Apprentissage du français : l’ouest du Canada fait entendre sa voix

Photo de Clio (Wikimedia Commons)

Photo de Clio (Wikimedia Commons)

L’enseignement du français a le vent en poupe en Colombie-Britannique. Jeunes et moins jeunes sont en demande. Conscientes de cette tendance, les écoles s’adaptent pour coller au mieux à leurs attentes et aspirent à accroître leur popularité en dehors de leurs frontières.

Apprendre le français à Vancouver et ses alentours, c’est possible. Ce message sera délivré le mois prochain, lors de deux événements majeurs pour la promotion de l’enseignement des langues étrangères. Le 2 octobre, à Montréal, l’organisme Langues Canada organise le premier Forum d’échange sur le français langue seconde (le FEFLS). Une rencontre similaire se tiendra du 10 au 14 octobre à Pékin en Chine, mais à l’échelle mondiale cette fois-ci, et ne se cantonnera pas au français uniquement. Il s’agit du forum Héraclès. Des représentants de la Colombie-Britannique doivent participer à ces rendez-vous.

Des intervenants à l’université Simon Fraser (SFU) feront peut-être le déplacement. Au moment d’écrire ces lignes, la décision n’était pas arrêtée. En matière de lieu d’apprentissage du français au niveau postsecondaire, le campus de Burnaby est souvent présenté comme le fer de lance. En particulier depuis la création du Bureau des affaires francophones et francophiles (le BAFF). Celui-ci a vu le jour en avril 2004, après plusieurs années de préparation.

Son but : développer, coordonner et promouvoir les programmes et cours offerts en français au sein des facultés de SFU – celles d’éducation et des lettres et sciences sociales. Au-delà, le BAFF organise diverses activités culturelles. Avec ses projections de films et de documentaires, ses conférences et ses rencontres, le Printemps de la francophonie figure parmi les plus connues. La dernière édition s’est tenue du 24 février au 26 mars.

« C’est une tradition »

À UBC aussi, le français occupe une place de choix. Et cela ne date pas d’hier. Dans cette université qui se classe parmi les plus réputées du pays et au niveau international, on offre des cours dans la langue de Molière depuis la création de l’établissement, en 1915. « C’est une tradition, ça fait partie de l’histoire de UBC. Le département d’études françaises est l’un des premiers à avoir été instauré »,
souligne André Lamontagne, professeur et directeur du centre francophone de l’université vancouvéroise.

Chaque année, lui et ses collègues accueillent en moyenne 3 000 étudiants. Et si, en cette rentrée, ils ne sont que 2 900, c’est la conséquence des restrictions budgétaires imposées par la direction et qui ont entraîné des fermetures de classes, comme dans n’importe quel autre programme. « Ce n’est pas propre à notre département, tous sont touchés », poursuit André Lamontagne.

À l’Alliance française, autre lieu d’apprentissage, la cadence ne faiblit pas. « Environ 800 personnes franchissent nos portes, toutes les semaines. Ce qui représente 500 enfants et 300 adultes », renseigne Valentin Morin, responsable pédagogique. Le calendrier hebdomadaire affiche près d’une centaine de cours dispensés matin, midi, après-midi, soir, et en fin de semaine.

Qui sont ces gens qui veulent apprendre le français en Colombie-Britannique ? Force est de constater que l’auditoire universitaire est majoritairement féminin. « En langues, il y a toujours eu plus d’étudiantes que d’étudiants », observe Didier Bergeret, coordonnateur du programme de langues à Victoria. Si ses cours s’adressent autant aux jeunes qu’aux adultes, il remarque que la femme quadragénaire, mère de famille et parfois en profession libérale, représente le profil type des inscrits aux programmes à l’année. Même tendance à UBC. « On a des classes où l’on dénombre une trentaine de filles pour moins de cinq garçons », rapporte André Lamontagne.

Attirer les étudiants étrangers

Selon les cycles, les étudiants peuvent être issus de la Colombie-Britannique, mais pas seulement. « On en a de plus en plus qui proviennent de l’est du pays, du Québec aussi, affirme Didier Bergeret. Et c’est sans mentionner les étrangers. » Sur ce point, l’établissement de Victoria aimerait en attirer davantage : « Ils constituent une niche à exploiter, les Américains notamment. On veut leur prouver qu’on peut apprendre le français ailleurs qu’en allant en France, et juste à côté de chez eux. On a une expertise dans ce domaine. Le bilinguisme fait partie des mœurs canadiennes. » À l’Alliance française le public est large. Visant tout le monde sans distinction, l’établissement capte « des personnes âgées de 5 à 80 ans et plus », glisse Valentin Morin.

Quels qu’ils soient, d’où qu’ils viennent, tous ont des raisons distinctes de vouloir parler français. Pour certains, c’est en lien avec leurs objectifs professionnels. Ceux qui veulent intégrer la fonction publique et y espèrent des postes à responsabilités se doivent de maîtriser parfaitement les deux langues officielles du Canada. Idem pour les aspirants journalistes. Encore plus pour les personnes qui ont envie de devenir professeurs de français. Les débouchés dans cette profession existent, car la pro-
vince en manque cruellement.

Des étudiants invoquent aussi des motifs personnels pour expliquer leur choix de matière. C’est le cas des individus qui ont déjà des notions de français et qui souhaitent conserver leurs aptitudes à le parler. Des immigrants refusent de se cantonner à l’apprentissage de l’anglais. Être bilingue, à l’instar de la plupart des Canadiens, équivaut à réussir son intégration. Il y a aussi ces retraités qui ont une maison en France et/ou qui s’y rendent fréquemment par amour du pays.

La culture française reste attrayante pour bon nombre, tout comme le prestige que l’on confère parfois à la langue.

 

Des règles élémentaires aux aptitudes à bien communiquer
Depuis des décennies, les écoles et universités de la Colombie-Britannique enseignent le français. Les méthodes d’hier ne sont plus celles d’aujourd’hui. Au fil des ans, elles ont évolué. Autrefois les cours étaient purement théoriques. Ils se concentraient essentiellement sur les règles de grammaire, d’orthographe ou de conjugaison. Désormais, l’accent est mis sur la communication et la prononciation.
« Plutôt que d’enseigner le subjonctif passé, on apprend davantage à nos élèves comment traduire le doute, dire ce qu’ils aiment ou pas… ce genre de choses », glisse Didier Bergeret, coordonnateur au département de langues de l’université de Victoria. S’exprimer oralement sans accrocs est la priorité des étudiants. « Seuls ceux qui savent déjà le faire parfaitement voudront améliorer leur niveau à l’écrit », note Valentin Morin, responsable pédagogique à l’Alliance française de Vancouver.La marge de progression des apprentis francophones a, elle aussi, changé. « Ils apprennent plus vite. C’est en partie à cause des nouvelles technologies grâce auxquelles ils sont plus facilement exposés à la langue française qu’ils ne l’étaient auparavant », considère Didier Bergeret. L’émergence de nouveaux outils de communication a entraîné la mise en place des méthodes d’apprentissage inédites.
Il y a deux ans, l’université de Victoria a lancé une formule de cours hybrides. « Les inscrits ont accès à des leçons mises en ligne sur le net. À cela s’ajoutent quelques rencontres privées avec un professeur pour conforter ce qu’ils ont appris de leur côté. Ce dispositif est prisé par celles et ceux qui ont un emploi du temps chargé et peu flexible », explique Didier Bergeret. L’expérience en est à ses balbutiements.