image. A partir de là, chacun est libre de faire sa propre visite et de s’arrêter à sa guise sur ce qui l’interpelle.

Cette liberté d’exploration, qui rend l’album si unique, est également favorisée par l’absence de texte, qui invite le lecteur à laisser aller son imaginaire pour interpréter ce qui se passe: Que se disent l’empereur et la fillette ? Que veulent dire toutes ces inscriptions en chinois ? Pourquoi y’a-t-il des chats et des oiseaux dans des cages? Et pourquoi toutes ces lanternes rouges à la dernière page ? Autant de questionnements soulevés au gré des images, qui éveillent la curiosité et invitent à découvrir une culture chinoise entre tradition et modernité.

Le lecteur n’est cependant pas complètement livré à lui-même : l’album inclut, à la fin, un dossier comprenant des indications sur la façon de lire les images ainsi que des photos et documents sur Pékin qui permettent de situer concrètement dans l’espace et le temps le parcours suivi tout au long de la lecture et de voir à quoi la ville ressemble en réalité. On peut aussi s’amuser à comparer les dessins de Sun Hsin-Yu aux photos des monuments réels! C’est donc un complément très enrichissant pour guider la découverte, voire la poursuivre plus loin.

En bref, un album magnifique, à lire et à relire avec à chaque fois la perspective de nouvelles découvertes.