La pause du déjeuner… à la va-vite !

A mon arrivée à Vancouver, en défaisant ma valise, j’ai juré en me rendant compte que j’avais oublié mes cravates. « Quel oubli bête » me dis-je, « les cravates sont pourtant indispensables pour le bureau ! »

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Deux ans après, j’opte plus souvent pour le t-shirt plutôt que pour la chemise, et quel confort de pouvoir porter des sandales les jours de grosse chaleur (concept relatif à Vancouver) ! Se vêtir ainsi est impensable dans mes précédents lieux de travail à Paris, ou même lors du Casual Friday emprunté aux Nord-Américains, les tenues sont plus protocolaires que lors de réunions dans certains bureaux de Vancouver.

Assez logiquement, je suis resté un peu choqué le premier jour quand mon responsable m’a appelé « buddy » (« mon pote »)… ici pas de « monsieur », car tout le monde, jusqu’au directeur lui-même, s’interpelle par son prénom. Cette souplesse dans les relations hiérarchiques n’est pas juste une façade, les communications sont concrètement plus aisées, ou simplement plus humaines.

En revanche, beaucoup moins conviviale est la pause du déjeuner. Il est tristement courant de manger seul à son bureau, à la va-vite ! A ma surprise, peu d’importance est accordée à ce repas, la preuve étant qu’une minuscule demi-heure est prévue à cet effet. C’est pourtant, d’après mon expérience, la meilleure occasion de briser les barrières entre les différents services et de décontracter les relations entre collègues. Je dépasse donc systématiquement la ridicule demi-heure impartie, entraînant dans la foulée quelques collègues avec qui j’ai pris l’habitude de partager le déjeuner dans la joie et la bonne humeur. Des remarques envieuses : « Oh, mais on dirait un repas de famille ! », se font entendre de la part d’autres employés de passage dans la cuisine, et de nouveaux adeptes viennent régulièrement agrandir notre tablée.

Logiquement, ce mélange parfois contradictoire de décontraction et de réserve propre à la vie vancouvéroise se retrouve dans le monde du travail. Ainsi, aborder familièrement son patron n’est pas choquant, mais se laisser aller à des remarques un peu crues fera écarquiller les yeux de vos collègues. Ils ne bouderont toutefois pas leur plaisir de vous entendre bousculer le « politiquement correct » de la vie de bureau : « Vous les Européens, vous êtes si inappropriés ! » diront-t-il après s’être remis de leur fou rire.

Il est bien intéressant de vivre ces différences culturelles dont je ne soupçonnais pas l’existence. Mon entreprise n’est évidemment pas représentative de toutes les autres, je suis néanmoins sûr qu’elle ne fait pas exception, connaissant d’autres immigrants européens ou latino-américains qui font des constats similaires par rapport à leur lieu de travail. Tous sont d’accord pour dire que l’un des aspects les plus attrayants du marché du travail et de la culture d’entreprise canadienne est la possibilité d’évolution. Selon moi, plusieurs ont connu l’avantage d’être promus au sein de leur entreprise vancouvéroise au bout d’un an alors que dans leur pays d’origine ils avaient pu passer plusieurs années au même poste, touchant le même salaire.

Nous nous adaptons donc en profitant de ces différences, nous nous défaisons de cette « tension » que nous avions pris l’habitude d’endosser en entrant au bureau et sommes plus directs avec nos responsables hiérarchiques, quel bien cela fait ! En contrepartie nous apportons un peu de notre ardeur pour la pause consacrée au déjeuner et de notre occasionnelle « indécence » et contribuons ainsi à la très vivante diversité culturelle de Vancouver.