Slovénie, la destination touristique oubliée

Photo par Pascal Guillon

Photo par Pascal Guillon

Dites à vos amis que vous revenez de Slovénie et ils hésiteront à vous avouer qu’ils ne savent pas exactement où ça se trouve. C’est en Europe de l’Est ?

Slovaquie ? C’est un de ces nouveaux pays indépendants dans les Balkans ? C’est un de ces trucs ex-yougoslaves ?

Il est vrai que quand la Slovénie a déclaré son indépendance de la Yougoslavie en juin 1991, la guerre d’indépendance n’a duré qu’une dizaine de jours et a fait peu de victimes comparé aux horreurs qu’ont connues par la suite les autres régions de l’ancienne fédération yougoslave. Donc, les médias ont peu parlé de la Slovénie. Pendant que la guerre faisait rage dans le reste des Balkans, ce petit pays, grand comme les deux tiers de l’île de Vancouver et peuplé de deux millions d’habitants, construisait une société paisible et relativement prospère, devenant membre à part entière de l’Union européenne en 2004 et adoptant l’euro en 2007. Pour la Slovénie, l’intégration à l’Union européenne s’est faite tout naturellement car, même quand elle faisait partie de la fédération yougoslave, les Slovènes étaient nombreux à aller travailler en Autriche et en
Allemagne et à bénéficier des touristes provenant de ces pays.

La Slovénie continue donc d’être plus prospère que les autres pays de l’ancienne Europe communiste. Ne vous attendez pas à trouver des petites routes boueuses et défoncées sur lesquelles circulent des vieilles Ladas rouillées comme au fin fond de la Moldavie, ou des carrioles tirées par des chevaux faméliques comme dans les campagnes roumaines. La Slovénie est un peu la Suisse des Balkans. Ce petit pays montagneux, doté de parcs nationaux, a beaucoup à offrir aux touristes. Si la randonnée alpine n’est pas votre truc, les villes d’allure autrichienne (la région faisait partie de l’empire austro-hongrois jusqu’en 1918) comme Maribor et Ljubljana sont agréables et moins chères que leurs voisines en Autriche ou en Italie, bien que les hôtels ne soient tout de même pas super bon marché, zone euro oblige. Il est cependant possible de trouver des chambres à louer chez l’habitant à des prix très raisonnables. Il est également facile de communiquer avec les Slovènes qui sont tous multilingues. Les personnes âgées (surtout dans le nord du pays) parlent généralement allemand comme deuxième langue mais de plus en plus, c’est l’anglais qui s’impose. Selon les statistiques officielles, près de 60% des Slovènes (quasiment tous les jeunes) peuvent s’exprimer en anglais.

La ville slovène de Piran,  côte adriatique | Photo par Pascal Guillon

La ville slovène de Piran, côte adriatique | Photo par Pascal Guillon

Cette fois, c’est sur la côte Adriatique slovène que j’ai passé quelques jours. La façade maritime de Slovénie ne s’étend que sur une cinquantaine de kilomètres, entre les frontières italienne et croate. Moins réputée que ses voisines italiennes et croates, la côte Adriatique slovène possède néanmoins trois jolies petites villes, Koper, Izola et Piran sur la péninsule d’Istrie. Quartiers historiques dont certains bâtiments remontent au Moyen Âge, ruelles pavées trop étroites pour les voitures, terrasses de cafés sur de jolies places publiques, restaurants au bord de la mer, tout pour un séjour agréable. L’absence de belles plages de sable fait en sorte que ce ne sera jamais une des grandes destinations touristiques du bassin méditerranéen et j’avoue que c’est surtout l’histoire contemporaine et la géopolitique qui m’ont attiré dans cette région. En effet, après la Première Guerre mondiale et la chute de l’Empire austro-hongrois, Trieste et la péninsule de l’Istrie sont devenues italiennes, renouant ainsi des liens historiques très anciens avec Venise. Mais après la Deuxième Guerre mondiale, les partisans communistes yougoslaves qui avaient lutté contre l’Italie fasciste ont voulu que Trieste et l’Istrie fasse partie de la Yougoslavie. La région disputée a été divisée en zones d’occupation alliées en attendant une solution définitive. Cette solution n’est venue qu’en 1954 quand un accord a scindé la région en deux, Trieste allant à l’Italie alors que la péninsule d’Istrie devenait yougoslave. Les Italiens de la péninsule ont quitté la région pour s’installer en Italie, devenue plus prospère que la Yougoslavie communiste. Mais depuis que la Slovénie est devenue indépendante, elle s’évertue à renouer les liens historiques avec l’Italie. Koper, Izola et Piran sont devenues officiellement des municipalités bilingues, slovène/italien. Depuis peu, des Italiens, commerçants et retraités, sont venus s’installer dans la région. À toutes fins utiles, l’Union européenne a effacé la frontière entre cette région et la ville italienne de Trieste. Par contre, l’effondrement de la Yougoslavie a créé une frontière solide entre la Slovénie et la Croatie mais celle-ci devrait s’effacer petit à petit au fur et à mesure que les Croates intègrent pleinement l’Union européenne. En attendant, les jeunes avec qui j’ai parlé à Piran, d’où il n’y a que l’embouchure d’une rivière à traverser pour se rendre en Croatie, affirment n’être pas intéressés par leurs voisins du sud, préférant aller en Italie.

En Europe, l’histoire n’est pas qu’une affaire de vieilles pierres.