Tarragona-Vancouver

Une centaine de kilomètres au sud-ouest de Barcelone, sur la côte de la Méditerranée, se trouve Tarragone. D’abord établie par un peuple égéen à la fin du deuxième millénaire avant J.-C., elle devient romaine en -218. Elle s’appelait alors Tarraco. Cette ville de taille moyenne fait partie du patrimoine mondial de l’UNESCO depuis l’an 2000, en raison de la richesse des ruines romaines qu’on y trouve.

En fait, il semble que les citoyens de Tarragone avaient longtemps été embarrassés par ces vestiges, qu’ils croyaient n’être d’aucun intérêt en raison de leur état de ruines, et ne souhaitaient donc pas en faire la promotion. Heureusement pour nous tous, quelqu’un a eu la bonne idée de demander à l’UNESCO ce qu’elle en pensait, et en moins de deux, (en fait à peu près 10 ans…) le statut de patrimoine mondial lui a été conféré. On y trouve des ouvrages romains comme son célèbre colisée, des remparts, des tours, un aqueduc, des murailles, des places, un palais d’Auguste, des ruines et d’autres richesses archéologiques qui attirent maintenant les touristes du monde entier.

Une rue principale durant le Festival Santa Tecla à Tarragone. | Photo par Bernard Gagnon

Une rue principale durant le Festival Santa Tecla à Tarragone. | Photo par Bernard Gagnon

C’est aujourd’hui une ville industrielle forte dans le secteur pétrochimique et qui a tourné le dos à la production du tabac, dont l’usine abandonnée est d’une architecture impressionnante. Sa façade fait penser à celle d’un palais, alors que son arrière a été recouvert de verdure pour la rendre plus attrayante, l’ensemble s’intégrant de manière étonnante dans un vaste espace vert urbain.

À Vancouver on penserait tout de suite à convertir le tout en logements à prix modique, mais comme il n’y a pas de crise du logement à Tarragone…

L’intégration des classes et des générations y est très évidente. Sur la Rambla Nova, une grande avenue qui donne sur un balcon offrant une vue exceptionnelle de la Méditerranée, les jeunes jouent au foot alors que les touristes y déambulent et les Tarragonais de tous âges s’y promènent. Ceux qui ont besoin d’aide sont en fauteuil roulant, poussés par une aide-infirmière ou un membre de leur famille.

Tarragone a été le lieu de production de la célèbre Chartreuse de 1908 à 1989, quand la production de cette liqueur redevient exclusivement française et reprend son nom d’origine. Les restaurateurs et collectionneurs de la Chartreuse produite à Tarragone qui en possèdent encore, les exhibent prudemment et fièrement et se gardent bien de les ouvrir !

Dans le quartier médiéval, autour de la cathédrale qui date du XIIe siècle, quelques-unes des maisons anciennes sont tristement laissées à l’abandon, n’offrant aux passants que leurs murs faisant office de coquille vide, parfois sans toit et souvent envahies par les pigeons.

Ici, la cueillette des ordures ménagères se fait sans tintamarre, comparé au vacarme infernal des camions qui basculent les énormes bennes en métal dans les ruelles de Vancouver. D’imposants contenants de diverses couleurs selon ce qu’ils doivent contenir, soit papier, carton, plastique, verre blanc ou de couleur, matière organique ou ordures non-recyclables, sont alignés le long des rues, occupant quelques espaces de stationnement, dans des endroits stratégiques et accessibles, partout en ville. Les Tarragonais doivent y apporter leurs ordures ménagères et autres matières recyclables, puisque la cueillette ne se fait pas de porte en porte.

Dans cette ville de près de 140 000 habitants (plus de 375 000 pour l’aire urbaine), il n’y a pas de chicane entre automobilistes et piétons auxquels les nombreux passages cloutés donnent la priorité, à l’aide d’une icône animée amusante d’un piéton au pas de marche et qui passe au pas de course au fur et à mesure du décompte, qui peut durer 45 secondes… loin de la petite vingtaine de secondes qui est accordée aux piétons aux carrefours les plus achalandés de Vancouver.

Amphithéâtre romain de Tarragone datant du IIème siècle. | Photo par Cintxa, Flickr

Amphithéâtre romain de Tarragone datant du IIème siècle. | Photo par Cintxa, Flickr

Mais ce fut d’abord pour son port naturel protégé et l’abondance des poissons qui se pêchent au large de ses côtes, que les Romains ont d’abord envahi puis développé la ville, à partir de laquelle ils ont entrepris la conquête du reste de la péninsule ibérique. Aujourd’hui, les pêcheurs organisés en confrérie y transbordent 30 % de tout le poisson qui se consomme en Espagne. Leur solidarité se manifeste aussi envers leurs anciens confrères moins bien nantis, dont certains ont le privilège de venir ramas-
ser les sardines qui tombent des caisses qui débordent.

Imaginez-vous un peu qu’on accorderait à quelques démunis de Vancouver le droit de venir gratuitement faire le plein de crevettes tachetées ou de saumons, au Fisherman’s Wharf de l’île Granville ou le long des quais du fleuve Fraser en saison de pêche !