Mahjong, l’art du poker à la chinoise

Rencontre avec des joueurs vancouvérois qui lèvent le voile sur ce jeu mythique et mystérieux.

Quatre joueurs, un tapis vert, et 144 pièces ornées de dragons, bambous et autres symboles de la culture chinoise. À mi-chemin entre le poker, les dominos et le rami, le mahjong est l’un des jeux de société les plus populaires au monde, bien qu’il soit assez méconnu des Occidentaux. En Chine, son pays d’origine, un foyer sur deux possède un kit de Mahjong.

Le but du jeu ? Réaliser des « pung » (brelans), des « kong » (carrés) ou des « chow » (suites) à l’aide des dominos appelés « tuiles ». Simple de prime abord, le Mahjong demande beaucoup de stratégie, une capacité d’analyse du jeu des adversaires, mais aussi une bonne intuition et une petite part de chance.

De par sa forte population asiatique, la Colombie-Britannique dispose d’une vaste communauté de joueurs. Mais le Mahjong, se pratiquant traditionnellement en famille ou entre amis, reste bien souvent au chaud dans les foyers et peine à conquérir un public plus diversifié. À Vancouver, plusieurs lieux organisent toutefois des parties. « Il n’y a pas une très forte demande mais un réel intérêt de la part de la communauté asiatique », explique Chris Podlecki, responsable du programme des loisirs du Centre communautaire de Dunbar, qui offre des parties de Mahjong deux fois par semaine depuis plus d’une décennie. Aujourd’hui, plus d’une vingtaine d’adeptes s’y retrouvent.

Tradition familiale

« Le Mahjong, c’est très bon pour la santé. Quand vous êtes un peu faible, y jouer vous aide à vous sentir mieux et à oublier vos soucis », assure Linda, retraitée d’origine asiatique qui explique que selon la croyance chinoise, le Mahjong apporte de l’énergie positive au cerveau. « C’est une manière de retarder la démence sénile ! », plaisante une des trois autres joueuses attablées avec Linda. Pour le gouvernement chinois, les bienfaits du Mahjong sont pris très au sérieux. Cette activité a d’ailleurs été reconnue en 1998 comme étant le 255e sport chinois.

Particulièrement apprécié des retraités, le Mahjong est pratiqué « au sein de toutes les tranches d’âge et toutes les catégories sociales », affirme Chris Podlecki. « Les retraités sont plus nombreux autour de la table car nous organisons les parties en journée. Mais le Mahjong touche toutes les générations. C’est même souvent une tradition familiale chinoise lors des fins de semaine : on déjeune ensemble puis on joue au Mahjong. »

Maria, elle, n’est pas d’origine asiatique, mais elle ne raterait sa partie de Mahjong pour rien au monde. Jeune retraitée, elle dit s’être d’abord essayée au bridge mais n’a pas été convaincue. « J’ai testé le Mahjong un peu par hasard et j’ai tout de suite adoré. Je joue depuis quatre ans mais j’ai pu atteindre un bon niveau après à peine quelques mois. J’ai eu la chance de pouvoir compter sur l’aide et la patience des autres joueurs du Centre communautaire. Ce qui n’est pas le cas partout », regrette-t-elle toutefois. « Au centre de Richmond, personne n’osait croiser mon regard à la table, il n’y avait pas de sens du partage. »

Dimension mystérieuse

Dans certains lieux privés du centre-ville, la notion de pratique amicale est même complètement effacée au profit du gain. « À Chinatown, on joue surtout pour l’argent. Beaucoup d’argent. Mais il n’y a que les Asiatiques qui sont admis, c’est très sérieux, des gens comme vous et moi ne pourront pas y entrer », assure Maria.

Le Centre Communautaire de Dunbar offre des parties de Mahjong. | Photo par Anne-Diandra Louarn

Le Centre Communautaire de Dunbar offre des parties de Mahjong. | Photo par Anne-Diandra Louarn

En dehors de centres communautaires, les parties de Mahjong sont effectivement difficiles d’accès. Clubs privés, réunions secrètes, peu d’informations disponibles sur la Toile… les adeptes du Mahjong aiment entretenir une part de mystère. Il faut dire que le jeu en lui-même fait l’objet de nombreux fantasmes, à commencer par son créateur inconnu. Les adeptes aiment croire que le jeu a été inventé par Confucius –
grand amoureux des oiseaux – il y a plus de 2 500 ans. Il aurait donné le nom de Mahjong (littéralement « moineau qui se chamaille ») en référence au bruit singulier que produisent les tuiles lorsqu’elles sont mélangées au début de chaque partie. Mais cette théorie n’a jamais pu être vérifiée. Les plus anciennes tuiles authentifiées par des scientifiques remontent aux années 1880.

Dès le début du XXe siècle, le jeu dépasse rapidement les frontières chinoises pour s’exporter d’abord en Asie puis en Amérique du Nord et enfin en Europe. Le Mahjong connaît ensuite un passage à vide lorsque la Chine des années 1940 décide d’interdire le jeu, perçu par les révolutionnaires communistes comme un passe-temps de la bourgeoisie. À cette époque, les joueurs de Mahjong risquaient la prison s’ils étaient pris en plein match. Il faudra attendre 1985 pour que l’interdiction soit levée. Un petit goût de prohibition est venu toutefois s’ajouter au mythe du Mahjong…

Aujourd’hui, l’engouement d’antan est de retour et le Mahjong jouit même d’un nouveau souffle depuis les années 2000 avec l’explosion des jeux en ligne. Pour ceux qui préfèrent un face à face, la Roundhouse Society ainsi que trois Centres communautaires offrent déjà des parties. Un quatrième débutera des sessions dès le mois de janvier 2015.

Pour savoir quels Centres communautaires proposent des parties de Mahjong, rendez-vous sur www.vancouver.ca/parks-recreation-culture/social-activities

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