Amateurs de cimetières

Le cimetière du Père Lachaise à Paris. | Photo par Pascal Guillon

Le cimetière du Père Lachaise à Paris. | Photo par Pascal Guillon

Visiter les cimetières ? Les Canadiens de l’Ouest sont parfois surpris quand je leur parle avec enthousiasme de mon intérêt pour la chose. Il est vrai que dans l’Ouest canadien, ce n’est pas une activité très passionnante.

Mais de passage à Hongkong, il serait dommage de rater le vieux cimetière colonial de Happy Valley et ses vieux monuments funéraires qui se détériorent lentement sous la végétation tropicale. A Macao, le vieux cimetière protestant, fondé en 1821, évoque le souvenir des employés de la compagnie britannique des Indes Orientales qui venaient là faire le commerce de l’opium. On y trouve, entre autres, la tombe d’un capitaine de la Royal Navy, John Spencer Churchill, qui était un ancêtre du fameux premier ministre. A Londres, le cimetière de Highgate n’est pas seulement la dernière demeure de Karl Marx et de bien d’autres personnages historiques, c’est aussi, d’après moi, le plus beau parc de la ville. Au Canada, le cimetière de notre Dame-des-Neiges, à Montréal, vaut également une visite.

Photo de Pascal Guillion

Photo de Pascal Guillion

Mais le plus célèbre des grands cimetières historiques est sans doute le Père Lachaise, à Paris. Il attire 3,5 millions de visiteurs par an. Ouvert en 1804, il était considéré comme trop loin du centre du Paris de l’époque. Il lui a fallu un coup publicitaire pour devenir à la mode. En 1812, la mairie de Paris décide d’y transférer les dépouilles d’Heloise et Abelard ainsi que de Molière et de La Fontaine. La « mode » était lancée. Depuis, un million de personnes y ont été enterrées ou incinérées. Dans ce grand parc funéraire de 43 hectares s’étalent 69 mille concessions perpétuelles à l’abri de 5 300 arbres. Mais il ne s’agit pas d’un simple alignement de plaques funéraires. Ce sont des milliers de statues et monuments que l’on découvre en circulant sur les allées pavées de cet immense cimetière.

Le cimetière du Père Lachaise est un immense livre d’histoire en pierre. Une bonne partie des personnages qui ont marqué l’histoire de France du 19e et du 20e siècle se retrouvent ici.Des politiciens, des généraux, des explorateurs et des scientifiques, d’anciens gouverneurs de lointaines colonies côtoient des artistes, d’ex-dictateurs d’Amérique latine et des membres de familles royales en exil.

Des monuments ont été érigés à la mémoire des combattants de la Commune de Paris fusillés après le soulèvement. Il en existe aussi pour commémorer les victimes de la Révolution de 1848 et pour les victimes du siège de Paris (1870–71), celle de la guerre d’Algérie et ceux qui ont été victimes des attentats de l’OAS. Des monuments honorent la mémoire des combattant étrangers morts pour la France pendant la Première Guerre mondiale. Des monuments marquent chacun des camps de concentration où les Juifs déportés de France ont été assassinés par les Nazis. Les résistants de la Deuxième Guerre mondiale, les combattants de la république espagnole, les Arméniens et bien d’autres encore ont droit à leurs monuments. Même les victimes de grands écrasements aériens sont commémorées. Pour les passionnés d’histoire, il y a toujours quelques nouvelles découvertes à faire dans cet incroyable fouillis de tombeaux, de statues, de plaques, de stèles et d’édifices monumentaux.

Mais les visiteurs ont leurs favoris. Pour certains, c’est le tombeau de Chopin, d’Alphonse Daudet, d’Eugène Delacroix, de Marcel Proust, d’Oscar Wilde ou d’Alfred de Musset. Pour d’autres, c’est plutôt la sépulture des artistes contemporains, comme Jim Morrison, Alain Bashung, Henri Salvador, Edith Piaf, George Moustaki, Yves Montand et Simone Signoret. Les touristes les mieux organisés débarquent, carte en main, à la recherche des morts célèbres. D’autres, comme moi, préfèrent se promener sans but précis et découvrir au hasard les tombeaux de Gilbert Bécaud ou de Claude Chabrol et des caveaux surprise comme celui de Joseph Guillotin (inventeur de la guillotine) ou celui de Laura Marx (fille de Karl) où des vieux communistes viennent encore déposer des fleurs.

Si l’histoire de France ne vous intéresse pas, faite comme les gens du quartier qui utilisent l’endroit comme un parc. Certains habitués viennent régulièrement nourrir les oiseaux ou les nombreux chats errants qui ont élu domicile sur les tombeaux.