Vancouver, le laboratoire musical

Les membres du groupe vancouvérois Delhi 2 Dublin. | Photo de Delhi2Dublin

Les membres du groupe vancouvérois Delhi 2 Dublin. | Photo de Delhi2Dublin

Quelle est la différence entre New-York, Paris, Montréal, Seattle et Vancouver ? Si dans toutes ces villes on retrouve des musiciens venus du monde entier, c’est peut-être ici, en Colombie-Britannique, qu’ils se mélangent le plus pour créer ensemble. La Source vous entraîne à la rencontre de ceux qui pensent que la diversité est une force pour écouter, composer et voyager.

 Greg Valou, compositeur et multi-instrumentiste. | Photo de Greg Valou

Greg Valou, compositeur
et multi-instrumentiste. | Photo de Greg Valou

C’est un moyen d’expression qui dépasse toutes les barrières, qu’elles soient linguistiques ou culturelles. Par le biais de la musique, des artistes d’origine asiatique, orientale, africaine ou encore européenne se rassemblent tous les jours ici à Vancouver. Le compositeur et multi-instrumentiste Greg Valou est bien placé pour en parler, lui qui joue dans pas moins de quatre groupes multiculturels différents. « Je veux toucher à tout et m’exposer à toutes les combinaisons d’idées possibles. Il y a tellement de bonnes choses qui existent partout dans le monde, et que l’on peut retrouver ici ». Originaire de Toronto, ce grand curieux de 27 ans à la longue chevelure chante, joue de la guitare, de la basse, des percussions et d’autres instruments dans des formations aussi diverses que Zimbamoto (afrobeat zimbabwéen), Naab (méditation), Midnight Mangos (fusion world pop) ou Tarab (jazz-rock électrique moyen-oriental).

L’improvisation ouvre des portes

La naissance de ce dernier groupe il y a quatre ans fut, comme souvent dans ce genre de rencontres, le fruit du hasard. Fraîchement débarqué d’Arabie Saoudite, le joueur de oud (instrument à cordes arabe) Hazem Matar publiait une annonce en ligne sur craigslist pour échanger avec d’autres musiciens. Un musicien, c’est justement ce qu’il manquait à Greg Valou alors qu’il devait monter sur scène le jour même avec le percussionniste uruguayen Pepe Danza. Ce soir là, le mélange des styles et des genres plaît au public et aux artistes. Quatre ans plus tard, le groupe Tarab s’est fait un nom sur la scène locale en mélangeant aux sonorités orientales du oud, une flûte, un saxophone, une basse et des percussions.

Vancouver, terre d’expérimentations

Rassembler des instruments de différentes origines sur une même scène, c’est justement le métier de l’orchestre interculturel de Vancouver (Vico). Créé en 2001, il est composé de plus d’une vingtaine de musiciens qui explorent les sonorités du monde entier.

Son fondateur et actuel directeur artistique, Moshe Denburg, a vécu et étudié la musique au Canada, aux États-Unis, en Inde, au Japon et en Israël avant de s’établir en Colombie-Britannique. Pour lui, ce projet avait plus de chance de voir le jour à Vancouver que n’importe où ailleurs : « C’est dans la sensibilité de cette ville. On y retrouve un incroyable mélange de cultures et de musiciens, qui, beaucoup plus qu’à New-York, Montréal ou Toronto, vont échanger entre eux en dehors de leur communauté d’origine, ce qui est excellent pour stimuler et rafraîchir l’énergie créatrice de chacun ».

Invité en tant qu’artiste juif à un festival en 1999, il se rendit compte à l’époque que de très nombreux styles et instruments ethniques du monde étaient alors représentés. Il suggéra de les rassembler pour la prochaine édition qui fut un succès marquant les débuts de cet orchestre où l’erhu (instrument à corde chinois) peut côtoyer le tabla (percussion indienne), le târ (instrument à cordes iranien), la harpe celtique ou encore le saxophone.

L’esprit de la côte ouest

Dans un autre registre, plus électronique, c’est également à Vancouver que fut célébré le mariage entre le Penjab et l’Irlande pour donner naissance au groupe Delhi 2 Dublin. Ce mélange ultra vitaminé de bhangra et de musique celtique a été concocté là aussi, à la base, pour un simple festival il y a huit ans, en associant du chant, des violons et des platines. Le Dj Tarun Nayar s’en souvient : « C’était juste un jam, une sorte d’improvisation qui a tellement bien marché que l’on nous a demandé de participer à un autre festival, puis un autre, et encore un autre… Nous n’étions pas censés devenir un groupe, mais aujourd’hui, c’est devenu notre métier à temps plein. Ça change une vie ! », confie-t-il en préparant une tournée qui les entraînera jusqu’à New-York
cet été.

Né à Montréal de parents indiens et irlandais, Tarun est entouré d’un percussionniste et d’un chanteur pendjabi et d’une violoniste irlandaise qui sont tous nés au Canada. « Vancouver était sans doute le seul endroit au monde où nous aurions pu naître, car c’est très ouvert à la nouvelle musique. Cela aurait été beaucoup plus difficile de percer à Montréal ou à Toronto parce qu’on ne rentre pas dans le moule là-bas. Nous, nous avons inventé notre propre style, le celtic punjabi electronica », explique-t-il, avant de vanter l’esprit de la Côte ouest : « Ses mélanges, son esprit d’ouverture et son histoire hippie en font un endroit où l’art est en perpétuelle révolution ».

Comme lui, nombreux sont ceux qui prennent part à cette révolution en expérimentant de nouvelles créations dans ce laboratoire à ciel ouvert qui ouvre les portes de la perception… musicale.