La Joie de Lire, un festival pour gommer les « deux solitudes »

Tessa Bourguignon, auteure. | Photo de Vancouver Writers Fest

Tessa Bourguignon, auteure. | Photo de Vancouver Writers Fest

Le volet francophone du Vancouver Writers Fest, qui se tient sur l’île de Granville du 21 au 26 octobre, est une belle occasion de découvrir ou de redécouvrir des talents de la littérature francophone.

Ils sont plus d’une centaine à faire le déplacement. De la Colombie-Britannique, du Québec, mais aussi d’Europe, d’Afrique, d’Asie et même d’Océanie : les auteurs invités à la 27e édition du Writers Festival de Vancouver promettent six jours hauts en couleur. Avec la présence du Canadien Joseph Boyden, de l’Américain James Ellroy ou encore de l’Australien Tim Winton, les organisateurs se préparent à leur plus gros festival et prévoient de vendre environ 18 000 billets, contre 16 000 l’an dernier. Côté francophone, la Française Maylis de Kerangal et les Québécoises Anne Villeneuve, Marie-Louise Gay et Kim Thúy seront notamment de la partie.

Cette dernière explique qu’en tant qu’auteure francophone, « il est très important de venir dans l’Ouest canadien. Cela permet de favoriser les échanges entre anglophones et francophones et de lutter contre les “Deux Solitudes”. » Pour cette Montréalaise de 46 ans originaire du Vietnam, « si l’on croit au français, il faut le faire vivre, mais pas dans la confrontation ». Alors que ses deux premiers romans, Ru et Mãn, ont été traduits en plusieurs langues, Kim Thúy entame son troisième manuscrit.

Offrir diverses formes de littérature

D’autres formes d’écriture sont également à découvrir lors du festival, comme la poésie, la littérature jeunesse et même le slam, avec la très prometteuse Tessa Bourguignon, écrivaine basée à Vancouver et membre de l’équipe de poètes slam pour la jeunesse. Influencée par les cultures vancouvéroise, montréalaise et new-yorkaise, elle s’attache à « résumer en quelques mots ce que ressentent et pensent les jeunes sans toujours pouvoir l’exprimer », explique l’équipe du festival.

Anne Guagliardo, directrice artistique de La Joie de Lire, avait à cœur de proposer une sélection « originale » d’auteurs francophones « éclectiques ». Elle se réjouit également de pouvoir faire découvrir ou redécouvrir les pépites locales de la littérature francophone : « Nous avons de nombreux auteurs originaires de la Colombie-Britannique ou installés ici depuis des années comme Tessa Bourguignon et Jean-Pierre Makosso, qui viennent respectivement du Québec et du Congo. Tous sont extrêmement talentueux et expérimentés ! »

 

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Annie Bourret et son livre Gabrielle et le vampire de Maillardville. | Photo par Erik Poole

En tablant sur les élèves des écoles françaises et d’immersion, mais aussi sur les amoureux de la lecture, Anne Guagliardo espère atteindre les 200 à 350 tickets vendus pour les seuls événements francophones. « Faute de public, nous avons dû annuler deux de nos événements », regrette-t-elle toutefois. Selon Anne Guagliardo, la rentrée tardive des élèves vancouvérois causée par la grève des enseignants explique que les salles n’aient pu être remplies à temps. Mais ces annulations de dernière minute illustrent aussi la difficulté de faire se déplacer les francophiles en terres anglophones.

Pour elle, « il faut mieux communiquer sur la partie francophone du Festival et brancher les structures éducatives » afin de faire venir plus de public l’an prochain, mais aussi pour promouvoir la littérature francophone en Colombie-Britannique. Ce travail de longue haleine a été entamé au printemps par l’auteure Danielle Marcotte. Établie en Colombie-Britannique depuis 41 ans, cette ancienne journaliste reconvertie à la littérature jeunesse a réalisé des ateliers dans deux écoles pour présenter ses livres et éveiller la curiosité des élèves.

Le difficile parcours des auteurs francophones

Nouvelle dans le milieu de la littérature jeunesse, Danielle Marcotte ne se sent pas pénalisée en vivant en terres anglophones. « Je crois en la francophonie en Colombie-Britannique, c’est un marché à découvrir, il y a un véritable intérêt. » Écrivant dans les deux langues, elle affirme que, pour l’heure, ses ventes « ne sont pas forcément moins bonnes en français qu’en anglais. Même en vivant en Colombie-Britannique, on peut compter sur l’Est pour élargir la clientèle francophone. » D’autant que l’Ouest canadien regorge d’histoires à raconter : « La nature, riche et foisonnante, m’inspire beaucoup, que ce soit en Colombie-Britannique ou dans le Yukon. C’est comme vivre dans une jungle ! Cette beauté et cette grandeur me nourrissent chaque jour. »

Incontournable dans le paysage littéraire local, Annie Bourret, Vancouvéroise depuis 20 ans, se montre plus inquiète sur le sort des écrivains francophones canadiens. « Les débouchés de publication locaux sont pratiquement inexistants. À part une nouvelle maison vancouvéroise, la maison d’édition la plus proche se trouve en Saskatchewan », déplore-t-elle. L’auteure a écrit les premiers romans jeunesse en français dont l’histoire se déroule en Colombie-Britannique. Si d’autres comme Danielle Marcotte lui ont, depuis, emboité le pas, les publications francophones locales restent rares, d’autant plus dans le milieu de la littérature jeunesse. « Les Éditions de la Courte échelle (le géant de la littérature jeunesse de langue française au Canada) feront probablement bientôt faillite, c’est un acteur culturel important qui disparaîtra », ajoute-t-elle.

Avec l’avènement du numérique et des tablettes, « difficile de faire des prévisions », nuance toutefois Danielle Marcotte. Pour elle, la solution ne se trouve pas que chez les éditeurs mais aussi chez les lecteurs qu’il faut « responsabiliser ». Au final, « il en va de la survie de la création locale mais aussi canadienne », assure-t-elle, avant de conclure : « Si nos lecteurs veulent continuer à lire nos histoires, il faut encourager les œuvres canadiennes. Les encourager pour qu’il y ait un marché, et donc un avenir… »