La grande confusion

Photo par David Goehring

Photo par David Goehring

Je vous le dis d’emblée, je suis confus. Je suis un grand confus. On ne peut être plus confus que je le fus et que je le suis encore. Je ne comprends plus rien. Je ne saisis pas les chamboulements du monde actuel. J’ai beau me creuser les méninges qu’il me reste, j’en arrive toujours à la même conclusion : notre monde n’a aucun sens et ne va nulle part ailleurs que dans la mauvaise direction. Chaque jour qui passe amène son lot de confusion.

Nous sommes dans un pétrin duquel il sera difficile de sortir. J’essaie, en vain, de trouver une logique aux évènements qui font l’actualité. J’échoue lamentablement. Je ne sais plus, mon Kiki, qui se bat pour qui, contre qui et pourquoi ? C’est du grand n’importe quoi. Et il faudrait aussi déterminer pourquoi on se bat à coup de canon et non de bâton ! Il est vrai que la trique et la matraque font figure de pa-
rents pauvres lorsqu’il s’agit de commettre des massacres et autres atrocités. Sur de nombreux fronts s’affrontent les bons et les méchants et on ne sait plus si les vilains d’hier sont devenus, par miracle, les gentils d’aujourd’hui.

Vous voyez où je veux en venir. L’imbroglio du Moyen-Orient, pour commencer. Si quelqu’un comprend quelque chose à ce « merdier oriental » comme dirait Christiane Rochefort, qu’on me le fasse savoir. Du printemps arabe, dont nous nous sommes, dans l’ensemble, tous réjouis, nous sommes passés, pratiquement, sans nous en rendre compte et en peu de temps, à la zizanie et à la guerre tous azimut. Il y a moins d’un an, c’était clair. Al Assad, le Hezbollah, l’Iran, les chiites, tous dans le même sac. C’étaient les vilains, les méchants, nous martelait-on. Ceux par qui le malheur allait arriver. Ceux qui empêchaient le monde de tourner en rond. Ceux qu’il fallait combattre à tout prix.

Nous assistons, depuis la création de l’auto-proclamé État islamique (Daesh) à un revirement de la situation. Nous ne savons plus où donner de la tête. C’est l’heure de payer les pots cassés. Qui sont les ennemis du monde occidental ? Les chiites ? Les sunnites ? Les deux peut-être ? S’ils s’entretuent, ne devrait-on pas les laisser faire ? Pour les pays occidentaux, dont le Canada fait partie, au cas où vous l’auriez oublié, avec quelques pays arabes alliés (la plupart des monarchies ou des dictatures), la réponse est simple : tout ennemi de mon ennemi est, provisoirement, mon ami. C’est ainsi que l’on compte régler, une bonne fois pour toute, le problème de la quadrature du cercle. Les Grecs de l’antiquité s’y sont cassé les dents, mais nous, nous avons la solution. On bombarde, et advienne que pourra. La colombe a pris du plomb dans l’aile. Toutefois, je vous le demande, que faire contre la barbarie et l’absolutisme? Je suis confus.

Mais quittons ce coin du monde si difficile à cerner pour retourner au Canada où ma confusion s’avère plus anodine. J’ai bien compris pourquoi Paul Calandra, le député conservateur, a accepté de présenter ses excuses au Parlement, suite à sa triste performance en Chambre. Mais pourquoi ces pleurs et ce mea-culpa si poignant sorti tout droit d’un feuilleton mélo ? Il savait qu’on le filmait. Envisage-t-il une carrière à Hollywood ? Je suis confus.

Et que dire de l’affaire de l’Airbus des forces canadiennes, mis à la disposition de quelques dignitaires européens au coût de 300 000 $ à la charge des contribuables ? Je suis confus. Ces estimés visiteurs auraient été invités à rester une journée de plus chez nous, alors que ce n’était pas nécessaire. S’ils ont pu rallonger leur voyage aussi facilement, il me semble qu’ils ont le temps. Et s’ils ont le temps, pourquoi ne rentreraient-ils pas dans l’un de nos sous-marins, achetés aux Anglais ? Ils auraient ainsi le loisir d’observer de près les avaries et défaillances de notre équipement militaire. Une petite promenade qui leur éviterait plus tard de nous demander de partir en guerre à leur côté. Ou pourquoi pas, ils auraient pu rentrer chez eux dans l’un de nos CF-18 partis bombarder gaiement l’Irak et la Syrie.

Et pour finir, c’est peut-être par là que j’aurais dû commencer, un dernier embrouillamini. Je ne comprends pas comment la ville de Vancouver, son maire et sa majorité, ont pu trouver les millions de dollars nécessaires pour faire plaisir aux quelques résidents bien nantis de Point Grey road, aujourd’hui fermé à la circulation et, en même temps, exiger l’éviction des sans logis et des itinérants, qui campent au parc Oppenheimer? L’argent des uns aurait pu faire le bonheur des autres. De préférence, ceux qui en ont le plus besoin. Tout cela me laisse perplexe. De la confusion je suis passé à la grande désillusion.