Départ géopoétique de Vancouver

Le fondateur franco-écossais de l’Institut international de géopoétique, Kenneth White, publie Les Vents de Vancouver (traduit de l’anglais), aux éditions Le mot et le reste. Un itinéraire longeant le littoral de la Colombie-Britannique, qui prend Vancouver pour point de départ, mais qui déborde jusqu’à l’Alaska… et au-delà. Comme une pierre à l’inukshuk des « nomades intellectuels », une aire de respiration sur «l’autoroute». Puisqu’il fait bon, partons : cap sur L’Archipel géopoétique!

Kenneth White photographié durant l’édition 2009 de la Comédie du Livre à Montpellier en France. | par Gary Drechou

Kenneth White photographié durant l’édition 2009 de la Comédie du Livre à Montpellier en France. | Photo par Esby, Wikimedia Commons

«Entre moi et moi-même, il y a la Terre», confie le philosophe et historien Jean-Marc Besse, qui s’intéresse de près aux dessous des cartes et des paysages. Besse ne se prétend pas «géopoète»… Pourtant, à lire sa définition brève, la géopoétique, ou cette «théorie-pratique transdisciplinaire applicable à tous les domaines de la vie et de la recherche, qui a pour but de rétablir et d’enrichir le rapport Homme-Terre depuis longtemps rompu (…)», le saisit au bond.

Si on remonte la lignée, c’est en 1989 que l’Institut international de géopoétique pose manifeste : «Il s’agit de savoir (…) où se trouve la poétique la plus nécessaire, la plus fertile, et de l’appliquer.» Comme le dit son papa (ou pas à pas), le franco-écossais Kenneth White : «Si, vers 1978, j’ai commencé à parler de géopoétique, c’est, d’une part, parce que la terre (la biosphère) était, de toute évidence, de plus en plus menacée, et qu’il fallait s’en préoccuper d’une manière à la fois profonde et efficace, d’autre part, parce qu’il m’était toujours apparu que la poétique la plus riche venait d’un contact avec la terre, d’une plongée dans l’espace biosphérique, d’une tentative pour lire les lignes du monde.»

F_p9_vents_2Poètes de terrain ?

White embarque alors sous son aile «des penseurs et des poètes de tous les temps et de tous les pays», qu’il situe à mille lieux des engagités et des médiatisés, et qu’il nomme «nomades intellectuels». La géopoétique se déploiera avec ceux qui préfèrent les sentiers à «l’autoroute», ceux qui les arpentent hors des battus – bref ces «chamans» du chemin ou poètes de terrain, qui, moins artificiellement en vue, ouvrent des espaces avec une certaine longueur de vue. Les petits ou arrière-petits-fils d’Héraclite («l’homme est séparé de ce qui lui est le plus proche»), de Hölderlin («poétiquement vit l’homme sur la terre»), de Wallace Stevens («les grands poèmes du ciel et de l’enfer ont été écrits, reste à créer le poème de la terre»), ou encore de Michaux, Matsuo Bashô, Rimbaud, Thoreau.

Nous sommes prévenus :
«Avec le projet géopoétique, il ne s’agit ni d’une variété culturelle de plus, ni d’une école littéraire, ni de la poésie considérée comme un art intime. Il s’agit d’un mouvement majeur qui concerne les fondements mêmes de l’existence de l’homme sur la terre.» L’ambition ? Dresser «une magna mundi carta : une grande carte, une grande charte du monde».

«Refais le chemin»

Dans Les Vents de Vancouver – Escales dans l’espace-temps du Pacifique Nord, son dernier récit publié en français, Kenneth White commence par prendre ses repères dans le grand port. Logé au Pan Pacific, il flâne dans «ce qui devait être la partie écossaise de Vancouver», évoque pêle-mêle le huart à collier, les corbeaux, les totems, «Jack le Jacasseur», deux chauffeurs de taxi pendjabis ou une bouteille des caves du Burrowing Owl (le hibou des terriers). À sa manière, il prend pied sur cette «Terre-Mère», livrant ses impressions – vives – d’arrivant… sur le départ.

Car peu à peu, au gré des rencontres et des conversations, l’itinéraire se dessine. En pensées et en lectures, White «refait le chemin». De George Vancouver, dont la mission de cartographe consistait à «découvrir et tracer la ligne générale de la côte», laissant occasionnellement du temps «à la sensation générale et à la contemplation», d’Alexander Mackenzie, «premier homme blanc à traverser le continent américain d’est en ouest, du Labrador à l’Alaska», dont les mots «d’une extrême simplicité» se rapprochent parfois de «la vraie poésie», ou du «Chef des Glaces», le naturaliste John Muir, qu’il porte dans son cœur. Le projet s’éclaire : White nous entraîne avec lui vers l’Alaska, à la rencontre des littoraux et des espaces de la route, de leurs explorateurs, coureurs et gardiens, notamment Kwakiutls et Tlingits.

L’Archipel géopoétique

Mais au-delà de l’Alaska, Les Vents de Vancouver pourraient bien vous mener à L’Archipel, le serveur d’informations de l’Institut international de géopoétique, ses «îles» et ses «îlots».
Vous y tomberez notamment sur La Traversée, Atelier québécois de géopoétique, affilié à l’Université du Québec à Montréal (UQÀM), ou L’Atelier du héron, Centre de géopoétique de Belgique, ancré à Bruxelles. La poétique en marche : à vos mappes, prêts… partez !?

POUR EXPLORER :

www.geopoetique.net

POUR LIRE :

Les Vents de Vancouver
Kenneth White
Le mot et le reste, 2014
29,95 $

EN ÉCOUTE :

“La nuit rêvée de… Kenneth White”, sur France-Culture